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IRAK

Des miliciens chiites rivalisent de barbarie avec l’EI

Décapitation, exécution sommaire, torture, les jihadistes sunnites de l’organisation de l’État islamique (EI) se sont fait connaître par des exactions qu’ils diffusent abondamment sur les réseaux sociaux. Il semble aujourd’hui que certaines milices chiites aient choisi de leur répondre avec les mêmes moyens et la même cruauté, comme en témoigne cette vidéo où des miliciens brandissent des têtes coupées.

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Décapitation, exécution sommaire, torture, les jihadistes sunnites de l’organisation de l’État islamique (EI) se sont fait connaître par des exactions qu’ils diffusent abondamment sur les réseaux sociaux. Il semble aujourd’hui que certaines milices chiites aient choisi de leur répondre avec les mêmes moyens et la même cruauté comme en témoigne cette vidéo, où des miliciens brandissent des têtes coupées.

Sur la vidéo, un groupe de combattants pose devant une caméra. Deux d’entre eux brandissent des têtes et affirment qu’elles appartiennent à des jihadistes de l’organisation de l’État islamique tandis qu’un autre scande : "Nous venons vous chercher ! Nous vous couperons la tête et ferons des montagnes de vos crânes". Leurs tenues, les insignes sur leurs vêtements ainsi que le drapeau vert et jaune indiquent leur appartenance au "Mouvement islamique d’Irak", une milice irakienne chiite créée récemment et, de fait, peu connue des spécialistes.

 

Depuis le mois de juillet, ce mouvement communique via une page Facebook sur sa participation à la contre-offensive face aux combattants de l’EI. Il est précisé que le chef du groupe est un dénommé Alhaj Abou Jabar Alasadi. Jusque-là inconnu sur la scène politique irakienne, l’homme a toutefois récemment été en contact avec l’ancien Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, et posté sur sa propre page Facebook une photo de leur rencontre deux semaines après la démission de ce dernier.  

 

Mais c’est sur un compte YouTube indépendant que la vidéo de ces miliciens brandissant des têtes coupées a été postée. La légende indique que les images ont été filmées à Amerli, au début du mois de septembre, après que la ville irakienne a été libérée des combattants de l’EI. La localité avait été récupérée au terme d’une opération commune des soldats irakiens, des peshmergas kurdes et de plusieurs milices chiites, appuyée par des frappes aériennes américaines.

Sous couvert d’anonymat, un spécialiste iranien des affaires irakiennes vivant à Bagdad a accepté de commenter ces images. Un cas isolé, selon lui.

Pour l'instant, il ne s’agit que d’une vidéo qui implique un petit groupe extrémiste. Je ne pense pas qu’elle puisse avoir un impact négatif sur la coopération entre les différents groupes [irakiens, kurdes et américains] impliqués dans la lutte contre l’EI. Toutefois, si ces images devaient être amenées à circuler davantage, je suis persuadé que les chefs religieux chiites dénonceraient ces actes barbares. Actuellement, les milices chiites en Irak cherchent davantage à se présenter comme des défenseurs des droits, que ce soient des Yazidis, des chrétiens ou des sunnites, par opposition aux combattants de l’EI qu’ils traitent de barbares.

Un point de vue nuancé par Wassim Nasr, spécialiste des mouvements djihadistes à France 24 :

S’il s’agit de la première vidéo de combattants chiites se vantant d’avoir décapité des membres de l’État islamique, des miliciens chiites se sont toutefois illustrés par plusieurs attaques brutales dans le cadre des récents combats, ainsi que des actes de torture sur des combattants. Certaines milices sanguinaires ayant combattu les Américains lors de la dernière guerre d’Irak se réactivent. Et leur mode opératoire n’est pas tellement différent de celui de l’organisation de l’État islamique.

Certaines opérations menées par des milices chiites récemment ont par ailleurs visé des civils, comme l’attaque d’une mosquée sunnite en août dans la région d’Hamrine, dans la province de Diyala, qui avait fait 70 morts.

 

De nouvelles milices, soutenues par l’Iran

 

Le "Mouvement islamique d’Irak", dont on voit des combattants sur cette vidéo, est une des nombreuses milices créées ces dernières semaines pour tenter de faire reculer les combattants de l’État islamique. Faible sur le terrain, l’armée irakienne ne semble pas les contrôler. Plusieurs de ces groupes ne cachent pas qu’ils sont financés par des fonds venus d’Iran et notamment par les Gardiens de la révolution, puissante organisation paramilitaire iranienne.

Toujours selon ce spécialiste, qui a pu rencontrer plusieurs chefs de milices récemment formées à Bagdad, ces nouveaux groupes fonctionnent de façon plus indépendante que les milices chiites connues et établies en Irak.

Cela fait plus de trois décennies qu’il existe des milices chiites en Irak. On sait que les gros groupes tels que Badr ou Kataeb Ahle Hagh sont financés par l’Iran, mais ils n’en parlent jamais ouvertement. Puis, il y a ces combattants chiites irakiens qui étaient partis combattre en Syrie [en soutien aux forces de Bachar al-Assad], là encore au sein de milices financées par l’Iran, et qui sont retournés en Irak au moment de l’offensive de l’EI dans le nord du pays. Eux aussi sont relativement organisés et restent discrets sur leurs liens avec l’Iran.

À l’inverse, les groupes apparus ces dernières semaines sont plus petits – entre 100 et 200 combattants - et affichent leur allégeance à la République islamique. C’était très étrange d’entendre l’un d’entre eux me dire sans détour qu’ils étaient des partisans d’Ali Khamenei, le guide suprême iranien. Pour autant, il semble que ces milices se soient d’abord formées seules. Elles se sont ensuite adressées à l’Iran afin d’obtenir de l’argent et des armes pour combattre l’EI. Chaque milice a aujourd’hui un chef spirituel qui fait la liaison avec les autorités iraniennes. Enfin, si certains se battent pour des raisons religieuses, il faut garder à l’esprit que dans un pays exsangue, ces milices sont aussi utilisées comme des tremplins vers une carrière politique ou militaire.

Billet écrit avec la collaboration d'Ershad Alijani, journaliste à France 24.

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