POLITIQUE - L'allègement des cotisations salariales, promis par le gouvernement dans le cadre de son pacte de responsabilité, et inscrit dans le Budget rectificatif de la Sécurité sociale, a été rejeté mercredi 6 août par le Conseil constitutionnel. L'article 1er du projet de loi, qui prévoit une baisse dégressive des cotisations des salariés touchant entre un Smic et 1,3 Smic, a ainsi été jugé "contraire à la Constitution" par les Sages, notamment parce qu'il "méconnaît le principe d'égalité".
Cet allègement représentait 520 euros par an pour un emploi à temps plein au Smic (1.445,38 euros mensuels bruts). Le montant devait ensuite décroître jusqu'à 1,3 Smic. La mesure, qui devait s'appliquer au 1er janvier 2015, concerne 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires, pour un coût de 2,5 milliards d'euros.
Cette décision tombe très mal pour le gouvernement. Alors qu'elle n'était pas prévue initialement, la mesure avait été ajoutée dans un pacte de solidarité, sous la pression de la gauche de la gauche qui réclamait un geste pour les salariés. L'un de ses représentants, le député Christian Paul a fait part de sa déception. Quant à l'exécutif qui a pris "acte de la censure", il n'a d'autres choix que de trouver un mécanisme de substitution sous peine de voir exploser en vol son principal outil de redressement de l'économie.
Une rupture de l'égalité des salariés
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel estime que ces dispositions instituent "une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d'un même régime de sécurité sociale". Les cotisations salariales d'assurance vieillesse et d'assurance maladie "sont des versements à caractère obligatoire ouvrant des droits aux prestations et avantages servis par les branches vieillesse et maladie", rappelle-t-il.
Or, le projet de loi en l'état "a maintenu inchangés, pour tous les salariés, l'assiette de ces cotisations ainsi que les prestations et avantages auxquels ces cotisations ouvrent droit". Ainsi, "un même régime de Sécurité sociale continuerait (...) à financer, pour l'ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l'absence de versement, par près d'un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales".
Le Conseil a par ailleurs retoqué une partie de l'article 2, concernant la réduction des cotisations patronales pour certains emplois à domicile. Ces dispositions avaient été adoptées par le Parlement lors de l'examen du Budget rectificatif de la Sécurité sociale. Pour le Conseil constitutionnel, elles "ont été introduites en nouvelle lecture alors qu'elles étaient sans lien avec des dispositions restant en discussion".
"Ayant été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution", elles sont donc également jugées "inconstitutionnelles". L'article 2 prévoyait le doublement (de 0,75 euro au 1,5 euro de l'heure) au 1er septembre, pour les gardes d'enfants et l'assistance aux personnes âgées dépendantes ou handicapées, de l'allègement de cotisations dont bénéficient depuis 2013 les particuliers employeurs.
La gauche de la gauche veut la CSG progressive
En l'état, le pacte de responsabilité, outil principal de François Hollande pour faire revenir la croissance en France, n'est donc pas en grande forme. Il n'est pas mort au sens où sa mesure phare (la baisse des charges patronales) a été globalement validée. Cependant, le gouvernement va devoir trouver une mesure de remplacement.
Car si ne rien faire lui permettrait d'économiser quelques milliards d'euros, il se mettrait à dos une grosse partie de sa majorité et des millions de salariés qui avaient anticipé une baisse de leurs charges. C'est sans doute du côté fiscal que Bercy va chercher des réponses. "Le gouvernement promet des mesures alternatives. Ces mesures de soutien au pouvoir d'achat viendront amplifier le dispositif de baisses d'impôt déjà annoncé", s'est pour le moment contenté de déclarer le ministère des Finances.
Ces nouveaux dispositifs seront proposés dans le cadre des lois de Finance pour 2015 qui seront examinées à l'automne au Parlement.
En attendant, la gauche du PS fait déjà ses propositions, ou plutôt sa proposition: instaurer une CSG progressive, sur le modèle de l'impôt sur le revenu. Plus le salaire est élevé, plus le taux de prélèvement est important. "Cette idée avait le mérite d'être moins contestable juridiquement, d'obtenir le même résultat en termes de pouvoir d'achat et d'engager une réforme fiscale d'ampleur. Nous allons donc reproposer cette possibilité qui était dans le programme du Parti socialiste et qui était un engagement de François Hollande", confie Christian Paul au Monde.
A l'automne 2013, Jean-Marc Ayrault avait bien émis l'idée d'une telle grande réforme fiscale. Elle avait bien vite été enterrée. Va-t-elle être ressuscitée? Réponse dans les prochaines semaines.