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En passe d'être interdit, UberPop était-il légal jusqu'ici ?

Ce service de taxis amateurs ne sera officiellement interdit qu'au 1er janvier. Si la loi qui réglemente la concurrence entre VTC et taxis a déjà été promulguée, certains décrets ne sont pas publiés.

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Publié le 15 décembre 2014 à 10h55, modifié le 19 août 2019 à 14h01

Temps de Lecture 7 min.

Le gouvernement cherche, un peu tard, à calmer la colère des taxis contre le service de transport entre particuliers UberPop. Des opérations escargot étaient déjà en cours à partir des aéroports d’Orly et de Roissy vers Paris, quand le porte-parole du ministère de l’intérieur a affirmé, luindi 15 décembre dans la matinée, que ce service, lancé par le groupe américain Uber, serait interdit à compter du 1er janvier 2015.

S’exprimant sur iTélé, Pierre-Henry Brandet a affirmé que l’application mobile UberPop qui permet de mettre en relation des clients avec des particuliers qui s’improvisent chauffeurs de taxis avec leur voiture personnelle sera « interdite à brève échéance ».

La colère des taxis contre ce service qui connaît un succès fulgurant à Paris a redoublé après la décision du tribunal de commerce de Paris, vendredi 12 décembre : saisis en référés, les juges consulaires avaient décidé de ne pas suspendre UberPop… tout en reconnaissant le caractère illégal de la pratique.

Selon ministère de l’intérieur, le dialogue a été maintenu tout au long du week-end avec les principales fédérations de taxis pour les rassurer sur les intentions du gouvernement. Ainsi, n’ont-elles pas appelé à la mobilisation lundi matin. Moins d’une centaine de taxis auraient pris part au mouvement.

  • En quoi consiste la loi Thévenoud ?

La loi Thévenoud, promulguée le 1er octobre, est censée contrôler la montée en puissance de la concurrence des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) face aux taxis.

Elle autorise le développement des VTC. Mais l’encadre aussi avec l’obligation de ne travailler que sur réservation ou encore de solliciter une carte professionnelle après avoir passé une formation de 250 heures, et avoir une assurance spécifique.

Elle définit les possibilités de procéder à « la maraude » (circuler en attendant d’être hélé par un client ou stationner à une borne), en utilisant des outils de géolocalisation.

Elle précise aussi les conditions du retour au garage et les conditions tarifaires. Elle définit également ce qu’est le covoiturage.

Mais, un certain nombre de points de cette loi n’ayant pas fait l’objet de décrets d’application ou faisant l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le texte n’est pas applicable.

Le décret principal doit être présenté cette semaine au Conseil d’Etat, selon Matignon.

  • Que dit la loi sur « la maraude » et la géolocalisation ?

La loi réserve aux seuls taxis la possibilité, notamment grâce à la géolocalisation, « d’informer un client avant la réservation à la fois de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule ». C’est-à-dire de pratiquer «  la maraude ».

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Les VTC, eux, doivent se contenter de travailler sur réservation. Le Conseil constitutionnel a jugé conforme le fait que les VTC n’aient pas le droit à la maraude.

Mais, aujourd’hui encore, il suffit d’allumer l’application Uber sur son smartphone pour voir les véhicules disponibles et le temps qu’il faudra à celui qui est le plus proche pour venir vous retrouver. Que ce soit pour les services de VTC « classiques » Uber ou pour UberPop.

  • Pourquoi la disposition sur la géolocalisation n’est-elle pas appliquée ?

Le tribunal de commerce de Paris, saisi en référé pour interdire UberPop, a estimé recevable la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par les avocats d’Uber sur ce point. Ces derniers se demandent si cet article n’est pas contraire à la Constitution en portant « atteinte à la liberté d’entreprendre, au droit de propriété, et au principe d’égalité ».

La Cour de cassation va devoir se prononcer sur la recevabilité de cette QPC avant de la transmettre, ou non, au Conseil constitutionnel. On ne saura donc pas avant six à huit mois si cet article est applicable.

  • Que dit la loi sur le retour au garage ?

Pour garantir aux taxis l’exclusivité de la « maraude », la loi oblige le VTC, une fois sa course terminée, à retourner au garage en attendant une nouvelle réservation.

pour autant, les VTC d’Uber ne respectent pas cette disposition, également contestée par les autres sociétés de VTC.

  • Que se passe-t-il quand ce retour au garage n’est pas appliqué ?

Le tribunal de commerce de Paris, qui a rejeté le 12 décembre une QPC d’Uber sur ce point, a décidé en conséquence de le sanctionner. Il ordonne à la filiale du groupe américain de cesser de « présenter comme licite le fait de s’arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique en attente de client sans être titulaire d’une autorisation réservée aux taxis (…) ainsi que le fait, la course terminée et sauf réservation préalable, de ne pas retourner au lieu d’établissement ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé ».

Cela interdit de fait aux VTC d’attendre le chaland aux aéroports, sauf à s’offrir un parking payant. Cette injonction est signifiée sous une astreinte de 20 000 euros par jour en cas de non-respect.

  • Que dit la loi sur les tarifs ?

La loi Thévenoud prévoit que, pour les VTC, « le prix total de la prestation est déterminé lors de la réservation préalable ».

C’est ce que pratiquent toutes les sociétés de VTC… sauf Uber, qui a un système de tarification horokilométrique (en fonction de la distance parcourue et du temps mis pour faire le trajet). La tarification d’Uber est même susceptible de varier en fonction des heures d’affluence.

  • Pourquoi la disposition sur les tarifs n’est-elle pas appliquée ?

Le tribunal de commerce de Paris a jugé le 12 décembre recevable la QPC des avocats d’Uber sur cette question.

Les juges consulaires estiment justifié de demander au Conseil constitutionnel si l’interdiction du tarif horokilométrique pour les VTC ne rompt pas l’égalité avec les taxis sur le marché de la course avec réservation où ils sont en concurrence.

  • Quelles sont les règles en vigueur pour le covoiturage ?

Le covoiturage, c’est une personne qui, devant faire un trajet en voiture, propose d’emmener quelqu’un qui va à la même destination, en échange d’un partage des frais.

La loi punit d’une peine de « 2 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes » qui, sans être enregistrées comme chauffeurs de taxis ou de VTC, proposent une prestation de transport routier « à titre onéreux ».

Pour une entreprise, c’est le cas d’Uber, l’amende peut aller jusqu’à 1,5 million d’euros et une interdiction de cinq ans peut être prononcée.

Cet article est censé permettre le développement du covoiturage, à côté des deux professions réglementées que sont les taxis et les VTC.

Le problème du service UberPop est que ce n’est ni du VTC, ni du covoiturage, ce qu’Uber à pourtant cherché à faire croire. UberPop est donc théoriquement interdit par la loi Thévenoud.

Le tribunal correctionnel de Paris l’a d’ailleurs condamnée, en octobre, à 100 000 euros d’amende pour « pratique commerciale trompeuse ».

  • Pourquoi Uber a-t-il pu maintenir son service UberPop ?

La loi s’applique d’ores et déjà aux particuliers. En revanche pour une entreprise, l’un des articles (l’article L.2132-6 du code des transports) est toujours en attente de ses décrets d’application.

Cet article oblige les intermédiaires à vérifier une fois par an que les chauffeurs avec qui ils travaillent sont bien inscrits sur le registre des VTC, qu’ils disposent de leur carte professionnelle et d’une assurance de responsabilité civile professionnelle.

C’est d’ailleurs à cause de l’absence des décrets d’application de cet article, que le tribunal de commerce de Paris a relevé dans sa décision, vendredi, qu’il ne pouvait statuer sur ce point. Alors même qu’Uber n’a jamais contesté qu’il ne respectait pas ces obligations avec les chauffeurs de son service UberPop.

Les décrets en cours de préparation, dont le ministère de l’intérieur assure qu’ils paraîtront au Journal officiel avant le 31 décembre, permettront d’appliquer ces dispositions dès le 1er janvier.

  • Quels sont les risques encourus par les chauffeurs d’UberPop ?

Sans attendre le 1er janvier, les chauffeurs d’UberPop qui travaillent quelques heures par semaine pour certains, ou sept jours sur sept pour d’autres, sont hors la loi.

Quelques-uns se sont déjà fait arrêter à Bordeaux et à Lyon et les premières amendes sont tombées. Ils encourent même la confiscation du véhicule. À Paris, là où le service est le plus développé, aucune arrestation n’a été signalée.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Ils sont devenus chauffeurs pour UberPop

En attendant, Uber prélève 24,2 % du prix de chaque course par l’intermédiaire d’une société immatriculée aux Pays-Bas, Uber BV. Ce système fonctionnant sans charge sociale ni cotisation retraite permet d’offrir des tarifs 30 % à 40 % moins cher que les taxis.

La société Uber qui vient de lever 1,2 milliard de dollars (960 millions d’euros) s’est déjà implantée dans plus de 250 villes dans le monde. Les contestations juridiques fleurissement partout, mais Uber gagne du temps avec les recours et poursuit son développement rapide.

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