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Secret des affaires : informer n’est pas un délit !

Un amendement de la loi Macron risque d’entraver la possibilité des journalistes d’enquêter sur la vie des entreprises. Une menace de pénalisation de l’investigation qui touche également les lanceurs d’alerte. Son retrait est une exigence démocratique

Publié le 27 janvier 2015 à 13h27, modifié le 19 août 2019 à 13h39 Temps de Lecture 3 min.

Le projet de loi pour la croissance et l'activité dite

Il y a un loup dans la loi Macron. Le projet de loi actuellement discuté à l’Assemblée nationale contient un amendement, glissé en catimini dans le texte, qui menace d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, par conséquent, l’information éclairée du citoyen. Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur instaure comme nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme un « secret des affaires » dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en France.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Une loi pour protéger le secret des affaires

Selon le texte, le « secret des affaires » recouvre « une information non publique, qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables » et qui a « une valeur économique ». Notre métier consistant à révéler des informations d’intérêt public, il sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique du pays.

Le texte, qui a été préparé sans la moindre concertation, laisse la libre interprétation aux seules entreprises de ce qui relèverait désormais du « secret des affaires ». Autrement dit, avec la loi Macron, vous n’auriez jamais entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit lyonnais, ou de l’affaire Amésys, du nom de cette société française qui a aidé une dictature à espionner sa population. Et on en passe…

La simple révélation d’un projet de plan social pourrait, en l’état, elle aussi, tomber sous le coup de la loi Macron.

Dérives liberticides

Avec ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en chef de la nation, qui décide de l’intérêt ou non d’une information. Une disposition spéciale prévoit même que la justice puisse empêcher la publication ou la diffusion d’une enquête. Dans le cas où le journaliste viole ce « secret des affaires », il encourt trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. La mise est doublée en cas d’atteinte à « la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ». Une triple notion suffisamment vague pour autoriser toutes les dérives liberticides.

Même tarif pour les lanceurs d’alerte, les fameuses sources sans lesquelles certaines affaires ne sortiraient pas. Ce texte inacceptable est mis au vote alors même qu’une loi prévoyant le renforcement de la protection des sources des journalistes a été discrètement enterrée l’été passé.

Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. Et comme disait George Orwell : « Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques. » C’est pourquoi nous demandons le retrait pur et simple de ce texte.

Signataires :

Fabrice Arfi (Mediapart), Patrick Boitet (Un œil sur la planète), Jean-Pierre Canet, Guilaine Chenu et Françoise Joly (Envoyé spécial), Hervé Demailly (Conférence des écoles de journalisme), Laurent Léger (Charlie Hebdo), Elise Lucet (France 2), François-Xavier Ménage (Capital), Paul Moreira et Luc Hermann (Premières lignes), Serge Marti (président de l'Association des journalistes économiques et financiers), Christophe Nick (Yami 2), Antoine Peillon (La Croix), Edwy Plenel (Mediapart).

Les équipes de Cash Investigation, Tony Comiti, Complément d’enquête, Pièces à conviction, Spécial investigation, Zone interdite, Enquête exclusive.

Les sociétés des journalistes et les sociétés des rédacteurs de l’AFP, BFM, CAPA TV, Europe 1, L’Expansion, L’Express, Les Echos, Le Figaro, Le Monde, Libération, Le Parisien, L’Equipe, La Vie, Les Inrocks, Arte, France 24, France 2, i-Télé, Radio France, RFI, RMC, France Inter, TF1.

Les agences de presse et sociétés de production :

Brothers Films, Dreamway, KM Prod, Magneto Presse, Mano @ Mano, Memento, Nilaya Productions, Presse and Co, Stp productions, TV Presse, Upside, Yami 2, Spica.

Les écoles de journalisme CELSA (Paris,) CUEJ (Strasbourg), EJCM (Marseille), EJDG (Grenoble), IFP (Paris), IJBA (Bordeaux), IUT de Lannion, IUT de Tours et IUT Nice Côte d'Azur, CFJ (Paris EJT (Toulouse), ESJ Lille, IPJ (Paris) et l’école de journalisme de Sciences Po.

Retrouvez la liste complète des signataires sur informernestpasundelit.tumblr.com/

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