James McManus, ancien ailier des Newcastle Knights, accuse le club de l'avoir trop souvent exposé à des commotions cérébrales. Image d'illustration.

Cocaïne, hormone de croissance, anabolisants ou autres... Nombreux sont les produits dopants dont certains rugbymen feraient usage.

afp.com/Nicolas Tucat

L'expression est sans doute galvaudée, mais elle a pour une fois tout son sens: c'est bien un pavé dans la mare du rugby que lance aujourd'hui même Laurent Bénézech avec la sortie de son livre, Rugby où sont tes valeurs? (Ed. La Martinière). Un "pavé" de 364 pages, réquisitoire implacable, sérieux, documenté. Et qui va faire mal.

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Car Laurent Bénézech n'est pas le premier venu: champion de France en 1990 avec le Racing CF, quinze fois sélectionné en équipe de France, pilier droit de l'équipe qui a fini en finale de la coupe du monde en Afrique du Sud et, même, élu "meilleur joueur français" lors de la tournée en Nouvelle-Zélande en 1992. N'en jetez plus! Difficile, dans ces conditions, de balayer d'un revers de main ses propos pourtant dérangeants. D'autant qu'ils sont livrés sur un ton tranquille, ni revanchard ni polémique, avec ce phrasé si particulier qui est le sien, lent, réfléchi, et qui lui a valu le surnom de "Monsieur 16 tours" de la part de certains de ses camarades.

Tout a commencé par une interview donnée en avril 2013 au journal Le Monde dans laquelle il affirmait que son sport était "exactement dans la même situation que le cyclisme avant l'affaire Festina". Quelques jours plus tard, il persiste et signe dans le Midi Olympique, le bi-hebdomadaire de référence du rugby, en évoquant notamment le cas d'un joueur tombé dans le coma au cours de l'échauffement quelques instants avant le match.

Attaqué en diffamation par 134 joueurs!

C'en est trop! Le syndicat des joueurs professionnels Provale à titre collectif, ainsi que 134 joueurs (!) à titre individuel l'attaquent en diffamation. Malheureusement pour eux, les témoins que fait citer Laurent Bénézech à la barre confirment la quasi-totalité de ses accusations. Comme cet ancien gendarme du GIGN, qui raconte comment l'un de ses collègues, après avoir absorbé des compléments alimentaires offerts par l'équipe d'Angleterre après le Mondial de 2011, a pris 14 kilos de muscles en quelques semaines!

Pis les photos que fait circuler son avocat durant l'audience et montrant, chez certains joueurs, une transformation spectaculaire de leur mâchoire (indice d'une éventuelle prise de produits de type hormone de croissance) jettent un gros doute sur quelques anciens co-équipiers. D'autant qu'il ne s'agit pas des premiers venus... Thierry Dusautoir, Frédéric Michalak, Nicolas Mas, pour ne citer qu'eux, autant d'internationaux dont l'aura est forte aujourd'hui encore dans le petit monde du rugby.

Depuis, le jugement a été rendu, et Laurent Bénézech a été relaxé. Mais entre-temps, il s'est attelé à l'écriture d'un livre et, de fil en aiguille, ce qui aurait être juste un plaidoyer pro domo s'est transformé en enquête fouillée, détaillée, avec pas mal de cas précis qui laissent pantois.

Cocaïne à l'insu...

Des exemples? Un ancien co-équipier pris "la main dans le sac" (le nez dans la poudre plutôt) pour prise de cocaïne, et que l'encadrement disculpe au motif qu'il aurait pris cette drogue "à son insu" dans une boite de nuit. Un joueur qui prend 21 kilos de muscles (ou ! 21 kilos) entre la saison 2007/2008 et 2008/2009. Un troisième bourré de codéine parce qu'il souffrirait d'un mal de dos. Un quatrième qui se révèle subitement asthmatique... On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi Françoise Lasne, directrice du laboratoire d'analyse de Chatenay-Malabry a déclaré en 2013 que, "si nous tenons compte de toutes les molécules interdites, le sport qui donne le plus haut pourcentage [de positifs] est le rugby"...

Depuis, Laurent Bénézech a pris du recul. Il a créé sa propre société de conseil, s'est mû en coach d'entreprise spécialisé dans les risques psycho-sociaux. Un parcours au final cohérent pour cet "intello du vestiaire", ce "poil à gratter courageux, profondément amoureux de la vérité" comme le définit son ami Christophe Brun, ancien joueur de rugby lui aussi et retiré des affaires lui aussi -il a, de son côté, cofondé la société Betterise, une entreprise spécialisée dans la santé connectée au quotidien. Cohérent en effet car, ainsi que l'explique Laurent Bénézech, "c'est l'envie de me rendre utile qui me guide avant tout". Nul doute qu'avec son nouveau métier, il aura tout le loisir de creuser son sillon.