Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Grèce : les jours de la troïka sont comptés

Les Européens savent qu’au moins en termes d’affichage, il faut qu’ils donnent ce gage à Athènes : faire disparaître cette structure, qui réunit les créanciers de la Grèce. Quitte à, simplement, la modifier et la renommer.

Par  (Bruxelles, bureau européen)

Publié le 02 février 2015 à 17h58, modifié le 19 août 2019 à 13h34

Temps de Lecture 4 min.

La troïka dans sa future version sera un « trio », une « task force », représentant les intérêts des créanciers. La BCE n’y participera peut-être plus. Le FMI y sera peut-être plus discret.

Le quotidien allemand Handelsblatt assurait, dimanche 1er février, que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, voulait « supprimer la troïka », cet attelage des principaux créanciers d’Athènes (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international).

Il s’agit là d’une revendication forte du nouveau gouvernement grec, mené par Alexis Tsipras, qui a commencé de renégocier les termes de l’énorme dette du pays (320 milliards d’euros) avec l’Union européenne.

Lundi 2 février, Margaritis Schinas, le porte-parole de la Commission, a confirmé qu’à terme la troïka devrait évoluer, mais il a nié que des réflexions étaient déjà en cours pour savoir la forme que prendrait, à l’avenir, la structure chargée de surveiller la mise en œuvre de l’aide financière internationale à la Grèce. « Nous n’envisageons pas une nouvelle structure, n’avons pas de nouvelle formule », a t-il déclaré.

Que la troïka soit, dans les mois qui viennent, amenée à disparaître ou du moins à fortement évoluer, n’est, en réalité une information ni nouvelle ni surprenante.

Décryptage.

  • M. Juncker a dénoncé à plusieurs reprises la troïka

Une refonte de cet attelage était déjà présente dans le programme de campagne de M. Juncker, au printemps 2014, avant qu’il soit désigné, suite aux élections européennes, président de la Commission.

« À l’avenir, nous devrions être en mesure de remplacer la troïka par une structure plus légitimement démocratique et plus comptable de ses actes, basée autour des institutions européennes, avec un contrôle parlementaire renforcé, tant au niveau européen que national », peut-on ainsi y lire.

Pas plus tard que le 16 janvier, devant des étudiants de l’Ecole nationale d’administration, à Strasbourg, il soulignait également : « Les mécanismes de gestion de la crise que nous avons eus n’étaient pas très démocratiques. J’ai toujours plaidé pour que nous ajoutions une dose de démocratie à la troïka. Je note d’ailleurs que l’avocat général à la Cour de justice européenne de Luxembourg (…) semble vouloir interdire à la BCE de rester un membre de la troïka si, dorénavant – comme elle le fit par le passé –, la BCE peut à la fois fixer les termes d’un programme d’ajustement et participer à la mise en œuvre d’un tel programme. C’est une indication que la troïka dans la forme que nous avons connue jusqu’à présent ne devrait pas connaître de beaux lendemains. »

Et d’ajouter de manière encore plus claire : « Je voudrais qu’il y ait une structure parlementaire, des membres du Parlement européen et des membres des parlements nationaux, qui se réunissent régulièrement pour évoquer les grands sujets économiques de l’Union européenne. »

  • La troïka est aussi la cible de critiques du Parlement européen

Les déclarations de M. Juncker au sujet de la nécessité d’introduire un contrôle parlementaire, c’est-à-dire démocratique, de la troïka, ne sont pas innocentes. Le Parlement européen s’est montré très critique, au printemps 2014, sur le travail de cette structure, dans les conclusions d’un rapport d’enquête, qui ont reçu un large écho médiatique.

Le Monde Guides d’achat
Gourdes réutilisables
Les meilleures gourdes pour remplacer les bouteilles jetables
Lire

Ce rapport concluait qu’en Grèce, la troïka a privilégié les coupes budgétaires aux réformes de structure, qu’elle n’a pas assez tenu compte des problématiques sociales et de l’emploi locales.

Il pointait également le fait qu’elle ne soit constituée que de « technocrates », qui plus est de « second rang », et que cela aboutissait à un manque d’efficacité : comment le pouvoir politique grec pouvait-il, sans ressentir une énorme humiliation, accepter des diktats de fonctionnaires de Bruxelles ?

  • Par construction, la troïka est vouée à disparaître

Chargée, en Grèce, d’examiner la mise en œuvre des programmes d’ajustement, elle n’a plus lieu d’être dès lors que ceux-ci s’achèvent.

En l’occurrence, elle aurait dû cesser son « activité » fin décembre 2014, au moment où devait s’achever, comme cela était prévu initialement, le deuxième plan d’aide à la Grèce (un prêt de 130 milliards d’euros, accordé par les Européens et le FMI en 2012, en échange de réformes).

En l’absence d’accord entre l’ex-premier ministre grec, le conservateur Antonis Samaras, et la troïka, la date butoir pour les pourparlers entre Européens et Grecs sur la clôture du deuxième plan d’aide a toutefois été repoussée à fin février 2015.

La question de la troïka va donc forcément être rediscutée dans le cadre de la négociation qui s’engage entre le gouvernement Tsipras et ses bailleurs de fonds.

Mais dans le schéma initial, si tout s’était passé comme espéré par les bailleurs de fonds d’Athènes, une nouvelle phase, à partir du 1er janvier 2015, se serait ouverte.

Les Grecs auraient pu bénéficier d’une ligne de « précaution » de quelques milliards d’euros en cas de nécessité. Et, pour ses besoins budgétaires courants, l’Etat grec se serait financé lui-même sur les marchés.

Les créanciers auraient alors continué d’exercer une surveillance du pays, mais en suivant « de manière plus distante, à travers des missions plus légères, moins fréquentes, une dizaine de politiques publiques », comme l’avait indiqué, dans un entretien au « Monde », début janvier, Pierre Moscovici, commissaire européen chargé de l’économie (et du dossier grec).

La troïka « a épuisé son rôle historique, parce que beaucoup de réformes ont été faites », avait ajouté l’ex-ministre de l’économie français.

  • Mise en place d’une nouvelle structure

Dans le contexte actuel, et même si Grecs et Européens (et FMI) décident, au bout du compte, dans quelques semaines, d’un troisième plan d’aide à la Grèce – si le pays n’a toujours pas les moyens de voler financièrement de ses ailes –, il est très probable que la troïka aura été modifiée. Et renommée.

Ce sera un « trio », une « task force », représentant les intérêts des créanciers. La BCE n’y participera peut-être plus. Le FMI y sera peut-être plus discret.

Les Européens savent qu’au moins en termes d’affichage, il faut qu’ils donnent aux Grecs ce gage : la troïka a trop été le symbole, ces cinq dernières années, de la « mise sous coupe réglée », de l’humiliation de tout un peuple.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.