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« Secret des affaires » : le gouvernement retire son projet

Face à la mobilisation de la presse, les pouvoirs publics ont renoncé à légiférer dans l’immédiat.

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Publié le 30 janvier 2015 à 11h01, modifié le 19 août 2019 à 13h36

Temps de Lecture 4 min.

Les journalistes l’ont emporté. Face à la mobilisation de la presse, les pouvoirs publics ont renoncé à légiférer dans l’immédiat sur le « secret des affaires ». Cet outil juridique devait permettre aux entreprises tricolores de mieux faire face à l’espionnage industriel, mais risquait de restreindre la liberté de la presse et celle des « lanceurs d’alerte ».

Les articles sur ce sujet qui devaient être intégrés au projet de loi Macron actuellement en discussion à l’Assemblée nationale en seront finalement écartés. La décision a été prise dans la soirée de jeudi 29 janvier, à l’issue de discussions entre François Hollande et son ministre de l’économie, indiquent des sources concordantes.

Devant la polémique grandissante, le président de la République a jugé qu’il n’était « ni opportun ni judicieux » de maintenir le projet tel quel, indique un de ses proches.

« Visiblement, le moment n’est pas venu »

Dès vendredi matin, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, a donné le ton. « Visiblement, le moment n’est pas venu » d’instaurer ce secret des affaires, a-t-il déclaré sur RTL. Comme il y a incompréhension, je souhaite que l’on n’aille pas plus loin sur cette dimension. »

Le rapporteur du projet de loi, le député (PS) Richard Ferrand, est sur la même longueur d’onde. « J’ai la conviction que la liberté des journalistes et l’action des lanceurs d’alerte n’étaient en rien entravées par ce projet. Mais pour éviter les angoisses inutiles et les procès d’intention, je vais déposer un amendement de suppression de cette partie du texte », annonce-t-il.

Convaincus qu’il reste nécessaire de travailler sur le sujet, le gouvernement et les députés ont déjà une autre solution en tête. Il s’agirait de réunir dans un même texte de loi le secret des affaires et le secret des sources, un sujet sur lequel le candidat Hollande avait promis de légiférer durant la campagne de 2012. « On pourrait ainsi protéger à la fois les entreprises, les journalistes et leurs sources, et les lanceurs d’alerte », plaide M. Ferrand.

Depuis le début de la semaine, les journalistes étaient montés au créneau de plus en plus vigoureusement contre ce projet visant à instaurer un « secret des affaires ». Des dizaines de sociétés de journalistes, d’agences de presse et sociétés de production avaient dénoncé ce qu’elles considéraient comme une « nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme ». Une pétition avait commencé à circuler.

Montée de la grogne

Jeudi matin, le gouvernement pensait encore pouvoir sauver le projet. Recevant à Bercy des dizaines de journalistes pour ses vœux à la presse, Emmanuel Macron avait annoncé que quatre amendements seraient introduits pour garantir « la liberté de la presse, la liberté d’information, la liberté d’investigation ». Une façon selon lui de répondre aux « légitimes préoccupations » des journalistes, de même que celles des lanceurs d’alerte et des syndicats, tout en permettant aux entreprises de mieux se protéger de l’espionnage. « Car oui, nous avons un problème de secret des affaires, avait souligné le ministre. Nous sommes défaillants à beaucoup d’égards. Nos entreprises se font plus facilement espionner que dans beaucoup de pays voisins. »

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Modifier le texte ? Les représentants des médias ont immédiatement rejeté cette piste. « Des “amendements à l’amendement” ne résoudront rien, ont-ils expliqué jeudi matin à M. Macron. Le gouvernement est en train d’élaborer un fourre-tout législatif dont la liberté d’informer sortira inévitablement perdante. » Cette détermination et la montée de la grogne ont amené M. Macron à changer d’avis. Il a notamment été sensible à l’absence de concertation sur le sujet. « Ce n’est pas ma méthode », a dit le ministre.

Le locataire de Bercy pouvait d’autant plus facilement lâcher sur ce projet qu’il n’en était pas à l’origine. Ce sont les députés qui, en Commission, avaient choisi d’insérer le secret des affaires dans la loi Macron consacrée au travail du dimanche, à la réforme des professions réglementées, etc. Une façon pour les parlementaires les plus sensibles à la cause des entreprises de donner une nouvelle chance à un projet lancé il y a plus de dix ans par un chantre du patriotisme économique, l’avocat Bernard Carayon, alors député UMP, et bloqué ensuite à plusieurs reprises.

C’est qu’en permettant aux entreprises d’estampiller certaines informations « secret des affaires », sur le modèle du « secret défense », le risque est fort de compliquer, par ricochet, le travail des journalistes et des lanceurs d’alerte. Le projet prévoyait de punir d’un maximum de trois ans de prison et 375 000 euros d’amende ceux qui s’empareraient d’informations confidentielles ayant une valeur économique. Des exceptions étaient prévues pour protéger les journalistes. Mais trop faibles aux yeux de nombreux professionnels, inquiets de la pression qu’aurait fait peser le texte sur leurs sources.

Selon certains, des affaires comme LuxLeaks n’auraient pu être dévoilées dans ce nouveau cadre. « Si le secret des affaires avait existé, Irène Frachon, le médecin à l’origine du scandale du Mediator, aurait pu être sanctionnée », affirme ainsi l’association Transparency International. Des menaces démenties en chœur par le gouvernement et les députés à l’origine du projet. Mais devant l’émoi, ils ont préféré battre en retrait.

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