[Ce texte est la transcription d’un message vocal réalisé clandestinement, le 21 avril 2024, en persan, par la militante iranienne pour les droits humains Narges Mohammadi, d’une cabine téléphonique de la section des femmes de la prison politique d’Evin, dans le nord de Téhéran, où elle est emprisonnée.
En raison du prix Nobel de la paix qui lui a été attribué en décembre 2023 et de la poursuite de ses activités militantes, en prison, en soutien au mouvement « Femme, vie, liberté », Narges Mohammadi est interdite de tout contact téléphonique. Aidée de sa codétenue Sepideh Gholian, journaliste emprisonnée pour avoir exercé son métier, Narges Mohammadi a pu échapper furtivement à la vigilance de leurs geôliers et transmettre ce message – un acte qui les expose toutes deux à de nouvelles poursuites, de nouvelles condamnations et de nouveaux châtiments.]
Valeureux peuple d’Iran, je suis Narges Mohammadi. Vous entendez ma voix depuis le quartier des femmes de la prison d’Evin. Ma carte d’appel téléphonique a été désactivée il y a cinq mois par l’administration pénitentiaire, ce qui me contraint à utiliser celle que possède ma codétenue, Sepideh Gholian.
Il y a une heure, une jeune femme nommée Dina Ghalibaf a été conduite dans la cour du quartier des femmes de la prison d’Evin, le corps couvert d’hématomes, après avoir été agressée sexuellement.
Pendant des années, nous avons été témoins des agressions, des abus sexuels et des passages à tabac de nombreuses femmes de tout le pays de la part d’agents du gouvernement. Cependant, aujourd’hui, la République islamique – qui ne se trouve pas en position de force, mais de fébrilité – mène, en désespoir de cause, une guerre à grande échelle à l’encontre de toutes les femmes, et ce, dans toutes les rues d’Iran.
Pour mettre fin à cette guerre impitoyable et contraindre la République islamique à battre en retraite, il existe deux scénarios. Soit nous, femmes d’Iran, sommes contraintes de nous battre seules, auquel cas nous continuerons de payer un lourd tribut pour notre liberté : en l’occurrence, la mort assurée. Soit le peuple iranien tout entier, et les peuples du monde à sa suite, se bat à nos côtés et nous aide ainsi à lutter tout en préservant nos vies.
Le visage macabre de l’apartheid de genre
A toutes celles et tous ceux qui composent le peuple iranien : je vous demande, que vous soyez artistes, intellectuels, travailleurs, enseignants ou étudiants, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, de protester de toutes vos forces contre cette guerre qui est faite aux femmes.
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