Le 17 juillet, dans un entretien pour Le Point, Bruno Le Maire déclarait souhaiter pour la présidence de l'UMP, un "président qui a des couilles". Si le terme peut étonner et détonner dans la bouche d'un homme qui s'est construit une image d'homme de culture, allant jusqu'à publier un livre consacré à son action de ministre chez Gallimard, il permet de rappeler que les institutions politiques sont aussi des institutions genrées.
Pour conquérir le pouvoir, il est encore nécessaire de se fondre dans les images qu'il véhicule, et qui sont encore largement fondées sur la virilité entendue comme une "masculinité hégémonique" (Connell). Une masculinité écrasante et qui renvoie les femmes et tous les stéréotypes qui leur sont attachés à la sphère privée.
Certes, la société a évolué et on a vu des femmes parvenir à de hautes fonctions politiques. Mais non sans mal. Elles firent d'ailleurs toujours face à la difficulté de se fondre dans le moule viril selon l'image de la "king" (Catherine Achin et Elsa Dorlin), femme-homme essayant de neutraliser son genre pour coller aux stéréotypes de la fonction (Martine Aubry par exemple), ou au contraire en prenant la position inverse et en revendiquant une féminité assumée à l'image de Ségolène Royal en 2007 par exemple. Mais dans les deux cas, elles font l'objet de critiques acerbes, et il est toujours des contempteurs pour leur rappeler qu'elles n'ont pas la carrure.
Que l'ancien ministre de l'Agriculture parle de "couilles" doit d'autant moins étonner qu'il doit lui-même effacer l'image qui lui est accolée de mollesse. Dans un parti aussi virilisé que l'UMP, c'est un trait qui ne pardonne pas. Depuis 1958, les partis gaullistes se sont en effet construits sur l'image d'un chef, d'un guide capable de s'opposer à la mollesse et l'inaction parlementaires de la IVème République. Avec Nicolas Sarkozy, on a même assisté à l'émergence d'une "virilité-ressource" selon l'expression de Catherine Achin et Elsa Dorlin.
Alors que les hommes occupaient une position hégémonique dans l'espace politique, ils n'avaient finalement pas besoin de rappeler leurs attributs masculins, et pouvaient montrer un visage assez pacifié et pacifique de leur virilité. Au contraire, en concurrence face aux femmes, ils doivent montrer les muscles et tenter de souligner en creux que les femmes ne sont pas à la hauteur.
On ne s'étonnera pas dès lors que Bruno Le Maire oublie que des femmes puissent aussi candidater pour la présidence de l'UMP (à moins qu'on puisse considérer comme le font certains militants FN pour Marine Le Pen, que les femmes de l'UMP "en ont aussi"). C'est ce même Nicolas Sarkozy que Bruno Le Maire risque sans doute d'affronter bientôt. Il entend dès lors anticiper sur les critiques et se montrer capable de résister au choc, face à un candidat qui n'avait cessé en fin de campagne en 2012 de souligner son côté "guerrier", capable d'endosser "le treillis".
En jouant la stratégie de virilité ressource, c'est aussi François Hollande que Bruno Le Maire prend au col. Il entend se distinguer de la virilité affaiblie du chef de l'exécutif. Cette simple expression qui travestit une stratégie personnelle de distinction, n'en révèle pas moins l'importance toujours fondamentale jouée par les stéréotypes de genre au sein de la politique française.