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Google, moteur de recherches sexuelles

Un chercheur américain s'est penché sur les questions que posent les hommes et les femmes sur Internet pour esquisser un portrait de la sexualité aux Etats-Unis.
par Kim Hullot-Guiot
publié le 29 janvier 2015 à 19h23

La plupart des gens mentent lorsqu'ils répondent à des sondages, surtout quand il s'agit d'évoquer leurs habitudes sexuelles. C'est le constat – pas franchement étonnant – qu'a fait un économiste américain, Seth Stephens-Davidowitz, en analysant les résultats du General Social Survey, une grande enquête menée régulièrement par l'université de Chicago depuis les années 70.

Par exemple, les hommes hétérosexuels âgés de 18 ans et plus (1) y ont indiqué avoir 63 rapports sexuels par an, lorsque les femmes en évoquaient 55. On pourrait imaginer que les hommes ont simplement plus de partenaires différentes. Mais lorsque l'on rapporte leurs déclarations concernant l'usage des préservatifs au nombre total de capotes vendues chaque année aux Etat-Unis, les chiffres, là non plus, ne collent pas. «[Selon les hommes, ils utiliseraient] 1,6 milliard de préservatifs par an, [selon les femmes, elles utiliseraient] 1,1 milliard de préservatifs par an […], [alors qu'en fait,] moins de 600 millions de préservatifs sont vendus chaque année», note l'économiste, qui poursuit : «Les hommes qui n'ont jamais été mariés prétendent utiliser en moyenne 29 préservatifs par an. En cumulé, c'est plus que le nombre total de préservatifs vendus aux Etats-Unis aux célibataires et aux personnes mariées.» De la même façon, les hommes mariés âgés de moins de 65 ans ont déclaré avoir un rapport sexuel par semaine, alors que les épouses en ont déclaré un peu moins.

Pour tenter de dresser un portrait plus précis – et moins biaisé qu'avec une méthode déclarative – de la sexualité des adultes, Seth Stephens-Davidowitz s'est donc penché sur les recherches Google des internautes. Selon lui, ces recherches reflètent mieux les questions intimes que se posent les gens, qu'ils n'oseraient pas forcément aborder avec leur entourage (interrogation sur son anatomie, difficultés avec son partenaire, anxiété liée à l'activité sexuelle…). Il a livré une partie de ses conclusions dans une chronique pour le New York Times, intitulée «Searching for Sex» et repérée par Brain Magazine.

Les femmes s’interrogent plus sur ce qu’on attend d’elles

D'abord, les hommes et les femmes semblent autant concernés par leurs parties génitales (forme, odeur, santé…) mais font assez peu de recherches sur celles de leur partenaire. En général, les femmes se posent surtout des questions de santé, mais 30% des recherches n'ont rien à voir (comment s'épiler, donner un meilleur goût à son sexe…) et certaines traduisent leur sentiment d'insécurité (elles craignent de sentir mauvais).

Côté hommes, certains cherchent à savoir comment dire à quelqu’un que son odeur les indispose. Il leur arrive aussi de se demander s’il est possible de sentir l’odeur d’un préservatif utilisé avec un autre partenaire. Les concernant eux-mêmes, leurs principales interrogations concernent la taille de leur sexe (en premier lieu, comment le rendre plus gros ou plus long). Sur dix questions comportant le mot «pénis», six portent en effet sur la taille. Et selon l’auteur de l’étude, les hommes font plus de recherches sur ce sujet que sur comment faire une omelette ou accorder une guitare. De la même façon, parmi ceux qui se renseignent sur Internet sur l’usage des stéroïdes, beaucoup se demandent si en prendre pourrait faire rapetisser leur pénis.

Le pénis, première source d’anxiété pour les hommes

Ils cherchent également à se situer, les troisièmes et quatrièmes occurrences concernant leur pénis étant «quelle est la taille de mon pénis ?» et «pourquoi mon pénis est petit ?», alors que les recherches des femmes sur les tailles de pénis ne sont pas très nombreuses. De la même façon, la deuxième plus importante préoccupation chez les hommes est de parvenir à ne pas éjaculer trop vite. Alors que les femmes ont posé autant de questions sur comment faire durer un rapport plus longtemps et comment le faire durer moins longtemps. Ce qui tourmente les hommes, en général, n'est donc pas tellement central pour les femmes, le contraire n'étant pas vrai.

L'économiste s'est par ailleurs penché, à travers des recherches pornographiques, sur les attentes ou les préférences des uns et des autres, et sur leur évolution. Il note par exemple que si davantage de recherches portent sur des poitrines généreuses, très peu indiquent explicitement un goût pour les poitrines refaites. Pour autant, l'évolution des sujets d'intérêt des hommes et des femmes ou des différentes communautés va parfois de pair : «En 2014, écrit-il, il y a eu plus de recherches demandant comment obtenir des fesses plus généreuses que pour les réduire. En ce moment, pour cinq recherches concernant des implants mammaires, il y en a une sur les implants fessiers. Est-ce que cet intérêt grandissant des femmes pour un plus gros derrière correspond aux préférences des hommes ? De façon intéressante, oui.» Il ajoute : «Les recherches "porno grosses fesses", qui étaient auparavant concentrées dans les communautés noires, ont récemment fait un bond de popularité dans tous les Etats-Unis.»

Le sentiment de rejet largement partagé

D'autre part, autant d'hommes que de femmes célibataires font part de problèmes de communication dans leur couple, mais les hommes mariés tendent à s'interroger davantage sur pourquoi leur épouse ne leur parle pas ou ne fait pas l'amour avec eux (la plainte numéro 1 chez les gens mariés en général portant sur l'absence d'activité sexuelle dans leur couple). A l'inverse, chez les célibataires, ce sont plutôt les filles qui se sentent rejetées (ou qui, du moins, le formulent davantage) : il y a plus de recherches «mon petit copain ne veut pas coucher avec moi» et «mon petit copain ne répond pas à mes SMS» que de recherches similaires avec «ma petite copine».

Toutes ces données sont évidemment à prendre avec précaution, note cependant le chercheur, qui cite un psychologue de l'université de Duke, Dan Ariely, selon qui utiliser les données issues de recherches Google pourrait amener à des conclusions disproportionnées. «Si vous voulez savoir comment faire une omelette, vous pouvez demander à vos proches. Vous serez moins susceptibles de leur poser des questions sur l'élargissement de pénis», explique le chercheur. Poser une question ne signifie pas que vous l'envisagez pour vous-même, seulement que le sujet vous intéresse. Et pour la recette de l'omelette, il y en a ici.

Lire l'intégralité de la chronique de Seth Stephens-Davidowitz en anglais, sur le site du New York Times et sa version potache sur le site de Brain Magazine.

(1) Les chiffres présentés ici, lorsqu'ils sont tirés du General Social Survey, concernent uniquement des hommes et des femmes hétérosexuels âgés de 18 ans et plus.

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