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Consommation : avant Noël, des études bidon par milliers

Assortir un communiqué de presse de chiffres issus d'une étude, aussi artisanale soit-elle, permet de garantir une reprise par les médias, toujours précieuse en cette période qui coïncide avec un pic de consommation.

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Publié le 18 novembre 2014 à 16h59, modifié le 19 novembre 2014 à 15h19

Temps de Lecture 4 min.

Une animation réalisée à l'occasion de Noël, au cœur d'un centre commercial de Séoul, en Corée du Sud, le 24 décembre.

« Vigilant sur le budget », mais tout de même « généreux ». Moins « cyberacheteur » mais « de plus en plus geek ». C'est un portrait un peu flou du consommateur qui se dessine au fil des sondages publiés à l'occasion de Noël. D'où viennent ces enquêtes d'opinion et que valent-elles ?

Les chiffres couvrent tous les secteurs, du saumon aux cadeaux hi-tech, en passant par les sapins et le fait-maison. Un « baromètre officiel de Noël eBay », réalisé par TNS-Sofres, est remis à jour chaque semaine. On sort même les infographies pour l'occasion.

Il faut dire que l'enjeu est majeur : traditionnellement, les cordons de la bourse se desserrent pour les fêtes de fin d'année. L'an dernier, les dépenses de consommation ont augmenté de 0,5 % au dernier trimestre, permettant à l'économie d'afficher un rebond de la croissance de 0,3 %.

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Certains secteurs (chocolaterie, spiritueux, jouets...) sont très dépendants des fêtes de fin d'année. Amazon réalise ainsi 70 % de ses ventes pendant les fêtes.

A l'origine de la commande des sondages et enquêtes, on retrouve le plus souvent ces acteurs du grand marché de Noël. Lequel commence à la fin de l'été (la Fédération française des industries du jouet a calculé la tendance pour les fêtes dès la fin du mois d'août) et se termine mi-janvier, quand les déçus finissent de revendre ou d'échanger les cadeaux indésirables.

Sans surprise, les résultats de ces sondages vont dans le sens des commanditaires. Par exemple, selon la Fédération du e-commerce (Fevad), le chiffre d'affaires attendu par les cybercommerçants pour la période devrait continuer à progresser, pour atteindre les 11,1 milliards d'euros, contre 10 milliards l'an dernier, et 98 % des cyberacheteurs sont satisfaits de leurs achats des six derniers mois... le tout dans un contexte de crise où le panier moyen du cyberacheteur baisse de 5 %.

Peu importe que les données puissent être contradictoires entre elles. Ainsi, le Center for Retail Research, organisme de recherche privé spécialisé dans le commerce, estime que le chiffre d'affaires global des commerçants français pour Noël devrait progresser cette année de 1,2 %, à 65 milliards d'euros, tiré par les achats en ligne.

Surfer sur l'inquiétude des consommateurs

Une autre approche consiste à rassurer les consommateurs. Ainsi, l'étude d'OpinionWay pour PriceMinister-Rakuten indique que Noël serait en train de devenir synonyme de stress pour les Français. Ils sont en tout cas 67 % à l'avoir affirmé au sondeur.

 « Nous espérons quand même que Noël saura conserver son côté festif.(...) La très large offre chez PriceMinister-Rakuten le permet, en particulier les cadeaux d'occasion qui sont souvent des produits dans un état comme neuf et vraiment moins chers », ajoute alors opportunément Olivier Mathiot, cofondateur et président du groupe.

Le sondage publié par le site ma-reduc.com insiste également sur les inquiétudes financières des ménages. Elle conclut que 37 % des sondés seraient des « angoissés de Noël », et déculpabilise au passage les clients en quête de cadeaux en promotion.

Cette étude, reprise par les médias et amplifiée sur les réseaux sociaux, a été réalisée par l'entreprise de sondage YouGov France, organisme britannique reconnu, ayant une filiale en France.

Sondages artisanaux et biais méthodologiques

Mais ce n'est pas toujours le cas. Ainsi, une autre étude reprise par le Figaro, annonçant un Noël de crise (baisse du budget moyen, recherche des meilleurs prix...), a été réalisée directement par le comparateur Touslesprix.com.

Ici, pas d'autres indications que les dates et le panel, composé des internautes ayant accepté de répondre sur le site. En somme, des clients déjà à l'affût de bonnes affaires et rompus à l'achat en ligne.

Parfois, les sondés sont même rémunérés pour répondre à des questions en ligne, comme dans le cas de cette étude réalisée par Tonula pour Webloyalty, qui fait la promotion des achats sur le web.

C'est ce qu'on appelle un biais méthodologique, une démarche ou un procédé qui engendre des erreurs dans les résultats de l'étude.

Pour qu'une étude puisse être considérée comme fiable, il faut qu'elle réponde aux critères ISO 20 252, une norme appliquant la méthode des quotas,  qui consiste à s'assurer de la représentativité d'un échantillon en lui affectant une structure similaire à celle de la population de base (rapport hommes-femmes, âge, catégorie socioprofessionnelle...).

Il faut en outre ajuster échantillon, la population d'Internet ne correspondant pas exactement à la population réelle. Ce que fait Deloitte sur les intentions de dépenses de fin d'année des ménages (plus de 17 000 consommateurs dans 17 pays européens).

Questions biaisées et réponses surinterprétées

Autre problème méthodologique, la définition de l'étude : celle réalisée par Easypanel pour Best of Content, régie d'éditeurs high-tech, mentionne ainsi la date de fin de l'étude mais pas son début.

Enfin, la façon de poser la question influe évidemment sur la réponse. C'est le cas du sondage Opinion Way pour le joailler Gemmyo qui demande : « Envisagez-vous de vous offrir ou d'offrir un bijou à l'un de vos proches pour Noël ? », question à laquelle plusieurs réponses sont possibles. Sans trop de surprise là encore, près d'un tiers des répondants « envisagent » l'une des multiples options.

Et les réponses sont également soumises à interprétation :

« Détails amusants : 43 % des personnes pacsées souhaitent offrir un bijou à Noël, dont 24 % pour leur conjoint(e). De la même façon, les Français en concubinage sont 35 % à penser au bijou pour Noël contre 25 % pour les couples mariés : les personnes non mariées seraient-elles plus généreuses avec leur conjoint ? Ou ont-elles juste plus de choses à se faire pardonner ? »

En dépit de leur fragilité méthodologique, ces études se retrouvent souvent dans les médias. Même la très sérieuse Agence France Presse a cité dans l'une de ses dépêches traditionnelles sur le sujet (on appelle cela un « marronnier ») le dirigeant d'un éditeur de catalogues en ligne qui a compilé les recherches effectuées entre les 15 octobre et 12 novembre 2013 et 2014, sur son site « qui compte plus de 3 millions d'utilisateurs uniques chaque mois ». Une analyse qui n'a aucune valeur scientifique.

Cet article a fait l'objet d'une chronique dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et RMC découverte.
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