Le Premier ministre français Manuel Valls le 16 octobre 2014 à Paris

Manuel Valls voulait supprimer les départements, il a reculé.

afp.com/Thomas Samson

Manuel Valls l'avait annoncé, martial, le 8 avril, à la tribune de l'Assemblée nationale: tous les conseils départementaux seraient supprimés à l'horizon 2021. Il l'a concédé, piteux, vendredi soir, au terme d'un accord avec les radicaux de gauche. En réalité, la moitié d'entre eux sera conservée. Un recul qui amoindrit considérablement la portée de la réforme territoriale.

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En fait, le Premier ministre s'est piégé tout seul. En érigeant de "grandes régions", il a donné des arguments à ceux qui plaidaient pour le maintien d'un échelon intermédiaire entre ces nouvelles collectivités et les communes. Le pire est que la taille des régions françaises n'était absolument pas un problème. Elles sont déjà à l'heure actuelle -avant toute fusion- les... plus grandes de toute l'Union européenne, devancées uniquement par leurs homologues espagnoles! La Bourgogne, à elle seule, est plus vaste que la Belgique... Ce qui leur manque, pour l'essentiel, ce sont en fait des compétences.

Maintenir des départements, une mauvaise solution

Manuel Valls est en train de payer cette erreur stratégique. Car les défenseurs du département se sont évidemment engouffrés dans la brèche, plaidant pour la nécessité absolue de sauver cette collectivité en milieu rural, là où il n'y a pas de métropole.

Un argument spécieux. Car une chose est de souhaiter un échelon intermédiaire entre les communes et les (trop) grandes régions, une autre est de considérer que celui-ci doit nécessairement être le conseil départemental. En effet, une autre solution existait. Le conseil départemental aurait pu (dû?) céder la place à des intercommunalités élargies, ou du moins à des fédérations d'intercommunalités. Une solution mieux adaptée aux bassins de vie réels des Français et qui aurait permis de supprimer un échelon.

Intérêt général... ou plutôt celui des radicaux de gauche

Le gouvernement a reculé devant la conjonction de deux problèmes:

1. Le plus grave: son absence de vision au sujet d'une réforme territoriale visiblement improvisée. Plus les mois passent, plus la vérité apparaît au grand jour: le but principal du Premier ministre et du Président n'est pas de créer une organisation administrative adaptée à la France du XXIè siècle, mais surtout de montrer à Bruxelles leur capacité à mener des réformes structurelles -et peu importe qu'elles ne soient pas vraiment pertinente.

2. Le plus conjoncturel: la nécessité d'adresser un signal aux radicaux de gauche. Ceux-ci, aujourd'hui, plastronnent: "Il est écrit noir sur blanc" dans la lettre du Premier ministre que seront pérennisés "au moins la moitié des actuels conseils départementaux", a précisé leur patron, Jean-Michel Baylet. Nous en demandions 54, nous en aurions 52 ou 53." Un chiffre hallucinant: la "vraie ruralité" concerne au maximum une quinzaine de départements en France, du type Lozère, Cantal ou Haute-Marne.

Pourquoi avoir choisi un seuil aussi élevé? A les entendre, les radicaux auraient donc ni plus ni moins "sauvé la ruralité". En réalité, ce parti a surtout sauvé ses principaux fiefs électoraux. Car il faut le rappeler: ce mouvement sans militants est avant tour un rassemblement d'élus, dont les principales places fortes sont... les conseils généraux qu'ils dirigent, notamment dans les Hautes-Pyrénées, la Corse-du-Sud et bien entendu dans le Tarn-et-Garonne, présidé par Jean-Michel Baylet. Celui-ci, déjà défait aux élections sénatoriales, n'entendait évidemment pas se laisser départir de "son" département. Et il a visiblement obtenu gain de cause.

La soi-disant recherche de l'intérêt général rejoint donc furieusement l'intérêt particulier des radicaux, à commencer par celui de son président. Faut-il vraiment croire à une coïncidence?


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