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Syrie-Liban

L’Iran aux frontières d’Israël

A travers le soutien militaire et financier qu’il fournit au régime syrien et au Hezbollah libanais, l’Iran a considérablement accru sa présence en Syrie et au Liban. Il se trouve désormais aux frontières d’Israël. «L’Iran apporte à ses alliés un soutien multiforme, qui n’est limité par aucune ligne rouge», affirme Ali Nassar, directeur de la revue électronique Al-Houkoul spécialisée dans les crises du Moyen-Orient.

Faubourg sud de Beyrouth : une femme du Hezbollah brandit le drapeau du Groupe islamiste, auteur du missile contre Tsahal qui a fait 3 morts à la frontière d’Israël. 28 janvier 2015.
Faubourg sud de Beyrouth : une femme du Hezbollah brandit le drapeau du Groupe islamiste, auteur du missile contre Tsahal qui a fait 3 morts à la frontière d’Israël. 28 janvier 2015. Reuters/Khalil Hassan
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De notre correspondant au Liban,

L’engagement de l’Iran auprès du régime syrien et du Hezbollah n’est pas un secret. Damas, Téhéran et le parti chiite libanais ne le cachent pas. Officiellement, ce soutien est présenté sous la forme de « conseils » ou d’aides économiques et financières. Mais les faits et les informations montrent qu’il va bien au-delà et se traduit par une présence militaire directe sur les champs de bataille, actuels ou potentiels. « L’Iran apporte à ses alliés un soutien multiforme, qui n’est limité par aucune ligne rouge », affirme Ali Nassar, directeur de la revue électronique Al-Houkoul, spécialisée dans les crises du Moyen-Orient.

Lors de la dernière semaine de décembre, des photos publiées sur un compte Twitter géré par les Gardiens de la révolution iranienne ont montré des militaires de cette armée d’élite posant quelque part au Liban-Sud, à un jet de pierre d’Israël. Les visages floutés, vêtus de l’uniforme et des insignes de ce corps militaire, les soldats posent, entre autres, devant un monument à l’effigie de l’ayatollah Ali Khamenei, le Guide de la révolution, érigé au Liban-Sud en signe de remerciement à l’aide fournie par Téhéran pour « la reconstruction du Liban ». On peut reconnaître, au loin, de l’autre côté de la frontière, une colonie israélienne. Memri, un site israélien qui analyse les médias en arabe et en persan, indique que le blog iranien a accompagné les photos de la légende suivante : « Nous arrivons près de la mère de la corruption, Israël le maudit; nous allons bientôt passer sur leurs corps, si Allah le veut ».

Présence militaire directe

Mohammad Ali Allahdadi.
Mohammad Ali Allahdadi. DR

Ces clichés ont provoqué un vif émoi, surtout en Israël, où les commentateurs y ont vu une « preuve » de la présence de l’Iran aux frontières de l’Etat hébreu. D’autres, cependant, ont douté de l’authenticité de ces photos, préférant les inscrire dans le cadre de la propagande iranienne et de la guerre psychologique.

Mais la mort, le 18 janvier dernier, du général des Gardiens de la révolution iranienne, Mohammad Ali Allahdadi, dans un raid aérien israélien à Quneitra, à cinq kilomètres du Golan occupé par Israël, a confirmé la présence directe de l’Iran aux frontières de l’Etat hébreu.

Ce n’est pas le premier officier supérieur iranien à trouver la mort en Syrie. En février 2013, un autre général des Gardiens de la révolution, Hassan Shatéri (58 ans), avait été assassiné dans des circonstances mal élucidées. Ce général présidait depuis 2006 le « Comité iranien de reconstruction du Liban », mis en place après la Deuxième guerre du Liban, entre Israël et le Hezbollah. Doté d’un budget annuel de 200 millions de dollars, cet organisme a joué un grand rôle dans la reconstruction - surtout au Liban-Sud, le fief du Hezbollah - des routes, des ponts, des écoles et d’autres bâtiments détruits par les Israéliens lors de ce conflit.

L’alliance entre la Syrie et l’Iran est l’une des plus anciennes de la région. Elle a l’âge de la République islamique, fondée en 1979. De même que le Hezbollah a été créé en 1982 avec l’encouragement et le concours des Gardiens de la révolution. Ce parti recevrait une aide iranienne d’un milliard de dollars par an. Mais la présence iranienne s’est considérablement accrue depuis le début de la crise syrienne, et a pris des formes différentes.

Dès 2011, le savoir-faire du général Hassan Shatéri a été sollicité en Syrie, non pas pour reconstruire le pays, mais pour exécuter des travaux militaires d’intérêt stratégique. Cet officier, ingénieur de formation, est l’artisan du percement de la route du désert Hama-Alep, qui a permis à l’armée syrienne de désenclaver ses troupes encerclées par les rebelles dans Alep et de reconquérir une grande partie de la campagne au sud et à l’est de la deuxième ville de Syrie. C’est d’ailleurs en revenant d’une tournée d’inspection sur l’un de ces chantiers que Shatéri a été tué par des inconnus, qui connaissaient bien leur cible, à la hauteur de la ville syrienne de Zabadani, aujourd’hui tenue par les rebelles, non loin de la frontière avec le Liban.

Toujours sur le plan militaire, l’Iran a déployé des centaines d’instructeurs qui ont formé, en un temps record, les 80 000 officiers et soldats de l’Armée de défense nationale (ADN), une armée parallèle du régime syrien, chargée d’épauler les troupes régulières et composée de milices populaires, de membres du parti Baas et de volontaires, surtout alaouites, chrétiens et druzes.

Solidarité entre alliés

L’Iran a en outre été accusé par les Etats-Unis de fournir, via l’Irak, des armes au régime du président Bachar al-Assad, en violation de l’embargo international. Sous la pression des Américains, les autorités irakiennes ont procédé à des inspections surprises sur plusieurs avions iraniens à destination de Damas, sans jamais rien trouver. « L’attitude de l’Iran est l’expression d’une stratégie de défense combinée, basée sur la solidarité entre les parties formant l’axe de la Résistance (Iran-Syrie-Hezbollah), explique Ali Nassar. C’est un peu le même principe énoncé dans l’article 5 de la Charte de l’Otan ».

L’enlèvement par des rebelles syriens, en août 2012, de 48 Iraniens près de la route de l’aéroport de Damas, montre l’importance de la présence iranienne en Syrie. Les rebelles les ont présentés comme des membres des Gardiens de la révolution, alors que Téhéran a affirmé qu’il s’agissait de « pèlerins ». Mais après leur libération, en janvier 2013, grâce à la médiation de la Turquie, il est apparu que la plupart étaient effectivement des militaires.

Le soutien iranien à la Syrie englobe aussi l’aspect financier

Sans l’aide massive de Téhéran, l’économie syrienne se serait effondrée et n’aurait pas pu supporter le poids de la guerre. C’est ainsi que l’Iran s’est engagé à acheter une grande partie de la production agricole de la Syrie et à l’aider à écouler son pétrole brut (qui est tombé aujourd’hui à 9 000 barils/jour contre 28 000 en septembre 2014 et 380 000 avant le conflit). Concrètement, ce soutien s’est traduit, par exemple, par l’affectation, en 2012, d’un tanker iranien pour transporter les cargaisons de pétrole pour le compte de la Chine.

L’aide iranienne se traduit aussi par des prêts bonifiés, des lignes de crédit et autres formes de montages financiers. En juillet 2013, l’Iran a accordé à la Syrie une ligne de crédit de 3,6 milliards de dollars pour l'achat de produits pétroliers. Un autre milliard de dollars avait également été réservé aux achats hors produits pétroliers. En janvier, une ligne de crédit de 1,3 milliard de dollars avait été ouverte pour le compte de la Syrie.

Fin 2013, Téhéran avait déposé entre 500 et 750 millions de dollars auprès de la Banque centrale de Syrie, utilisés par les autorités monétaires syriennes pour empêcher l’effondrement de la livre, la monnaie nationale.

Il est difficile de chiffrer exactement le montant de l’aide financière apportée par Téhéran à Damas. Mais déjà, en octobre 2012, le Times britannique l’estimait à 10 milliards de dollars. Il est certain qu’avec la chute du pétrole, Téhéran aura de plus en plus de mal à financer son allié de Damas. C’est pourquoi le gouvernement syrien a supprimé ou considérablement réduit, ces trois derniers mois, toutes les subventions qu’il apportait au mazout, à l’essence et à d’autres produits de base.

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