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Google envisage de quitter son paradis des Bermudes

Le groupe américain pourrait abandonner les Bermudes pour concentrer ses opérations en Irlande

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Publié le 16 octobre 2014 à 19h33, modifié le 19 août 2019 à 14h33

Temps de Lecture 4 min.

Dans les locaux Google à Santa Monica, en Californie, en 2010.

Attaqué pour sa stratégie d’optimisation fiscale agressive, Google réfléchit depuis plusieurs mois, en secret, à une modification de son organisation juridique et fiscale mondiale.

La multinationale américaine envisage, dans ce cadre, de démanteler sa société aux Bermudes, pour se concentrer sur son implantation en Irlande, où le taux d’imposition des sociétés de 12,5 % reste très compétitif. L’idée est à la fois de restaurer son image et d’anticiper le durcissement des règles fiscales.

Le projet est, selon nos informations, discuté au niveau du management et du conseil d’administration de Google, où il fait débat. Il est de fait ultrasensible, les Bermudes étant aujourd’hui le pivot du schéma fiscal du moteur de recherche. Parmi les partisans du changement figurerait Patrick Pichette, le directeur financier de Google depuis 2008, et premier vice-président du groupe. Les actionnaires, eux, exprimeraient des réticences.

La décision de l’Irlande, le 14 octobre, de changer sa loi et de mettre fin au fameux « double irish » – cette technique fiscale basée sur le statut de société hybride irlandaise, qui permet aux multinationales implantées à Dublin de délocaliser leurs profits vers des paradis fiscaux – devrait renforcer les soutiens du projet.

Ce « double irish » est en effet utilisé par Google pour extérioriser ses profits aux Bermudes. Son interdiction condamne donc l’implantation bermudienne de Google à l’horizon 2020 au plus tard.

Schématiquement, Google a créé à Dublin deux sociétés. La première (Google Ireland Limited, siège européen de Google, avec 2 500 employés) est une société opérationnelle classique, qui reçoit toutes les redevances de la part des filiales du groupe en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.

Elle transfère ces profits (par un détour par les Pays-Bas) à une seconde entité, Google Ireland Holding, qui se trouve être une société hybride, dont la particularité statutaire est d’être enregistrée en Irlande mais d’avoir sa résidence fiscale ailleurs, où l’impôt sur les sociétés est nul. Dans le cas de Google Ireland Holding, c’est aux Bermudes où la structure y apparaît sous la dénomination de Google Bermuda Unlimited. Le montage est parfait. L’économie d’impôts, totale.

Interrogé par Le Monde sur ses projets, Google a refusé de commenter mais rappelé que le groupe appliquait les lois à la lettre.

Réorganisation pragmatique

En fait, pour Google, le projet de réorganisation fiscale du groupe est pragmatique. Il vise à mettre le groupe en conformité avec les nouvelles règles internationales en matière de fiscalité des entreprises prônées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et soutenues par de nombreux membres du G20. Une telle démarche vise aussi à redorer l’image de mauvais payeur et de piètre contributeur aux finances publiques du géant du numérique.

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De nombreux Etats, telle la France, se plaignent d’alimenter le chiffre d’affaires et les profits de Google sans percevoir d’impôts en retour. Ils ont engagé des bras de fer avec la multinationale américaine. De ce point de vue-là, la fermeture de Google Bermudes ne changerait certes rien. Mais elle aurait au moins pour effet d’adoucir la critique à l’encontre de Google, en augmentant sa charge d’impôt.

Jouer la montre

Le retrait de Google des Bermudes reste toutefois à arbitrer : faut-il l’organiser en 2015, 2016, 2017… ou 2020 ? Avant l’annonce de l’Irlande, il était tentant pour le groupe de quitter assez vite le centre financier offshore. Certains membres du management s’étaient même pris à espérer que cela puisse être annoncé avant le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du G20 de Brisbane, en Australie, les 15 et 16 novembre, notamment consacré à la fiscalité des entreprises et à la lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Les chefs d’Etat doivent y valider la première partie du plan d’action concocté par l’OCDE pour contrer l’optimisation fiscale agressive des multinationales. L’affichage aurait été du plus bel effet.

Mais maintenant que l’Irlande a donné le la, par la voix de son ministre des finances, Michael Noonan, en annonçant la fin prochaine des sociétés hybrides, et laissé aux multinationales jusqu’à 2020 pour s’adapter, peut-être les dirigeants de Google, et surtout ses actionnaires, voudront-ils jouer la montre. Et continuer à profiter de considérables économies d’impôts pendant cinq ans encore…

La pression internationale se renforce

Quoi qu’il en soit, le projet de Google pourrait aussi faire réfléchir d’autres multinationales adeptes de l’optimisation fiscale agressive. Celles qui sont installées, comme lui, en Irlande, telles Apple, Amazon, Facebook, qui sont également contraintes de réfléchir à leur dispositif fiscal.

Ou d’autres comme la chaîne de cafés américaine Starbucks, critiquée au Royaume-Uni pour ses méthodes d’optimisation, et qui a annoncé en avril qu’elle déplacerait son siège européen d’Amsterdam à Londres pour « payer plus d’impôts ».

Après des années d’immobilisme, les lignes bougent. La pression internationale sur les grands groupes mondiaux ne va d’ailleurs pas cesser de se renforcer au cours des prochains mois, comme l’annonce à l’envi l’OCDE, mandatée par le G20 pour lutter contre la fraude fiscale ou l’optimisation agressive – notamment celle des géants du numérique.

Le but de cette organisation internationale est que les entreprises acquittent l’impôt dû et si possible, à l’endroit où ils exercent une activité économique réelle. L’optimisation fiscale, qui est aujourd’hui le cœur du réacteur, expliquent les responsables de l’OCDE, doit devenir marginale demain.

De son côté, l’administration Obama s’emploie à compliquer les manœuvres des multinationales tentées de se domicilier artificiellement à l’étranger afin de réduire leur taux d’imposition qui culmine à 35 % aux Etats-Unis (taux nominal).

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