Rudy Provoost préside le directoire de Rexel, leader mondial de la distribution de matériel électrique. Il plaide pour une transition énergétique équilibrée et maîtrisée par le consommateur, comme il l’explique dans son livre Energie 3.0. Transformer le monde énergétique pour stimuler la croissance (Le Cherche-Midi).
Dans votre livre, vous expliquez que la transition énergétique va doper la croissance. Dans quelle mesure ?
La transition énergétique et la transformation de toute la filière électrique pourraient représenter 2 millions d’emplois d’ici à 2020 en Europe, et plus de 500 000 en France. Il y a là un potentiel énorme pour le secteur et le pays.
Vous évoquez aussi l’équilibre nécessaire entre les sources d’énergie – le mix énergétique. A-t-on trop poussé les renouvelables ?
Aujourd’hui, le débat est trop focalisé sur l’amont, alors que le vrai enjeu se trouve en aval, dans les usages, les comportements, la consommation. Le consommateur final doit redevenir maître de son énergie. Il ne faut pas mettre l’accent sur un modèle centralisé sur une source, mais trouver un équilibre où les renouvelables peuvent jouer un rôle très important. L’éolien et le photovoltaïque sont des chantiers de développement intéressants. Mais au niveau du bâtiment, de la ville, du quartier, on peut aussi concevoir des écosystèmes énergétiques complémentaires.
Comment traduisez-vous l’énergie 3.0 dans votre business ?
Il y a deux ans, nous avons lancé un projet d’entreprise, "Energy in Motion", qui nous a permis d’identifier des chantiers de développement spécifiques. Nous avons aussi créé la Fondation Rexel pour le progrès énergétique. Actuellement, nous travaillons beaucoup sur des solutions intégrées de services et de produits d’efficacité énergétique. C’est cette évolution qui nous a permis d’afficher au premier semestre une croissance supérieure à 10 %.
Les pouvoirs publics prennent-ils les bonnes mesures pour promouvoir l’efficacité énergétique ?
Le gouvernement a lancé une politique d’optimisation fiscale avec la baisse à 5 % de la TVA sur la rénovation thermique des logements, mais il se limite à une notion d’efficacité énergétique passive. Il se focalise sur le chauffage et le thermique. Il faut un plan intégré qui stimule des solutions actives et interactives dans l’éclairage ou encore le pilotage électrique d’une maison, d’un site… Il ne faut pas seulement se focaliser sur le résidentiel, mais également sur des segments du marché tertiaire et industriel. Il faut relancer la construction. Il y a des initiatives, mais elles sont anecdotiques. Je voudrais voir une politique intégrée.
Vous faites passer le message aux pouvoirs publics ?
Mon livre est une invitation, pour les pouvoirs publics et autres acteurs de la filière, à s’engager dans un dialogue et créer une feuille de route adaptée.
L’installation en cours de Linky, le compteur électrique intelligent d’EDF, va-t-elle dans le bon sens ?
Absolument. Pour moi Linky pourrait même devenir la box numérique de l’univers énergétique – comme la box dans les télécoms a ouvert à un monde multimédia. Linky va devenir une plaque tournante numérique.
Vous êtes belge. Que pensez-vous du climat actuel dans les entreprises françaises ? Les patrons français ont-ils raison de se désespérer ?
J’ai un passeport belge, mais je suis cosmopolite, j’ai vécu dans beaucoup de pays. C’est important de ne pas être trop franco-français dans l’approche. Le désespoir n’est pas une solution, il faut être optimiste et non défaitiste. D’ailleurs, dans mon livre et dans mes entretiens récents avec des patrons français, j’essaie dans mon approche d’être plutôt… "énergétique" !
Propos recueillis par Thuy-Diep Nguyen et Jean-Baptiste Diebold
