Exemple d'un post Facebook, relayé par un élu FN, qui s'en prend à Manuel Valls.

Exemple d'un post Facebook, relayé par un élu FN, qui s'en prend à Manuel Valls.

Capture d'écran / L'Express

Les dernières élections municipales avaient vu fleurir des candidatures du Front national quelque peu folkloriques. A Nevers (Nièvre), L'Express avait révélé la propension d'une candidate à aimer les drapeaux nazis. A Châteauroux (Indre), un candidat avait été évincé après que son passé néo-nazi a été révélé. Et bien sûr, on se souvient de la tête de liste à Rethel (Ardennes) qui avait comparé Christiane Taubira à un singe sur Facebook.

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Alors que les élections cantonales se profilent et que le FN doit investir près de 4 000 candidats, le parti de Marine Le Pen, en pleine dédiabolisation, ne veut pas voir le scénario se reproduire. Selon nos informations, deux personnes - un bénévole "proche" de Florian Philippot et un membre de l'équipe du secrétariat général - vérifient les comptes de l'ensemble des candidats sur les réseaux sociaux. En amont des commissions d'investiture qui se tiennent toutes les deux semaines, ils remettent un "rapport" pour valider, ou non, la compatibilité du profil du candidat avec Marine Le Pen. "Cela nous permet de savoir si le candidat est bien sur la ligne du parti", confirme David Rachline. Celui qui est délégué national au numérique jusqu'à la fin du mois assure que cette équipe de surveillance des réseaux sociaux ne procède pas à un "nettoyage" des profils qui seraient trop sulfureux.

La "République sioniste" de Manuel Valls, selon un élu FN de Cogolin

Le parti risque en tous les cas d'avoir du pain sur la planche. Car, sur les réseaux sociaux, de nombreux candidats et responsables frontistes "se lâchent" encore. De nombreux propos, caricatures ou sous-entendus racistes, ont ainsi été repérés par L'Entente, un groupe d'une quinzaine de personnes, qui ne se dit rattaché à aucun parti ou formation politique. Dans une première vague, L'Entente, dont les observations sont publiées pour la première fois par un média, s'est focalisé sur les dérapages antisémites. Clichés antisémites, souvent repris sous la bannière de l'"antisionisme", et autres sous-entendus complotistes sont légion. "Depuis plusieurs mois, nous épluchons les profils publics de candidats investis par le FN depuis janvier 2011, c'est-à-dire depuis que Marine Le Pen a pris la présidence du parti", explique Jules (son prénom a été modifié), un des membres de L'Entente. "La réponse classique antifasciste contre le FN est devenue inopérante et nous n'acceptons pas la banalisation du FN", explique ce militant, qui se dit sympathisant du parti de gauche Nouvelle Donne, mais qui assure avoir un ancien cadre de l'UMP dans son groupe.

Parmi les dérapages repérés [ceux évoqués par L'Express ont été recoupés par la rédaction], celui de Sébastien Macrez, actuel conseiller municipal dans la ville frontiste de Cogolin (Var). Sur son profil Facebook, le 14 janvier dernier, il publie, en soutien à Dieudonné, une photo du Premier ministre Manuel Valls surmonté d'un chapeau frappé d'une étoile de David et du slogan "Bienvenue en République sioniste". Le même jour, il partage une vidéo selon laquelle "l'affaire Dieudonné est révélatrice de la puissance du lobby judéo-sioniste". Interrogé par L'Express, Sébastien Macrez dit "ne pas se souvenir" de ces posts Facebook mais assure "n'en regretter aucun". Sans partager "toutes les convictions" de Dieudonné, il assure que l'ancien humoriste "peut faire éveiller certains esprits, il peut faire prendre conscience de certaines choses..." Les "sionistes" auraient-il pris le contrôle du gouvernement, comme l'affiche qu'il a publiée pourrait le laisser entendre? "Ils n'en sont pas encore arrivés là... Mais ça pourrait arriver", répond-il à L'Express.

Les juifs "liés aux puissances financières", selon un conseiller

En avril 2013, Bruno Lemaire, conseiller économique de Marine Le Pen [à ne pas confondre avec Bruno Le Maire, candidat à la présidence de l'UMP], s'interroge dans un commentaire sur Facebook: "Il n'est pas contraire à la réalité de penser que le lien des juifs aux puissances financières est une vérité historique - et encore actuelle - mais que la persécution qu'ils ont subie au XXième siècle est là encore une vérité historique." Contacté par L'Express, Bruno Lemaire indique que "cest une erreur" de sa part d'avoir écrit ce commentaire qui "n'est pas ce qu'il pense". Celui qui précise qu'il venait alors de lire Comprendre l'Empire du polémiste antisémite Alain Soral indique que l'interprétation de ses propos par L'Express "dépasse" sa pensée. "La menace qui nous menace le plus est l'islamisation", ajoute celui qui dit "ne pas être et espère ne jamais être antisémite".

Autre propos posté le 3 avril 2014: "DSK se croyait bien intouchable, il n'a d'ailleurs toujours pas compris comment on avait osé s'attaquer à lui. Cahuzac, lui, a craqué plus tôt. Il est vrai qu'il n'est 'que' franc-maçon." "Je voulais dire que DSK est une figure du PS, qu'il a été ministre et qu'il est très fortuné. Enfin, surtout sa femme [NDLR: son ancienne épouse Anne Sinclair]", se défend auprès de L'Express Bruno Lemaire.

Sur son profil Facebook le 13 août, Francis Maginot, candidat du FN dans la 10e circonscription des Français de l'étranger, relaie un prétendu document du B'nai B'rith, une organisation juive, avec ce commentaire: "Pour bien comprendre la profondeur historique de ceux qui prétendent diriger le monde".

L'Express a repéré d'autres sorties de route de Francis Maginot sur vk.com, le "Facebook russe" où le candidat dispose d'un profil. Voici des captures d'écran de quelques images, mises en ligne ici ou par l'intéressé:

L'une, en anglais, représente le cerveau "d'un nègre": la plus grosse partie est liée à "la drogue, l'alcool, les chaînes en or, les tam-tams, le comportement criminel" alors que l'hémisphère consacré à "la responsabilité, les capacités orales, l'intelligence, l'hygiène, les capacités créatives, la logique et la proportion" est réduite à sa portion congrue. Rappelons que ce candidat est installé...à Madagascar.

Des candidats qui dérapent et dont le parti dit ne plus avoir de nouvelles

Tony Lambert, candidat dans la 4e circonscription de Charente-Maritime aux législatives de 2012, aime Mein Kampf sur son profil Facebook. Interrogée par L'Express, la fédération départementale indique ne plus avoir de nouvelles de son ancien candidat depuis 2012.

Même réponse à la fédération de Paris où Bruno Lalouette qui a pourtant porté les couleurs du FN dans la 10e circonscription de la capitale en 2012 ne semble pas connu. Sur Facebook, celui-ci s'en prend le 13 août au centre Simon-Wiesenthal qui souhaite débaptiser la commune de "La-mort-aux-juifs": "Y'en a franchement marre des gens pas d'ici, des gens pas gentils [NDLR: "gentil" peut signifier "non-juif"], avec ou sans prophètes, qui créent le conflit permanent!" Sur son ancien blog, l'ancien candidat écrit aussi en juillet 2013 au sujet du nazisme que "c'est le concept même de peuple élu qui a généré par opposition l'idéologie de race supérieure".

A la fédération de la Drôme du FN, on ne sait pas non plus ce qu'est devenu Yannick Guyard, candidat aux cantonales de 2011 à Bourg-Lès-Valence et qui partageait en janvier sur Facebook des images de propagande nazie ici ou . Trois autres fédérations du FN assurent à L'Express ne plus être en contact avec ces ex-candidats aux cantonales qui ont publié des "quenelles" de soutien à Dieudonné, évoqué le poids du "lobby juif" dans "les chances de réussite en politique" ou partagé un poème attribué à Adolphe Hitler.

Le Mossad derrière l'organisation Etat islamique sur le site d'une fédération départementale

Autre figure du FN, Jean-François Sauvage, l'un des fondateurs du collectif Racine qui regroupe les enseignants favorables au Front. Sur son profil Facebook, le 11 novembre dernier, il publie un article sur un cas de cannibalisme en République démocratique du Congo surmonté de ce commentaire: "Y'a bon, Banania?" Contacté lundi, le collectif Racine n'a pas été joignable pour l'instant.

Les dérapages ne touchent pas que les réseaux sociaux. Sur le site officiel des Pyrénées-Atlantiques du FN, une brève laisse entendre qu'Abou Bakr al-Baghdadi, le dirigeant de l'organisation de l'Etat islamique, serait un agent du Mossad israélien.

"C'est tout à fait condamnable, réagit David Rachline. Mais on n'est pas en mesure de tout voir. Dès que l'on prend communication de tels propos, les personnes sont rappelées à l'ordre." Selon ce cadre du FN, "quelques webmasters" de sites du Front National ont déjà été sanctionnés par le passé. La dédiabolisation en ligne met vraisemblablement du temps à se concrétiser.



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