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Soudan : des mères réclament la libération de leurs enfants, détenus sans jugement par la junte

Plus de trois après la chute d’Omar El-Bachir, les manifestants soudanais ne se démobilisent pas. Comme chaque semaine, ils sont sortis en masse dans les rues, jeudi 5 mai, pour réclamer le départ de la junte militaire qui s’est emparée du pouvoir le 25 octobre 2021, interrompant ainsi le processus de transition démocratique. Les manifestants exigent surtout la libération des activistes arrêtés depuis ce coup d’État, et dont la plupart n’ont pas été jugés à ce jour. Le 1er mai, des mères de détenus se sont réunies devant une prison de Khartoum. 

Des familles rassemblées à la prison de Suba, à Khartoum, pour réclamer la libération de leurs proches, lundi 2 mai.
Des familles rassemblées à la prison de Suba, à Khartoum, pour réclamer la libération de leurs proches, lundi 2 mai. © Twitter
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Le 26 avril, la junte au pouvoir au Soudan a libéré des figures de l’opposition, dont l’ancien ministre des Affaires du gouvernement Khaled Omar Youssef, et l’ancien président du comité chargé de récupérer les bien spoliés sous le régime d’Omar el-Béchir, Mohammed al-Fekki Suleiman.

Début de la manifestation du 5 mai, pour demander le départ de la junte militaire. 

Début avril, le général Abdel Fattah Burhane, président du Conseil de souveraineté et chef de l’État de facto, a promis de libérer des détenus politiques pour ouvrir la voie à un dialogue intersoudanais. Néanmoins de nombreux militants issus des Comités de résistance, fers de lance de la mobilisation populaire, sont toujours détenus. 

“Ils ne l’ont pas laissé voir un avocat”

Dans la soirée du 1er mai, veille de l'Aïd el Fitr, qui marque la fin du mois de ramadan, plusieurs familles de détenus se sont rassemblées devant la prison de Suba pour demander leur libération. Maryam (pseudonyme), dont le fils est détenu depuis début avril, était présente au rassemblement.

 

Mon fils Mahmoud a été arrêté le 5 avril, la veille d’une manifestation à Oum Dourman, mais je n’en connais pas les circonstances.  Trois jours après, j’ai appris par le biais d’un avocat qu’il était détenu à la prison de Suba. 

Rassemblement de familles de détenus devant la prison de Suba, à Khartoum, le 1er mai. “Dans la prison de Suba plusieurs personnes sont en détention provisoire en vertu de l’état d’urgence” explique une avocate qui a appelé a effectué la prière de l’Aïd el Fitr devant la prison, lundi 2 mai.

 

Je me suis rendue à la prison, j’ai pu voir que son nom figurait dans le registre des détenus mais les gardiens ne m’ont pas laissé le voir. Ils ne l’ont pas laissé voir un avocat non plus. Et jusqu’ici aucune accusation ne lui a été officiellement adressée. 

C’est pour cela que j’ai participé au sit-in des parents de détenus auquel avaient appelé des avocats.

Des mères de détenus en sit-in dans une salle de la prison de Suba, le 2 mai.

 

L’idée c’était de prendre le repas de rupture du jeûne sur place avec les familles, et d’y rester jusqu’à ce qu’on obtienne des réponses. Mais dans la nuit, vers deux heures du matin, les forces anti-émeutes sont venues et nous ont chassés en tirant des gaz lacrymogènes.

“J’ai peur pour lui et il me manque” 

En 2019, Mohamed et moi-même étions impliqués dans les manifestations qui ont conduit à la chute d’Omar El-Béchir. Mais je ne sais pas s’il a participé à des manifestations contre le régime actuel, il ne m’en parlait pas.

Des jeunes rassemblés devant la prison de Suba dans la nuit du 1er au 2 mai.

 

Dans la journée de lundi 2 mai, un groupe de parents de détenus s’étaient également rendus sur place pour réclamer la libération de leurs proches, mais le rassemblement a été dispersé par les forces de l’ordre. 

J’espère la libération de mon fils le plus vite possible, j’ai peur pour lui et il me manque. S’ils n’ont rien contre lui, qu’ils le laissent partir.

“Ils nous ont frappés avec la crosse de leurs fusils et nous ont insultés."

Walid (pseudonyme), un jeune activiste dans les comités de résistance, a eu plus de chance. Détenu à la prison de Suba le 6 avril, il a été libéré trois jours plus tard. 

Ce jour-là, il y avait une manifestation de protestation importante dans les rues de Khartoum, car elle marquait le troisième anniversaire du reversement d’Omar El-Béchir [et celui de l’ancien dictateur Jaafar Al-Nimeiri le 6 avril 1985, NDLR]. 

J’étais sorti de chez moi, près de la route de l’aéroport, pour aller à la rencontre de camarades militants qui avaient reçu des grenades lacrymogène dans la manifestation quelques rues plus loin. Je voulais les ramener chez moi pour les secourir. 

Mais j’ai été embarqué avec deux autres jeunes à l’arrière d’un pick-up par les forces de l’ordre. Ils nous ont frappés avec la crosse de leurs fusils et nous ont insultés.

 “Vingt-deux militants sont portés disparus”

Hanan Hassan fait partie d’un groupe d’avocats qui s’est constitué après le coup d’État du 25 octobre 2021 pour défendre les militants arrêtés. 

Certains sont en prison depuis novembre dernier, et il n’ont pas encore été jugés. Ils sont pour la plupart poursuivis pour troubles à l’ordre public et destruction de biens publics.

Comme l'état d’urgence a été décrété en octobre 2021, nous éprouvons énormément de difficultés à suivre les dossiers des militants arrêtés. Les autorités ne nous donnent aucune information. Le bureau du procureur ne communique pas sur les prisons où ces gens sont incarcérés. Nous devons nous débrouiller par nous-mêmes et faire le tour des prisons pour les retrouver. 

Nous avons pu recenser 225 détenus activistes dans la prison de Suba. La plupart d’entre eux ont été libérés. Vingt-trois d’entre eux sont toujours détenus. A la prison de Port-Soudan, il y a encore 33 détenus, et à la prison al-Houtiya 30 détenus. 

Nous ne savons même pas pour quels motifs ils sont arrêtés. D’ailleurs, il y a aussi 22 militants qui sont aujourd’hui portés disparus. Nous ne savons rien sur leur sort.

On reçoit aussi régulièrement des témoignages de torture. Rien que pendant le mois de ramadan, quatre détenus de la prison de Suba ont été transférés à l’hôpital, ils étaient mal en point après avoir subi des tortures.

->Lire sur les Observateurs : Au Soudan, "les manifestants sont traqués jusque dans les hôpitaux"

Le 29 avril, une « Troïka » d'envoyés spéciaux des États-Unis, de la France et du Royaume- Uni notamment, s’est déplacée à Khartoum où elle a appelé à la formation d’un gouvernement de transition civile. Une réunion des acteurs politiques soudanais est prévue du 10 au 12 mai, sous l’égide de l’ONU, de l'Union africaine et l’Organisation régionale est-africaine (IGAD). Toutefois, l'opposition, portée par les Comités de résistance, refuse de dialoguer avec les militaires et les forces politiques qui ont soutenu le coup d'État du 25 octobre.

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