Le président qui, malgré les apparences, tient ses promesses. Ou, du moins, qui fait tout pour ne pas trop les bafouer. C’est la posture qu’a résolument adoptée François Hollande, et le message qu’il entendait diffuser, lundi 24 novembre, à l’occasion de son troisième déplacement à Florange (Moselle) en un peu plus de trois ans.
Le premier remonte au 24 février 2012, pendant la campagne présidentielle, quand, juché sur un camion, il avait fait de l’aciérie de Gandrange toute proche, fermée en 2009, le symbole des engagements non respectés par Nicolas Sarkozy, laissant espérer qu’il pourrait empêcher la fermeture des hauts fourneaux de Florange. La deuxième, c’était il y a plus d’un an, le 26 septembre 2013. Il avait alors annoncé la création d’un centre public de recherche.
Entre les deux, il y avait hélas eu, en novembre 2012, l’annonce faite par le gouvernement qu’il ne s’opposait plus à la fermeture des hauts fourneaux ; un violent affrontement entre l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault et l’ex-ministre du redressement productif Arnaud Montebourg au sujet du scénario d’une nationalisation ; la première crise politique d’un quinquennat qui allait en compter quelques autres ; et un terrible aveu d’impuissance économique et industrielle.
« Visite Potemkine »
C’est donc sur ce terrain à la fois connu et miné que le chef de l’Etat a débarqué de nouveau, tôt lundi matin, sous un ciel sombre et bas. Non sans avoir préalablement tenté d’adoucir le climat par la presse locale. « Les engagements du gouvernement ont été respectés », a-t-il assuré au Républicain lorrain, auquel il a accordé une pleine page d’interview. « La parole politique est souvent contestée parce qu’il y a tant de promesses qui n’ont pas été tenues. C’est cette défiance que je viens combattre », y explique le président, pour qui « Florange doit être un anti-Gandrange ».
Les embûches, pourtant, sont légion. Quand François Hollande arrive à Uckange, sur le site du haut-fourneau U4 fermé il y a plus de vingt ans, dans ce gigantesque hangar glacé qui accueillera en 2015 l’Institut de métallurgie du val de Fensch – avec un soutien de l’Etat de 50 millions d’euros –, Florian Philippot, numéro deux du FN et élu de Forbach, est déjà là qui l’accuse d’avoir renié ses engagements. Un élu local de gauche grommelle : « C’est une visite Potemkine. Ils ont mis des teintures pour cacher les fenêtres cassées. » A quelques encablures de là, une vingtaine de tracteurs a déposé du fumier devant la sous-préfecture de Thionville.
Voilà qui ne désarçonne pas M. Hollande, lequel rappelle les trois engagements pris en son temps par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : reclassement de l’ensemble des salariés du site, investissements d’importance réalisés par Arcelor Mittal et création d’une plate-forme publique de recherche pour la sidérurgie. « Je considère que ces trois engagements-là sont tenus », assure M. Hollande, qui persiste : « Je reviendrai chaque année. » Et de tenter d’insuffler un peu d’espoir : « Ma conviction, c’est que la Lorraine est une terre industrielle d’avenir. Ce territoire a un savoir-faire, un potentiel, des ouvriers capables de mettre au point les plus hautes technologies. »
Lire aussi le décryptage : Les promesses de François Hollande à l’épreuve de Florange
A quelques kilomètres de Hayange, où sont situés les défunts hauts fourneaux, conquise par le FN aux municipales, le président a aussi délivré un message plus politique : « L’histoire ne sert pas de nostalgie ou de référence pour ceux qui pensent que c’était mieux avant, mais de fierté. » Députée de Moselle et ministre de la culture il y a trois mois encore, Aurélie Filippetti, qui a tout de même accueilli le chef de l’Etat par une bise, n’est qu’à moitié convaincue par ce bilan pourtant fort honorable : « Il y a une différence notable avec Sarkozy qui n’avait pas osé revenir, sinon en catimini. C’est que les engagements ont été tenus. Mais derrière, il reste la profonde fêlure de la fermeture des hauts fourneaux, cette faille béante sous nos pieds. Plus qu’un symbole, l’un des tournants du quinquennat, qui préfigurait ce qui se passe aujourd’hui. »
Arrivé un peu plus tard à Florange, le chef de l’Etat, passé par une entrée secondaire, ne verra pas la cinquantaine de syndicalistes CGT qui l’attendent de pied ferme à l’entrée, postés devant le cimetière. Côté syndicats, il ne rencontrera que la CFDT et CFE-CGC ; la CGT et FO, non-signataires de l’accord, ayant boycotté la rencontre. Puis quelques salariés, pour un échange autour d’une table. « La parole donnée, c’est très important. Florange, c’est un symbole. Est-ce qu’on est capable de respecter une parole au plus haut niveau de l’Etat ou pas ? » Et M. Hollande de conclure en évoquant les 30 CDI fort opportunément annoncés par Mittal voici quelques jours, et ceux qui devraient suivre en 2015 ; ainsi que la « loi Florange » sur la reprise de sites industriels rentables, qui vient de trouver sa première application en Haute-Vienne.
« Après une crise, la réussite est possible. Ce symbole ne vaut pas seulement pour Florange, mais pour la France tout entière », conclut le président en une métaphore de sa propre situation politique, avant de repartir pour un déjeuner avec les élus de la région, puis pour l’inauguration de l’usine Safran-Albany à Commercy (Meuse). Il n’aura pas réussi, en une journée, à abattre la « défiance » envers le politique. Mais au moins à éviter les obstacles et traquenards, nombreux. Commentaire de Jean-Marc Todeschini, remplaçant depuis trois jours de l’ex-secrétaire d’Etat aux anciens combattants Kader Arif, vieil ami du président et régional de l’étape : « Il a du courage de revenir. »
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu