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Économie

Pourquoi l'Islande met les banquiers en prison et pas les autres pays

Cette semaine, la justice islandaise a condamné l'ex-DG de ce qui fut la deuxième banque du pays à un an de prison. Et cette condamnation n'est pas une première. Explications...
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Go to Jail Monopoly
Si l’Islande est aussi sévère à l’égard de ses banquiers, c’est notamment parce que la crise financière y a été d’une violence inouïe par rapport aux autres pays.
Andrew Drysdale / Rex F/REX/SIPA

Imaginez le patron de la deuxième banque française condamné à 12 mois de prison dont trois ferme… Impossible en France, mais pas en Islande. C'est ce qui est arrivé ce mercredi à l'ancien directeur général de Landsbanki, la deuxième banque islandaise jusqu'à l'effondrement du secteur financier du pays en 2008.

Deux autres cadres de la banque ont été condamnés à de la prison pour avoir participé à la même magouille. Il leur est reproché d’avoir manipulé le cours de Bourse des actions de la banque. Les condamnations de banquiers ne sont pas rares en Islande. Des peines plus lourdes, de trois ans et demi à cinq ans et demi de prison, ont déjà été infligées en décembre 2013 à trois anciens dirigeants de Kaupthing, la première banque islandaise avant la crise.

Pourquoi donc l’Islande arrive à envoyer les patrons de banque en prison et pas les autres pays? Les banquiers islandais sont-ils plus malhonnêtes que les autres? Ou bien la justice islandaise est-elle particulièrement ferme? Rien de tout cela.

La crise a plongé le pays dans le chaos

Si ce petit pays est aussi sévère à l’égard de ses banquiers, c’est d’une part parce que la crise financière y a été d’une violence inouïe par rapport aux autres pays. Et d’autre part, parce que les Islandais ont fait de la crise un sujet politique.

"La crise a été beaucoup plus dramatique qu’ailleurs. En quelques jours seulement, le pays a plongé dans le chaos économique, rappelle l’économiste Paul Jorion, la monnaie a perdu plus de 30% de sa valeur, l’inflation a grimpé à 14%, la note de la dette du pays est passée de triple A à triple B, c’est-à-dire à la limite de la camelote".

Selon l'économiste, si la crise a été d’une telle violence, c’est parce que le secteur financier était démesuré. Le bilan cumulé des trois principales banques était 10 fois supérieur au PIB du pays. "Bien plus que le  secteur bancaire belge ou luxembourgeois, note Paul Jorion, de fait la banque centrale était incapable d’intervenir au moment de la panique."

"La population réclamait des têtes"

Là-bas, le pouvoir a même dû faire face à des émeutes: "un moment historique pour l’Islande, explique Paul Jorion. La population réclamait des têtes." La politisation de la crise financière, c’est l’argument essentiel selon Pascal Riché, ayant écrit une enquête sur la crise financière en Islande: "dès l’explosion du système, les Islandais ont pris la question à bras le corps, réfléchi à leur "contrat social", bref, politisé le sujet." Les Islandais ont entre autres nommé un procureur chargé de traquer les éventuels délits commis par les responsables.

"Cela dit, il ne faut pas trop exagérer les résultats de cette traque judiciaire: la justice n'a pas poursuivi les "responsables de la crise", mais les responsables de délits avérés", nuance Pascal Riché.

Les banquiers trichent plus que les autres

Libor, Forex, embargo… Depuis 2014, on observe une série de scandales dans le secteur bancaire. Presque tous les jours une banque doit s’acquitter d’une amende. Pourquoi autant de fraudes dans les banques? "C’est général depuis le XIXe siècle, explique Paul Jorion, dans la mesure où les banquiers ont un accès direct à l’argent, la fraude est considérée comme un accident industriel. Il règne une culture de la tolérance à la fraude dans le secteur".

Une étude publiée dans la revue Nature va dans le même sens: le secteur bancaire est gagné par une culture de la triche. Pour le démontrer, les chercheurs ont utilisé un jeu vieux comme la monnaie: pile ou face.

128 banquiers, issus d’une grande banque devaient effectuer plusieurs lancés et noter le résultat eux-mêmes. Quand la pièce tombe sur face, le joueur gagne 20 dollars, côté pile rien du tout.

Avant de tester leur honnêteté, les banquiers ont été séparés en deux groupes. Le premier groupe a été a été placé en situation professionnelle en interrogeant les joueurs sur la nature de leur travail. Le second a été placé dans un contexte privé, en interrogeant les banquiers sur leurs loisirs.

Les banquiers interrogés sur leurs loisirs ont rapporté que la pièce était tombée côté face dans 51,6% des cas. En revanche les banquiers placés en situation professionnelle ont rapporté 58,2% de lancés gagnants. D’où la conclusion des chercheurs: les banquiers trichent non pas par nature, mais par culture. En d’autres termes, le conditionnement professionnel des banquiers les pousse à la triche.

Le même test a été fait avec des salariés d’autres secteurs d’activité et aucune différence statistique notable n’a été observée entre les deux groupes.

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