Menu
Libération
Santé

Corée du Sud : vague de démissions et grève des soins dans les hôpitaux

Après l’annonce d’une réforme visant à recruter plus de médecins, près de 71 % des internes sud-coréens ont remis leur démission depuis lundi. Une situation qui bouleverse l’équilibre des hôpitaux et met en danger les malades.
par Clémentine Mariuzzo et AFP
publié le 21 février 2024 à 18h10

La crise est sociale, mais pas encore sanitaire. Les hôpitaux de Corée du Sud se voient obligés de refuser des patients. Depuis lundi, les établissements de santé font face à une vague de démission massive des internes qui protestent contre une réforme destinée à admettre plus d’étudiants en faculté de médecine. Selon des données officielles et des informations des médias, plus de 8 800 internes, soit 71 % d’entre eux, ont remis leur lettre de démission depuis le début du mouvement.

Selon le vice-ministre de la Santé, Park Min-soo, 7 813 internes ne se sont pas présentés à leur travail mercredi, démissions et débrayages compris. C’est cinq fois plus que lors du premier jour du mouvement lundi. La Corée du Sud compte environ 13 000 médecins internes et résidents. Près de 21 % d’entre eux, sont attachés à un des cinq plus grands hôpitaux de Séoul. Selon l’agence de presse Yonhap, les cinq principaux hôpitaux du pays ont annulé mercredi jusqu’à 50 % des interventions chirurgicales programmées.

Population âgée

Cette réforme contre laquelle ces jeunes médecins se mobilisent vise à augmenter de 65 % le nombre d’étudiants admis dans les facultés de médecine, soit 5 058 chaque année, à partir de 2025. Selon le président sud coréen Yoon Suk-yeol, cette mesure est nécessaire pour préparer le pays à prendre soin d’une population de plus en plus âgée. Environ 44 % des Sud-Coréens auront plus de 65 ans en 2050 d’après les projections gouvernementales. La Corée du Sud ne compte que 2,6 médecins pour 1 000 habitants selon l’OCDE, contre une moyenne de 3,7 parmi les 37 pays membres de cette organisation de pays développés. Et le gouvernement calcule qu’il manquera 15 000 médecins pour faire face aux besoins du pays à l’horizon 2035 si rien n’est fait.

Les concernés, eux, sont farouchement opposés au projet, estimant qu’admettre plus d’étudiants dans les facultés de médecine se traduira par une baisse du niveau des futurs praticiens, et que la qualité des soins s’en ressentira. De plus, selon eux, la réforme proposée le 6 février ne s’attaque pas aux vrais problèmes du système de santé sud-coréen. Notamment la pénurie de spécialistes dans certains domaines comme la pédiatrie et la cardiologie, alors que les étudiants se bousculent en chirurgie esthétique et en psychiatrie.

Les partisans de la réforme soupçonnent les médecins de vouloir surtout préserver leurs salaires. Conséquence de la pénurie de praticiens : ils sont parmi les mieux payés au monde avec un revenu annuel moyen en 2020 de 192 720 dollars (plus de 178 000 euros) selon l’OCDE.

Chimiothérapies reportées

Le gouvernement de Yoon Suk-yeol, qui fait face à une forte défiance, est bien déterminé à faire passer la réforme. Dès lundi, il a ordonné aux médecins de reprendre le travail et s’est engagé à poursuivre en justice ceux qui s’y opposent. «La vocation première des professionnels de la santé est de protéger la santé et la vie des gens, et toute action collective qui menace cette mission est injustifiable», a fustigé le vice-ministre Park Min-soo. Le gouvernement pourrait ordonner la réquisition des hôpitaux militaires et ceux de la police, d’après une déclaration de Park.

Un groupe de patients atteints de maladies graves a fait savoir dans un communiqué à l’AFP que ses membres vivaient des «journées terriblement douloureuses. […] Nous sommes désespérés à chaque minute, chaque seconde qui passe. Les patients gravement malades doivent être immédiatement soignés», ont-ils exigé.

Hong Jae-ryun, un quinquagénaire de Daegu (dans le sud-est du pays) atteint d’un cancer du cerveau, a raconté à l’AFP que sa chimiothérapie avait été annulée sans date de report alors que des métastases ont déjà gagné ses poumons et son foie : «C’est absurde. Que peuvent dire les patients impuissants coincés au milieu du conflit entre le gouvernement et les médecins ? J’ai l’impression d’être trahi.» Selon un récent sondage de l’institut Gallup coréen, plus de 75 % des personnes interrogées sont en faveur de la réforme.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique