Menu
Libération
vu sur le www

La Manif pour tous veut mater un nouveau film sur le genre

Le collectif veut faire déprogrammer un court-métrage, «Ce n'est pas un film de cow boy», qui parle d'homosexualité et qui doit être diffusé devant des lycéens.
par Kim Hullot-Guiot
publié le 5 novembre 2014 à 18h39

Après avoir tenté (et réussi) de faire abandonner les ABCD de l'égalité et avoir vivement critiqué l'exposition «Zizi sexuel» à la Cité des sciences, voilà que les hérauts de «l'anti-djèndeur» se sont trouvé une nouvelle raison d'éructer. Le Festival du film de l'éducation a choisi de projeter cette année le très chouette court-métrage Ce n'est pas un film de cow boy. Le film, sélectionné à Cannes en 2012, met en scène quatre adolescents discutant dans les toilettes du collège, vaguement troublés, du film Le secret de Brokeback Mountain.  Quoiii ??! On voudrait faire réfléchir les enfants sur l'amour, la différence, ou l'égalité ??!

C'en était trop pour la section Loire-Atlantique de la Manif' pour tous et pour le collectif Vigi-Gender – qui s'était déjà illustré par son rejet de la lutte contre les stéréotypes genrés dans le projet de loi sur la refondation de l'école. Ils ont donc pris leur plume pour demander le retrait pur et simple du film de la programmation. Estimant que «le militantisme n'a pas sa place dans un établissement scolaire», ils dénoncent un film «primé au festival du film gay et lesbien de Saint-Etienne» qui «ne traite pas d'égalité garçon-fille (et) n'a rien à faire dans un parcours pédagogique». Peu importe que le film ait été primé dans plusieurs autres festivals, comme le rappelle Yagg.com, ou que l'égalité fille-garçon passe aussi par la déconstruction des réflexes genrés (dans le court-métrage, l'un des garçons admet, en faisant jurer à son camarade le secret, avoir... pleuré à la fin du film).

Interrogé par Yagg.com, le réalisateur Benjamin Parent remet d'ailleurs les choses à leur place : «Ce film parle de tendresse et d'amour, ce n'est même pas militant, il est généraliste et adapté pour tout public. La seule chose qui peut choquer, c'est le langage très cru des jeunes, mais on parle comme ça dans les cours d'école. C'est juste l'histoire d'adolescents qui parlent d'un film qui les a touchés et qui discutent de la masculinité, de ce qui fait d'un homme un homme. Forcément, ça va à l'encontre des valeurs d'Éric Zemmour.»

Il a choisi de diffuser gratuitement sur Internet son court-métrage. Et les visionnages ont fait un bond en juste 48 heures. Contactée par Slate.fr, la responsable du Festival pour la région Pays de la Loire, Sylvie Clabecq, a aussi expliqué que de 80 élèves prévus pour la projection, ils sont passés à 100 inscrits.

Tout ça n'est pas sans rappeler la polémique autour de la diffusion par Arte, l'année dernière, du film Tomboy, de Céline Sciamma, qui avait fait pousser des cris d'orfraie au collectif Civitas, lequel avait carrément appelé à harceler la chaîne franco-allemande. Bien mal lui en a pris, les audiences ont là aussi explosé.

Invalid video URL.

Et Benjamin Parent de conclure, toujours sur Yagg.com : «Un copain humoriste m'a dit : "Quand on est la cible de certaines personnes, on peut en être fier". Eh bien moi, je suis fier d'être la cible de la "Manif pour tous". Ces gens sont insignifiants et ne représentent pas mes valeurs.»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique