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Sommet de l'Elysée

«Le budget de l’UA est trop dépendant des contributions non-africaines»

Le sommet de l’Elysée qui s’ouvre en fin de semaine à Paris débattra des modalités de la mise en place d’une force africaine capable d’assurer la paix et la sécurité sur le continent. RFI a interrogé Thierry Vircoulon, directeur du projet « Afrique centrale » au sein de l’International Crisis Group, sur les efforts déployés par les organisations africaines pour la prévention et la gestion des conflits en Afrique.

Thierry Vircoulon, directeur d'International Crisis Group pour l'Afrique centrale.
Thierry Vircoulon, directeur d'International Crisis Group pour l'Afrique centrale. DR
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RFI: Compte tenu de l’engagement militaire français au Mali et bientôt en Centrafrique, diriez-vous que la France est redevenue le gendarme de l’Afrique ?

Thierry Vircoulon : Je ne crois pas. L’expression « gendarme de l’Afrique » correspondait à des interventions qui consistaient à maintenir des régimes en place ou à intervenir dans des conflits opposant les pays africains entre eux. Ni le Mali, ni la Centrafrique ne correspondent à ça. Le temps des interventions militaires pour faire ou défaire des régimes africains est révolu.

Toujours est-il qu’au Mali comme en Centrafrique, la France se retrouve en première ligne. Le sommet de l’Elysée qui s’ouvre cette semaine a précisément pour objectif de mettre en place une architecture sécuritaire africaine qui permettrait à la France, en cas de crise, de rester au second plan ou d’intervenir dans un cadre multilatéral. Compte tenu de la situation sur le terrain, une telle ambition vous paraît-elle réaliste ?

L’architecture de paix et de sécurité africaine existe déjà, depuis à peu près dix ans. Elle est basée sur la doctrine que la gestion, la prévention et la résolution des conflits en Afrique doivent être faites par les Africains, soit par l’Union africaine ou les organisations régionales. C’est ce qui est prévu sur le papier. Passer du papier à la réalité, c’est une autre paire de manches.

Au cours des dix années écoulées, il y a eu un certain nombre de missions de l’Union africaine (Burundi, Darfour, Comores, Somalie, etc.). Les bilans de ces missions soucient un peu Paris car ils mettent en évidence les déficiences de cette architecture africaine de paix et de sécurité. Ce sont ces déficiences qui ont conduit la France à intervenir au Mali et bientôt en Centrafrique.

Dans une récente conférence sur l’Afrique du Sud à Paris, vous disiez que les Africains vivent mal ce retour de l’armée française sur le continent...

Je ne crois pas qu’on puisse parler de « retour », car les militaires français ne sont jamais vraiment partis de l’Afrique. Ce que l’Afrique vit surtout mal, ce sont ses propres insuffisances : par exemple, qu’il n’y ait pas eu de réponse africaine à la prise de pouvoir par des jihadistes dans le nord du Mali ou que la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique, NDLR) ne soit pas en mesure d’accomplir son mandat de protection de la population.

La présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Dlamini-Zuma, a elle-même pris la parole pour déplorer que l’Afrique ne soit pas encore capable de répondre à ses problèmes sécuritaires. Elle a demandé qu’il y ait une réflexion au sein de l’Union africaine et au sein des organisations régionales sur la nécessité de combler ces insuffisances.

Cette réflexion a bien eu lieu et il a été décidé de mettre sur pied la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric) en attendant la création, prévue en 2015, de la Force africaine en attente (FAA). C’est une initiative sud-africaine. Une dizaine de pays se sont portés volontaires pour participer à cette future force africaine d’action rapide. L’idée est bonne, mais le passage aux actes tarde à venir.

Ce n’est apparemment pas une question de volonté politique. Les Africains manquent de moyens ?

En règle générale, les deux vont de pair. Quand on veut, on peut. Le problème fondamental de l’Union africaine réside dans le fait que son budget est très largement dépendant des contributions d’acteurs qui ne sont pas africains. La question de financements africains pour les opérations de l’Union africaine se pose. On a confié à l’ancien président nigérian Obasanjo la mission de préparer un rapport sur ce problème pécuniaire récurrent.

Si les Africains ne contribuent pas, dans la mesure de leurs moyens, à la mise en place de l’architecture de paix et de sécurité dont le continent a urgemment besoin, cette architecture risque d’être assez largement artificielle. C’est une question qui sera sans doute abordée lors du sommet de l’Elysée.

En attendant, croyez-vous que l’intervention française en RCA puisse s’inscrire dans une posture du genre « hit and transfer », c’est-à-dire frapper et passer la responsabilité à d’autres forces, la Misca par exemple ?

Ce n’est pas ce qui s’est passé au Mali. C’était plutôt « hit and stay » (frapper et rester). En Centrafrique aussi, on risque d’avoir la même configuration. Sauf si les organisations internationales, en collaboration avec l’Union africaine, réussissent à mettre en place une force multilatérale. C’est d’ailleurs dans ce schéma que la France se propose d'intervenir en Centrafrique.

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