UDI : le patrimoine d'Yves Jégo sous l'oeil de la justice

Actuel candidat à la présidence de l'UDI, le député-maire centriste est visé par une enquête du parquet de Paris. En cause, une suspicion d'enrichissement personnel.

UDI : le patrimoine d'Yves Jégo sous l'oeil de la justice

    VOILÃ? UNE AFFAIRE qui tombe en pleine primaire des candidats centristes à la présidence de l'UDI (Union des démocrates et indépendants). Alors que les 27 000 adhérents de ce parti sont appelés, jusqu'à demain, à choisir par correspondance le successeur de Jean-Louis Borloo parmi quatre candidats*, une enquête préliminaire sur les déclarations de patrimoine, ouverte en septembre 2013 par le parquet de Paris et toujours en cours, vise l'un d'entre eux : Yves Jégo, 53 ans, actuel député-maire de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne). Selon nos informations, c'est la Commission pour la transparence financière de la vie politique -- dissoute l'an dernier au profit de la nouvelle Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (lire ci-dessous), aux pouvoirs élargis --, qui a transmis le dossier d'Yves Jégo au parquet.

    La bonne fortune de l'édition

    Les questions de l'ancienne commission portaient sur un enrichissement inexpliqué de plusieurs centaines de milliers d'euros (au moins 300 000 EUR) entre 2003 et 2009 : au cours de cette période, Jégo fut notamment chargé de trouver de nouveaux adhérents au sein de l'UMP avant d'être nommé en 2008 secrétaire d'Etat à l'Outre-mer par Nicolas Sarkozy. Ce sont les déclarations de patrimoine remplies alors qui intriguaient la commission.

    Sur deux points notamment. Le premier concerne une société d'édition, Timée, dont Yves Jégo fut l'un des fondateurs en 2000 et dont il s'est progressivement retiré en 2007 et 2008 en revendant ses parts. Alors que son investissement de départ fut minime (3 000 EUR environ), à l'issue de ces opérations, son bonus avoisinait les 300 000 EUR : entre-temps, chaque part est semble-t-il passée de 15 EUR à... 1 400 EUR ! Le hic ? Non seulement le chiffre d'affaires de Timée ne s'est jamais vraiment envolé mais, peu de temps avant de vendre ses actions, Yves Jégo lui-même, dans l'une de ses déclarations, évaluait la valeur de ses actions à... zéro. La société Timée a été placée en redressement judiciaire en 2011.

    L'autre sujet d'interrogation porte sur le grand appartement que le couple Jégo a acheté à Paris, il y a six ans environ, pour 1,2 MEUR. Comment cet appartement a-t-il pu être acquis sans apport personnel ? Comment le couple a-t-il fait, au vu de ses revenus, pour assumer des remboursements de 7 000 à 8 000 EUR par mois (ce qui portait son endettement à 50 % de ses revenus) ? Possible, certes, mais pas courant.

    Sollicité, Yves Jégo, qui dit n'avoir pas encore été entendu par la justice, nous précise avoir « revendu cet appartement en 2010 parce que, effectivement, le taux d'endettement était trop lourd ». Pour ce qui est de Timée, il renvoie sur son comptable, « qui évaluait la valeur des parts », mais estime surtout « avoir été victime ». « La société ayant fait faillite, l'argent dû ne m'a pas été vers?, explique-t-il. Yves Jégo tient « à la disposition des autorités tous les éléments attestant la régularité de la gestion de [son] modeste patrimoine ».

    A l'issue d'une enquête préliminaire, le parquet de Paris peut ouvrir une information judiciaire, renvoyer devant un tribunal ou classer sans suite.

    * Hervé Morin, Jean-Christophe Lagarde, Jean- Christophe Fromantin et Yves Jégo.

    Droit de réponse d'Yves Jégo

    «Un article paru dans votre édition du 13 octobre 2014 me met en cause. Je constate que cette information, sur une enquête dont j'apprends l'existence et qui serait pourtant ouverte depuis plus d'un an, paraît le jour même où les adhérents de l'UDI sont appelés à élire leur Président.

    Les deux points évoqués dans votre article, qui concernent exclusivement mon patrimoine personnel et n'ont rien à voir avec la vie publique, appellent en tout état de cause de ma part les réponses suivantes :

    1/ J'ai revendu en 2007 et 2008 mes actions de la société TIMEE, après avoir participé à la fondation en 2000 de cette maison d'édition. Lors de cette cession, les actions ont été estimées à 300.000 â?¬ par les comptables de l'entreprise sur la base d'une valorisation totalement usuelle au regard de son chiffre d'affaires et de la participation majoritaire qu'elle conférait au cessionnaire. Ce montant, avant même d'être réglé, a fait l'objet d'une inscription régulière dans ma déclaration de patrimoine et d'un règlement de près de 80.000 â?¬ d'impôts sur une plus-value qui s'est avérée purement virtuelle. En effet, le prix de vente de cette transaction n'a fmalement été payé qu'à hauteur de 82.540,57 â?¬ compte tenu des difficultés que l'entreprise a alors connues. Il n'y a donc eu à cette occasion aucun enrichissement. Tout au contraire, cet investissement s'est révélé à perte pour moi.

    2/ J'ai fait l'acquisition à crédit d'un appartement pour loger ma famille en 2008. Cet achat a été normalement financé par un apport personnel et un emprunt bancaire tout à fait usuel auprès de la Société Générale. Compte tenu des travaux qui y ont été nécessaires, j'ai été amené à revendre ce bien en 2010 dans des conditions de marché aisément vérifiables.

    Dès 2009, j'ai eu l'occasion de justifier totalement auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique de l'ensemble de ces éléments, de sorte qu'il est très étonnant que des investigations judiciaires puissent être « toujours en cours » sur ceux-ci, comme l'indique votre article.»

    La réponse de la rédaction.

    Nous maintenons nos informations. Des investigations sont bien «?toujours en cours?» sur le patrimoine d'Yves Jégo, comme l'a confirmé lundi le Parquet de Paris. Le patrimoine du député centriste Yves Jégo fait actuellement l'objet d'une enquête préliminaire, ouverte en septembre 2013 par le parquet.

    O.P.