Choisir son pain : un choix de société…

Biocontact magazine – février 2019 – Jean-Pierre Camo Directeur de la publication –
Le riz en Orient, le mil et le sorgho en Afrique, le maïs en Amérique mais aussi le blé en Europe, les céréales ont contribué, dès la naissance de l’agriculture, à façonner les grandes civilisations à travers le monde. Véritable pivot alimentaire, autour duquel gravitaient fruits, légumes et quelques protéines animales, selon les régions et les saisons, elles s’invitaient – et s’invitent toujours – dans la diète quotidienne d’une immense majorité des êtres humains.
La pittoresque boulangerie de Cucugnan (Pyrénées-Orientales) est très renommée
Phénomène récent : nous consommons, en Occident, moins de pain que les générations qui nous ont précédés. Peut-être que notre alimentation est plus variée et plus riche en protéines animales, viande surtout. Moins de quantité donc, mais aussi moindre qualité.
La sélection des blés modernes privilégie les hautes teneurs en gluten, qui donnent des pains qui lèvent mieux (nombreuses bulles d’air) mais sont difficilement assimilables. Avec, pour corollaire, la quasi-disparition des variétés anciennes, fruits de longues et lentes sélections au fil des siècles, un véritable trésor de biodiversité en danger.
Le blutage, opération qui consiste à séparer la farine du son et des autres produits de mouture, produit de belles farines blanches (type 55) mais largement appauvries en minéraux, vitamines, fibres. Et plus la farine est raffinée, plus son index glycémique est élevé.
Le levain naturel d’autrefois, bien qu’en regain, a largement laissé la place à la levure boulangère, beaucoup plus efficace et prédictible. Contrairement à la levure industrielle, les bactéries sauvages du levain naturel (ou spontané), de type lactique, savent dégrader l’acide phytique, un agent antinutritif qui diminue la biodisponibilité des minéraux et entraîne des déficits en calcium, fer, zinc, et rendent le pain plus digeste. En effet, le levain (le vrai, pas celui démarré à la levure !) offre également l’avantage de réduire cet index glycémique en attaquant la structure chimique de son amidon.
Les farines modernes contiennent de nombreux additifs chimiques : adjuvants et auxiliaires technologiques pour faciliter, là encore, le travail du boulanger mais qui n’offrent aucun intérêt nutritionnel pour le consommateur.
Enfin, le son des blés issus de l’agriculture conventionnelle concentrent tous les pesticides dont ils sont copieusement aspergés.
Comment ne pas regretter le rapide déclassement du pain, vieux et noble compagnon de nos tablées ? Moins nourrissant, moins digeste, non durable et au final moins économique (une baguette non consommée le soir se jette, alors qu’un bon pain complet ou semi-complet – bio – se garde facilement une semaine), le pain blanc, consommé par 98 % des Français, ne peut décidément plus prétendre symboliser notre civilisation comme autrefois. Sa farine doit être standardisée, mécanisable, sa mie doit lever vite, son apparence doit flatter, sa durée de consommabilité limitée dans le temps (j’allais employer le terme d’obsolescence). Tout cela n’est-il pas à l’image de notre monde moderne, pressé, obsédé par la rentabilité, oublieux de la biodiversité et la santé des consommateurs ?
Consommer du pain issu de farines de blés anciens, cultivés sans pesticides (donc bio), lentement levé avec des levures naturelles, mine de rien, c’est aussi un choix de société… ■

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
Cet article, publié dans Santé, est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.