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Un village congolais en quête de justice pour ses fillettes violées

Crimes sexuels en RDC: vers la fin de l'impunité des prévenus?
Crimes sexuels en RDC: vers la fin de l'impunité des prévenus? / 19h30 / 4 min. / le 26 novembre 2017
Entre 2013 et 2016, une quarantaine de fillettes ont été violées à Kavumu, en République démocratique du Congo (RDC). L'affaire est devant la justice depuis le 9 novembre, grâce notamment à une ONG genevoise.

De petites maisons et des chemins de terre composent Kavumu, ville de 40'000 habitants située dans la province du Sud-Kivu, loin du pouvoir central et de la capitale Kinshasa. Dans cette zone théâtre de violences extrêmes depuis la chute du président Mobutu en 1997, des miliciens ont violé entre 2013 et 2016 une quarantaine de fillettes âgées de 8 mois à 12 ans.

Dans chaque cas, le même mode opératoire a été constaté: après avoir été enlevée en pleine nuit par un ou plusieurs hommes, la victime était violée et son sang prélevé. Derrière ces crimes, une superstition: la milice, surnommée "Armée de Jésus", utilisait le sang vaginal pour fabriquer des fétiches afin de se protéger des balles des militaires et d'autres miliciens.

Ces attaques ont initialement été considérées comme des événements isolés par les autorités judiciaires locales. Face à l'inaction de celles-ci, les défenseurs des victimes ont demandé début 2016 au procureur militaire de se saisir de l'affaire dans la mesure où il existait des preuves de crimes contre l'humanité. Une requête accueillie favorablement qui a mené à l'ouverture d'un procès le 9 novembre dernier. Avec un ancien élu local, Frédéric Batumike, et 17 de ses hommes sur le banc des accusés.

Une ONG genevoise en soutien aux avocats congolais

Si ce procès a vu le jour, c'est grâce à la mobilisation de la société civile congolaise et internationale. Deux avocats de l'ONG genevoise Trial, Elsa Taquet et Daniele Perissi, ont notamment travaillé de longs mois pour organiser l'accusation et étayer le dossier.

L'ONG a également soutenu les victimes et leurs familles avec l'aide de la clinique du Dr Denis Mukwege, "l'homme qui répare les femmes". La plupart des fillettes ont dû subir une chirurgie reconstructrice et souffrent toujours de graves dommages corporels, ainsi que d'un profond traumatisme psychologique.

>> Voir le Dr Mukwege dans Pardonnez-Moi (mai 2016) :

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Denis Mukwege ou le nouveau Gandhi d'Afrique / Pardonnez-moi / 18 min. / le 29 mai 2016

Le président de l'association des victimes menacé de mort

Parmi les autres soutiens des enfants, Rémy, président de l'association des victimes, doit aussi faire face à la violence. L'homme est désormais menacé de mort. Des individus l'ont gravement blessé avec une machette il y a plusieurs mois. Sifa, mère d'une des victimes, raconte quant à elle qu'elle ne dort plus la nuit quand il pleut. "Ils ont emmené Keren un soir, il pleuvait très fort", confie-t-elle dans le 19h30 de la RTS, traumatisée.

Physicians for Human Rights (PHR) figure aussi parmi les organisations qui ont travaillé sur les crimes de Kavumu. L'ONG américaine emploie un ancien policier français de la section scientifique de Lyon. L'expert a pu recouper les informations sur plusieurs viols commis depuis 2013 pour monter le dossier des parties civiles. Il a par ailleurs convaincu le chef de la police du Sud-Kivu de ne rien lâcher.

Malgré tous ces efforts, le chemin est encore long pour restaurer un semblant de justice. Le procès de Kavumu a été suspendu en fin de semaine après plusieurs tentatives de corruption, de menaces et d'annulation. L'ex-député Batumike a demandé la récusation de deux des juges. La requête risque de retarder encore l'épilogue de cette affaire devenue le symbole des crimes sexuels qui ravagent l'est de la RDC.

Reportage: Annabelle Durand

Adaptation web: Tamara Muncanovic

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