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Analyse

PS, UMP, FN : bienvenue en terre inconnue

Rarement pouvoir en place n'aura paru aussi fragile. La situation semble dépasser tout le monde. L'UMP y compris, et, dans ce contexte inédit, tout paraît possible.

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Par Cécile Cornudet

Publié le 12 sept. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Ce n'est pas la première fois que les socialistes se divisent, que la droite se cherche, que le Front national progresse. Il y a longtemps que le personnel politique est discrédité, que les Français doutent de leurs mots et ne croient plus leurs promesses; il y a longtemps aussi que la crise économique s'installe. En cette rentrée 2014, rien de neuf dans le paysage français. Rien de neuf, sauf une chose : toutes ces failles s'ouvrent en même temps. Et la terre tremble.

Rompu à la langue de bois et aux confidences intéressées, le journaliste politique rencontre d'ailleurs depuis peu une espèce nouvelle parmi ses interlocuteurs : le responsable politique dépassé. Et qui le dit. « On ne pourra pas tenir », glissait un ministre fin août à La Rochelle; « On a le sentiment d'un épuisement de la Ve République; tout peut arriver, les règles habituelles ne sont plus là », confiait un proche de François Hollande; « A-t-on touché le fond ? », demandait-on récemment à un poids lourd de la majorité : « S'il y a un fond... », répliquait-il.

Rarement pouvoir en place n'aura paru aussi fragile. Il a perdu toutes les élections depuis 2012, le plus souvent détrôné par le FN. Les municipales l'ont amputé de ce maillage territorial qui faisait la force du Parti socialiste depuis 1977. Son poumon. Le président de la République atteint des niveaux d'impopularité que pas un expert sondagier ne pensait possibles. 13 % de satisfaction pour le plus sévère, TNS Sofres-« Figaro Magazine ». Et, à mi-mandat, rien n'a marché. La courbe du chômage pointe toujours vers le haut, les déficits se creusent, la production, l'investissement, la consommation restent atones. Rien ne bouge. Le président plonge.

Comment répondre ? En poursuivant ! François Hollande a décidé de se mettre en danger politique pour espérer enfin cueillir des fruits économiques. C'est ainsi qu'il expliquait en privé, fin août, son choix de se séparer de ses ministres les plus à gauche (Arnaud Montebourg et Benoît Hamon). « Même si j'ai toujours voulu rassembler, il vaut mieux, à un moment, une base moins large si c'est pour avoir plus de clarté. J'y gagnerai en crédibilité, et après je pourrai rouvrir ma base. » D'ici à la fin du quinquennat, le pari sera peut-être gagnant. En attendant, il met des bombes sur le chemin. La majorité tangue, plus dangereusement qu'elle ne l'a jamais fait. Parce qu'il y avait du « grain à moudre », François Mitterrand avait réussi à gouverner sans amener « le PS à une véritable révision idéologique », explique le politologue Gérard Grunberg, dans l'hebdomadaire « Le Un ». Avec la crise économique, impossible. « François Hollande a été obligé de sortir de l'ambiguïté. » Résultat : « Ce qui incarnait aux yeux des socialistes l'opposition entre le bien - l'action redistributrice de l'Etat - et le mal - l'économie libérale - vole en éclats... et génère une réaction de rejet presque existentielle. » Le mot est fort. Le PS ne tient plus qu'à un fil : « le ciment électoral », selon l'universitaire Laurent Bouvet, ciment lui-même corrodé par le doute qui envahit le PS pour 2017. Rares sont ceux qui croient aux chances de François Hollande.

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Ainsi se caractérise la période. Les jauges de satisfaction et d'efficacité sont au plus bas, et une mécanique un peu folle s'est mise en route, entraînant chacun en zone inconnue. François Hollande est trop fragile pour avoir encore grand-chose à perdre. « Il joue tapis », dit un ministre, en misant sur l'entreprise. Mais il le fait si tard qu'il a peu de chances d'emporter la mise. Son propre parti est entré dans un engrenage de mépris et de défiance à son égard dont on voit mal comment il peut s'arrêter. Et, comme si ce n'était pas assez, il commence à scier la dernière branche qui soutient le chef de l'Etat, institutionnelle. Les théoriciens d'une VIe République redonnent de la voix depuis peu, voulant casser la prééminence du président de la République.

En réalité, la situation dépasse tout le monde. L'UMP comprise, qui se prépare à un affrontement de chefs pour 2017. Combien de ralliements pour Nicolas Sarkozy ? Quel niveau dans les sondages pour Alain Juppé ? Deux ans et demi après la défaite, elle n'a défini ni ligne politique ni stratégie. Elle donne même le sentiment de se dérober devant le pouvoir lorsque ses responsables, François Fillon en tête, disent non à une hypothétique cohabitation. « Ce n'est pas tant le désarroi des politiques qui est problématique, mais le sentiment que donnent la plupart d'entre eux de ne pas parvenir à prendre la mesure de ce qui se passe », s'alarmait mi-août le politologue Dominique Reynié (« Le Figaro »).

Dès lors, les boussoles s'affolent, tout paraît possible. Une crise de régime, par « paralysie de la rue » ou blocage de la majorité au Parlement, comme l'évoque lui-même François Hollande ? Une percée du Front national en 2017, comme le dit désormais Manuel Valls, en brandissant ces menaces qui ont justement le don d'exaspérer les électeurs ? Ou peut-être ni l'un ni l'autre. Parce que les parlementaires n'iront pas jusqu'à se faire hara-kiri; parce que, malgré l'habileté de Marine Le Pen à surfer sur le rejet des deux autres, le FN reste un parti largement rejeté dans l'opinion. A moins que, dans ce ni-ni, il n'y ait le pire. Un président qui tente malgré tout de composer avec sa gauche, une majorité qui vote les textes importants mais sabote toute initiative, une droite surtout occupée d'elle-même, des entreprises qui attendent... et une crise, économique et politique, qui s'accuse et se prolonge.

Les points à retenir

Le président de la République atteint des niveaux d'impopularité qu'aucun expert sondagier ne pensait possibles.

François Hollande est trop fragile pour avoir grand-chose à perdre. Son propre parti affiche mépris et défiance à son égard.

De son côté, l'UMP n'a défini ni ligne politique ni stratégie et donne le sentiment de se dérober devant le pouvoir lorsque ses responsables disent non à une hypothétique cohabitation.

Editorialiste aux Echos Cécile Cornudet

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