La petite combine de Cazeneuve pour censurer Google

Le ministre de l'Intérieur a attendu le dernier moment pour introduire un amendement devant le Sénat, et l'a présenté de façon biaisée. Grande classe.

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Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. © AFP

Temps de lecture : 2 min

Bernard Cazeneuve a réussi une manipulation politique exemplaire. Le projet de loi contre le terrorisme, très controversé, a été voté par l'Assemblée et par le Sénat, mais, lors du vote à la Chambre haute, le ministre de l'Intérieur a introduit un amendement à la dernière minute. Comme le relève Numerama, ce texte permet à l'autorité administrative d'exiger des moteurs de recherche qu'ils déréférencent des sites, sans intervention du juge. Concrètement, si l'exécutif estime qu'un site fait l'apologie du terrorisme (cette notion étant définie de façon très, très vague), il pourra ordonner à Google et à ses concurrents de ne plus l'afficher sur leurs pages de résultats de recherche. L'amendement a été validé par la Commission mixte paritaire, qui réunit des élus des deux chambres chargés d'harmoniser les versions du texte votées à l'Assemblée et au Sénat. Embourbés dans d'autres passages polémiques, ils n'ont même pas débattu de cette mesure et l'ont validée.

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Problème : cet amendement a été adopté au Sénat après une présentation biaisée, voire malhonnête, du ministre : celui-ci a expliqué que "cette possibilité [de déréférencement, NDLR] était déjà prévue" par la loi sur les jeux en ligne. Pas de quoi s'émouvoir, donc ? Eh bien si, car pour déréférencer un site de paris en ligne illégal, l'autorité ad hoc (l'Arjel) doit impérativement passer par la case justice, qui agit alors en référé (en urgence). La mesure prévue dans la nouvelle loi antiterroriste n'a rien à voir, puisqu'elle donne le pouvoir de censure à l'administration, qui contacte directement le moteur de recherche. Le passage en force est réussi pour Bernard Cazeneuve.

Effet Streisand assuré

Sur le fond, le but est évidemment louable, mais les moyens sont disproportionnés, contre-productifs et inefficaces. Disproportionnés, car ils piétinent un fondement de la démocratie : les libertés fondamentales doivent être limitées par la justice, pas par l'exécutif. Inefficaces, car, comme c'est systématiquement le cas sur Internet, toute tentative pour réduire l'accès à un contenu aura pour effet sa mise en avant. C'est ce qu'on appelle l'effet Streisand, du nom de cette star américaine qui, en 2003, avait tellement bataillé pour faire retirer une photo volée de sa luxueuse propriété, qu'elle avait attiré l'attention du monde entier sur ladite photo. Ajoutons à cela le fait que les terroristes sont souvent repérés par les services secrets grâce à leurs imprudences sur Internet, et l'on obtient la parfaite mesure contre-productive..., mais votée, sans débat. Et qui plus est, à l'initiative d'un ministre qui avait lui-même voté contre ce type de pratiques lorsqu'il était député.

La dérive des démocraties, qui grignotent progressivement les libertés fondamentales sur lesquelles elles sont bâties, fait au moins des heureux : les terroristes. Oui, on a tendance à l'oublier, mais leur but n'est pas de faire un maximum de morts : leur but est de forcer les vivants à renoncer à leurs principes. Grâce à une faiblesse politique et une bonne dose de démagogie, à gauche comme à droite, les terroristes remportent chaque jour de petites victoires comme celle-ci.

LIRE NOTRE ANALYSE : Les cinq plaies de la censure du Net en France.

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Commentaires (50)

  • Alfonso75

    La dissidence en sait trop et le politique quel qu'il soit n'est plus à l'abris... Déchéance des journaux officiels qui jouaient main dans la main avec les politiques aux diners du siècle ou ailleurs, tout cà peut continuer mais sans nous, on est tellement cultivés en magouilles que plus aucun discours n'est crédible quel que soit le type de gouvernements en place.
    Tant que VPN est là tout va bien mais cà sera un coût en + sur le budget

  • Mainecoon

    En 2010, Martine Aubry avait organisé un meeting au Zénith de Paris pour dénoncer les "atteintes aux libertés individuelles" du précédent gouvernement.
    Elle avait réuni 350 personnes sur 5000 attendues, dont la moitié en personnel municipal de Lille, un peu obligé de suivre la patronne.
    Si elle nous refaisait maintenant la même proposition, elle aurait sans doute un bien meilleur succès.

  • mtn

    Doit être saisi devant cette atteinte aux libertés fondamentales par un mélange des genres inacceptable.