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Euro 2016 : pourquoi offrir un cadeau fiscal à l’UEFA ?

Le gouvernement présentera un projet de loi pour exonérer de tout impôt les différentes entités qui organiseront l'Euro 2016.

Par  et

Publié le 05 novembre 2014 à 11h21, modifié le 05 novembre 2014 à 15h15

Temps de Lecture 5 min.

Manuel Valls, Alain Juppé et Michel Platini, le 23 octobre à Bordeaux.

C'est une condition sine qua non qui peut surprendre et déranger, surtout en période de crise budgétaire. Lors de l'Euro 2016, qui sera organisé dans dix villes en France du 10 juin au 10 juillet, l'Union des associations européennes de football (UEFA) ne paiera aucun impôt dans l'Hexagone.

Le gouvernement présentera lors du conseil des ministres, mercredi 12 novembre, un projet de loi de finances rectificative pour exonérer les différentes entités chargées d'organiser la compétition. Le ministère des sports précise :

« Il s'agit d'une exonération des impôts directs et assimilés (impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires...) à l'exclusion de la taxation sur le chiffre d'affaires encadré par le dispositif de TVA. Auparavant, le législateur a pu prévoir des dispositions spécifiques à certaines manifestations, comme en 2007, avec le régime de l'impôt sur les spectacles adapté pour la coupe du monde de rugby. Mais il s'agissait de mesures ad hoc. »

Selon Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, cette défiscalisation était indispensable à l'obtention de la compétition dans l'Hexagone. « Si la France ne s'était pas engagée, l'Euro 2016 serait parti ailleurs, assure au Monde le ministre. Alors, que souhaite-t-on ? Voir la France disparaître du paysage sportif international ? Qu'elle devienne un désert ? Un Euro de football constitue le troisième événement sportif international. »

« UN PARAMÈTRE DANS LA BALANCE »

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Un tel « cadeau fiscal » n'est pas nouveau. « L'UEFA avait déjà inclus dans le cahier des charges pour l'obtention de l'UEFA EURO 2012 une demande de garantie pour une exonération fiscale, ce que les deux pays organisateurs, la Pologne et l'Ukraine, avaient fourni, précise-t-on à la fédération européenne. Cette condition était déjà incluse dans les procédures de candidature pour les Euro 2004 [au Portugal] et pour l'Euro 2008 [coorganisé par la Suisse et par l'Autriche]. »

Lire aussi : « La France n'aurait pas eu l'Euro 2016 si elle n'avait pas défiscalisé l'UEFA »

« L'exonération fait partie des paramètres qui sont mis dans la balance pour obtenir des organisations comme celles-là », explique Jean-François Lamour, ministre des sports de 2002 à 2004 sous la présidence de Jacques Chirac. Ce qui est nouveau et qui me surprend, c'est la création de la filiale Euro 2016 SAS, qui est détenue à 95 % par l'UEFA et à 5 % par la Fédération française de football. C'est une organisation qui n'est pas française et dont l'enjeu est de pouvoir gérer de A à Z la qualité de l'événement : exposition des sponsors, organisation, accords avec les collectivités territoriales... »

Constituée sous la forme juridique d'une société par actions simplifiées, Euro 2016 SAS a été créée quelques mois après l'obtention par la France de l'organisation du tournoi, le 28 mai 2010. Victorieuse dans les urnes face à ses homologues turque et italienne, la Fédération française de football (FFF) a mis en place cette entité avec l'UEFA.

CHEVILLE OUVRIÈRE

Euro 2016 SAS, dont le siège est à Paris, près du Trocadéro, est chargée de promouvoir l'événement et de commercialiser ses droits (marketing, retransmissions télévisées, billetterie, hospitalité). L'entité compte actuellement cinquante-cinq salariés et disposera de six cent cinquante collaborateurs en juin 2016, lors de l'ouverture du tournoi.

A la tête de cette structure depuis janvier 2011, Jacques Lambert fut la cheville ouvrière du dossier de candidature de la France à l'organisation de l'Euro 2016, dont le tableau sera élargi à vingt-quatre équipes. Le sexagénaire fut notamment préfet de la Savoie et chargé de la sécurité des Jeux olympiques d'hiver d'Albertville, en 1992. C'est à cette époque que le chef de cabinet du premier socialiste ministre Pierre Mauroy (1981-1984) et conseiller de son successeur Pierre Bérégovoy (1992-1993) rencontre Michel Platini, dernier porteur de la flamme olympique.

Les deux hommes ne se quitteront plus. En 1992, l'ex-numéro 10 quitte son poste de sélectionneur des Bleus pour devenir coprésident du Comité français d'organisation du Mondial 1998 (CFO) avec Fernand Sastre. Jacques Lambert devient alors directeur général de l'entité. Devenu président de l'UEFA en 2007, Michel Platini se tourne logiquement vers son mentor, quatre ans plus tard, pour lui confier les rênes d'Euro 2016 SAS.

« SOUMISSION DES ÉTATS »

Brillant énarque et homme de l'ombre, Jacques Lambert, veut faire du tournoi le « plus grand club d'affaires d'Europe ». « Les grands groupes et les PME [petites et moyennes entreprises] pourront acheter une loge dans les stades et en faire un outil de communication, glissait-il en octobre, après avoir quitté en novembre 2010 son poste de directeur général de la FFF alors que l'institution, déjà minée par la grève des Bleus en Afrique du Sud, était en proie à d'impitoyables querelles intestines. La commercialisation de la billetterie débutera au printemps 2015. On est dans les clous. Sur les six sponsors à trouver, seule la FDJ [Française des jeux] a signé. Par rapport aux prévisions de recettes, on dépassera le milliard d'euros, dont 400 millions pour le sponsoring. »

Mais les avantages fiscaux accordés à l'UEFA font aussi grincer des dents. « J'ai l'impression qu'on participe à une sorte de soumission des Etats aux normes des fédérations internationales, déplore Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports dans le gouvernement Jospin (1997-2002). On s'aperçoit qu'il y a de moins en moins de pays qui souhaitent organiser de grandes compétitions, comme les JO d'hiver par exemple. Ces normes, ces contraintes, comme les voies de circulation aménagées pour les membres de l'organisation, sont de plus en plus importantes et on a l'impression que les Etats cèdent. »

ACCÉLÉRATEURS ÉCONOMIQUES

Reste à savoir si les comptes seront à l'équilibre, au soir de la finale de l'Euro, le 10 juin 2016. Les avis divergent. « Cette défiscalisation de l'UEFA peut choquer, admet David Douillet, ministre des sports de 2011 à 2012, mais il faut la considérer comme un investissement, puisqu'on attend près de 3 millions de visiteurs. »

« Ce type d'événements coûtent toujours plus cher qu'ils ne rapportent, et ceux qui disent l'inverse se trompent, tranche Jean-François Lamour. Mais ce sont des accélérateurs économiques qui permettent de booster le pays, de le rendre plus attractif et plus moderne. » Le dispositif d'exonération fiscale s'appliquera également aux treize pays du continent dont les villes accueilleront l'Euro 2020.

« L'idée était de donner le tournoi à des nations qui ne l'auraient jamais eu », assurait, en août, Michel Platini, qui bénéficie de nombreux soutiens dans l'est de l'Europe. De Bakou (Azerbaïdjan), à Budapest (Hongrie), en passant par Bilbao (Espagne), Bucarest (Roumanie) et Londres (Royaume-Uni), les gouvernements concernés ont tous accepté les conditions sine qua non de l'UEFA. Il en était de même pour la France dès 2009.

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