Un pays longtemps ravagé par deux guerres civiles, des services sanitaires inexistants, une population profondément défiante à l’égard de toute autorité devenue suspecte : le Liberia pourrait accumuler les facteurs aggravant d’une flambée pandémique du virus Ebola en territoire urbain.

Arrivé sur place voilà près de deux semaines, le photojournaliste américain John Moore travaille au contact des populations, en particulier dans l’immense bidonville de West Point, un township en banlieue de la capitale, jouxtant les quartiers d’affaires. C’est une péninsule isolée s’avançant dans l’Atlantique entre les rivières Mesurado et Saint Paul, dont l’accès peut facilement être bloqué.

Quarantaine

Depuis le 18 août, ce township est en quarantaine [qui a été levé 10 jours plus tard]. Entre 50 000 et 75 000 personnes sont entourés par l’armée libérienne. La rumeur publique a vu en la création d’un centre d’isolement, un premier pas pour transformer tout West Point en centre de rétention, à l’échelle du pays.

Le 20 août, des centaines d’habitants se sont affrontés aux forces de sécurité pour s’opposer au verrouillage militaire de leur district. Ils accusent en outre le gourvernement de se débarrasser des malades dans leur bidonville. La foule s’en est notamment pris au centre de quarantaine improvisé, installé par les autorités dans une ancienne école.

Couvre-feu national

Quelques jours plus tôt, la fuite sous protection policière d’une responsable politique et de sa famille avait mis le feu aux poudres. En réponse aux émeutes, la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, a imposé le bouclage complet du territoire, parmi d’autres mesures supposées aider à circonscrire les foyers de la maladie, y compris un couvre-feu national.

A West Point quatre personnes ont été blessées par balle et l’une d’entre elles, un jeune homme de 17 ans, Siafa Kamara est depuis décédé. West Point est l’une des zones les plus pauvres et les plus densément peuplées de la capitale, dépourvue de tout système d’assainissement. Les eaux souillées y circulent à ciel ouvert.

Des moyens “sans précédent”

Avec 624 cas recencés au 20 août, le Liberia connaît le plus grand nombre de décès par Ebola. La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU pour le Liberia, Karin Landgren, a dit vendredi “saluer la déclaration de la présidente [Ellen Johnson Sirleaf] ce jour qu’en aucune circonstance la force létale ne sera utilisée de nouveau”. L’ONU et l’OMS ont promis des moyens “sans précédent” au Liberia pour faire face à la propagation foudroyante du virus Ebola.
John Moore documente au quotidien les soubresauts et les peurs, la maladie et la mort frappant au milieu de populations que l’autorité tente d’encadrer et d’isoler, en réprimant au besoin.