LREM : en macronie, le difficile apprentissage de la modestie

Secouée par la grave crise des Gilets jaunes, qu’elle pense terminée, la majorité s’efforce de donner un visage plus humain et modeste. Non sans mal.

 Le président a lui-même fait sa révolution en remisant au placard les phrases polémiques.
Le président a lui-même fait sa révolution en remisant au placard les phrases polémiques. REUTERS/Philippe Wojazer

    C'est le nouvel « élément de langage » de la majorité : « l'humilité ». Traumatisée par la révolte des Gilets jaunes, dont elle pense être venue à bout, même si elle se garde de le crier sur les toits, la macronie s'efforce de donner un visage plus humain. Au sommet de l'Etat, on n'a plus que les mots « respect », « bienveillance » et « écoute » aux lèvres. Le 11 juin en Suisse, patrie de la neutralité — un symbole — Emmanuel Macron livrait cette rare confession : « Lorsque le peuple français dit avec force ce qu'il a dit, je crois qu'il faut avec beaucoup d'humilité savoir écouter, constater ce qu'on a mal fait ».

    « Changer de méthode, c'est aussi changer de ton », embrayait Édouard Philippe le lendemain dans son discours de politique générale devant les députés. Jeudi dernier, c'est Brigitte Macron qui s'efforçait à son tour de donner de son époux une image plus avenante, sur RTL : « Il une âme de poète, il voit la vie à travers un prisme profondément humain, c'est très curieux ça ne transparaît pas ».

    « Il faut montrer un visage aimable de la macronie »

    Pure façade ou sincère mea culpa ? Un conseiller du chef de l'Etat, conscient que le « nouveau monde » a péché par arrogance en début de mandat, décrypte : « Il faut montrer un visage aimable de la macronie, ce que j'appelle la macronie souriante ». Ce virage, sur la forme, remonte au soir des européennes, où les Marcheurs ont été sommés de bannir tout triomphalisme, malgré un score considéré en interne comme un succès. Sur le fond des réformes, en revanche, point de virage. « Il faut maintenir notre cap, tout en faisant de la politique autrement », résume le même.

    Le président a lui-même fait sa révolution en remisant au placard — pour l'heure — les phrases polémiques (« traverser la rue », « les fainéants » etc.) qui avaient donné de lui une image hautaine et méprisante. « Il fait très attention », assure un proche. « Parfois, quand on est très naturel, on peut blesser. Il l'a réalisé a posteriori », l'a excusé son épouse jeudi. Un député LREM ironise sur cette récente conversion : « On se hollandise ! »

    Les Gilets jaunes ? « C'est fini ! »

    La consigne, pourtant, a bien du mal à descendre jusqu'aux étages inférieurs. A La République en marche (LREM) comme au gouvernement, une brise d'euphorie persiste à souffler. Les Gilets jaunes? « C'est fini! », balaie un Marcheur historique, alors que « l'acte 32 » ce samedi a peu mobilisé (NDLR : 11 800 participants en France dont 1 100 à Paris selon le Ministère de l'intérieur). « C'est derrière nous », appuie un ministre, qui parie que la grogne ne passera pas l'été, laissant à l'exécutif les mains libres pour réformer.

    Déjà, certains imaginent les municipales de 2020 comme un chemin de roses, face aux vieux partis moribonds. Les sondages du président, qui bondissent à la hausse, n'arrangent rien. « Certains ministres marchent sur l'eau… », déplore un pilier de la majorité, qui cible particulièrement ceux issus de la droite.

    Petite montée de température entre LREM et le MoDem

    Cette légère griserie a provoqué ces jours-ci une petite montée de température entre les deux alliés, LREM et le MoDem. La formation de François Bayrou n'a pas apprécié que les Marcheurs jouent les mâles alpha et tentent de lui imposer des investitures avant l'été pour les municipales. « Il y a un problème d'excès de confiance ! », peste un élu centriste, agacé par des visées « hégémoniques ».

    Plusieurs épisodes ont tendu la relation, comme la tribune de Marlène Schiappa au JDD appelant les élus de tous bords à rallier LREM, vécue comme une « tentation du parti unique ». François Bayrou, qui garde jalousement secret ses échanges avec le chef de l'Etat, aurait évoqué le sujet en personne avec lui. Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, cette rechute d'immodestie, contraire aux consignes, irrite. « Il y a un syndrome de la grosse tête, c'est une connerie », tonne un fidèle, qui promet : « Le président, lui, ne l'a pas ».