Une bonne partie de l’activité d’Alstom s’apprête à passer sous la coupe de l’américain General Electric (GE) et le PDG du groupe français, Patrick Kron prépare déjà les esprits à son futur départ, en évoquant son remplacement par Henri Poupart-Lafarge, l’ancien directeur financier du groupe, et aujourd'hui patron de son pôle transports.
Lors d’une assemblée générale vendredi matin à paris, les actionnaires d'Alstom, représentés à 64,25%, ont approuvé à 99,2% la vente du pôle énergie du groupe français à GE, pour 12,35 milliards d'euros. L'opération, dont la finalisation est prévue pour le deuxième trimestre 2015, était conditionnée à son approbation par les actionnaires de l’industriel français à la majorité des deux tiers des voix exprimées.
Propriétaire de 29,3 % du fabricant de turbines et de TGV, le groupe Bouygues a depuis longtemps indiqué qu’il « suivrait les recommandations du conseil » d’administration d’Alstom.
Quant aux autres, ils savent qu’ils seront gâtés : le groupe a annoncé qu’il comptait reverser à ses actionnaires, sous la forme d’une offre publique de rachat d’actions, 3,5 à 4 milliards d’euros sur les 7 milliards que devrait débourser le géant du Connecticut.
« Après la conclusion de cette opération, c'est-à-dire après la redistribution aux actionnaires [d'un dividende exceptionnel permis par la cession des activités énergie], je compte passer la main. A Henri Poupart-Lafarge, si le conseil d'administration suit ma recommandation », a indiqué M. Kron dans un entretien au Figaro, publié vendredi.
Si la cession ne sera effective qu’à l’été 2015, après avis des différentes autorités de contrôle, elle va modifier en profondeur le profil d’Alstom : 70 % du chiffre d’affaires (20,3 milliards d’euros pour l’exercice 2013-2014) va être cédé à GE et 65 000 salariés vont changer de casquette. Selon le rapport du conseil d’administration soumis à l’assemblée générale, « environ 390 sociétés enregistrées dans une soixantaine de pays » vont être transférées.
Par ailleurs, M. Kron a déclaré que le montant de l'amende dont devrait avoir à s’acquitter Alstom pour éviter des poursuites aux Etats-Unis pour corruption devra être entièrement pris en charge par le groupe français sans qu'aucune part puisse être transférée à General Electric.
« Nous sommes en phase finale de négociation avec le Department of Justice américain (DoJ) en vue de trouver un accord pour clore les enquêtes en cours » a précisé Patrick Kron. Mardi, l’agence Bloomberg avait révélé que le fabricant français de TGV et le DoJ étaient parvenus à un arrangement à l'amiable prévoyant une pénalité de 700 millions de dollars pour mettre fin aux enquêtes judiciaires visant Alstom aux Etats-Unis. Des responsables du groupe sont accusés d'avoir tenté de verser des pots-de-vin à plusieurs responsables indonésiens pour obtenir un contrat de 118 millions de dollars dans le domaine de l'énergie.
Loin de l’alliance à « 50/50 »
Outre les transports ferroviaires (28 300 salariés et 5,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires), qui ne sont pas concernés par la cession, Alstom doit néanmoins conserver des parts dans trois coentreprises, spécialisées dans les réseaux électriques, les énergies renouvelables et le nucléaire. C’était l’une des conditions posées par Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, qui ne voulait pas d’« une dévoration » du français par l’américain.
Mais Alstom n’y aura aucun pouvoir : GE détiendra « 50 % plus une action en capital et en droits de vote » dans les deux principales coentreprises et « 80 % du capital et 50 % plus deux voix en droits de vote » dans le nucléaire, même si l’Etat aura une « golden share » – action préférentielle qui donne des droits de veto supplémentaires – dans cette dernière. L’américain « contrôlera la gestion opérationnelle », aura le pouvoir de nommer le directeur général et le directeur financier (seul le directeur technique sera désigné par Alstom) et la trésorerie des trois coentreprises sera « centralisée au sein du groupe GE ».
On est donc loin de l’« alliance à 50/50 » vantée en juin par M. Montebourg pour justifier l’accord de l’Etat à l’opération. « Ces coentreprises ont été négociées pour servir de participations financières, reconnaît un proche du dossier. Le moment venu, Alstom pourra les vendre afin de financer son propre développement dans les transports. » Pour preuve, des clauses de sortie ont d’ores et déjà été prévues : « GE s’est engagé à acquérir toutes les actions détenues par Alstom dans les coentreprises, à la demande d’Alstom, en septembre 2018 ou en septembre 2019 », peut-on lire dans le rapport soumis aux actionnaires. La « dévoration » sera alors effective…
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu