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Un migrant syrien filme son voyage en enfer - Du rêve au naufrage

Des images tirées du film de Moaaz
Des images tirées du film de Moaaz © DR
David Ramasseul , Mis à jour le

Un candidat à l'exil syrien a filmé son odyssée cauchemardesque vers l'Europe.

Ils sont cinq amis, Moaaz, Majd, Rasha, Kinan et Khalid. Le 16 aout 2014, ils ont choisi de fuir la Syrie ravagée par la guerre. Ensemble, ils sont partis pour le Liban. De là, ils ont pris un avion pour l’Algérie. C’est là qu’a débuté le grand voyage vers l’Europe des cinq amis, ballotés au gré de la volonté de passeurs sans scrupules. Un voyage si périlleux que plus de 3000 personnes se sont noyées en Méditerranée au cours des derniers mois. Mais à la différence de leurs compagnons d’exil, Moaaz a voulu garder un témoignage de leur terrible épopée. Il a filmé toutes les étapes du voyage : depuis le long trajet dans le désert, la rencontre avec les passeurs libyens, les coups qui pleuvent pour les faire asseoir, jusqu’au naufrage, si prévisible...

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Au moment du naufrage, les prières s'élèvent

Il s’agit d’un document exceptionnel, le premier raconté de l’intérieur non par un journaliste mais par un immigrant au cœur du cauchemar. Le «Guardian» a rassemblé les images dans un film de huit minutes commenté par les trois survivants du groupe d’amis . «C’était très dur de filmer car les passeurs nous surveillaient» explique Moaaz. «Un premier groupe de passeurs nous a revendus à d’autres» poursuit-il, «des rebelles libyens du groupe Zintan» précise Rasha. La jeune femme a dû se couvrir la tête car «les passeurs étaient très stricts sur la religion» dit-elle. Les candidats à l’exil ont été «intimidés avec des armes à feu». Ils ont dû payer 400 dollars chacun. «Nous savions qu’ils profitaient de nous mais il n’y avait rien que nous puissions faire» assure Rasha. Les images filmées avant l’embarquement, en pleine nuit, montrent l’extrême tension qui règne parmi les migrants. Ils sont ensuite conduits en plein désert à Gadhames où ils tuent le temps en buvant du thé et en jouant aux cartes sans savoir ce que leur réservent les passeurs.

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Moaaz pendant la traversée du désert en camion.
Moaaz pendant la traversée du désert en camion. © DR

Après cinq jours d’attente, ils sont embarqués dans des camions pour un trajet de quinze heures dans le désert sous «une chaleur à crever». Puis vient l’embarquement à minuit : plus de 540 personnes sont entassées sur un bateau minuscule et vétuste. Les coups pleuvent pour les faire tenir assis. «Ils avaient promis qu’il n’y aurait que 250 personnes sur la bateau et des gilets de sauvetage. C’était des mensonges» dit Rasha. Pendant 16 heures, ils sont ballottés par une mer démontée. Certains passagers sont si effrayés qu’ils supplient sans succès les passeurs de les débarquer en échange de 1500 dollars. L’embarcation est signalée aux autorités côtières par un navire qui passe à proximité. Puis, la catastrophe si prévisible survient : le bateau surchargé commence à sombrer. Les prières s’élèvent : chacun est sûr que sa dernière heure est arrivée. Rasha et son frère se jettent à l’eau pendant que le rafiot disparaît sous les flots. Quelques instants plus tard, les survivants émergent au milieu des cadavres qui flottent par dizaines. Il leur faudra attendre quatre heures avant que les secours n’arrivent. Sur les cinq amis partis au départ, deux figurent parmi les 200 victimes du naufrage.

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