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Daniel Buren in situ

Splendide démonstration de l'artiste français qui joue du marbre et de ses couleurs pour métamorphoser la galerie Kamel Mennour. à voir, de préférence, seul. Pour jouir de l'illusion.

Il y a quelque chose du temple antique dans la dernière intervention de Daniel Buren à Paris. En partant toujours de sa propre géométrie, sa fameuse alternance rayée de bandes de 8,7 cm qui est devenue son «outil visuel» et sa signature, il transforme complètement l'espace de la rue du Pont-de-Lodi et en fait un jeu de gammes qui a l'air infini. C'est blanc et noir, comme un film abstrait ou les touches d'un piano céleste. C'est formidablement simple, a priori. C'est formidablement subtil, comme l'est toujours sa façon de s'approprier un lieu. Du Musée Picasso avant les travaux, qu'il a traversé d'un immense plan miroir symbolisant le présent en suspens. À la crayère des champagnes Pommery, dont il a sculpté les parois en creux, comme une tombe égyptienne du futur.

Il y a quelque chose de mathématique dans la rigueur de cette déclinaison. Ici, dix stèles de même format (217 cm × 217 cm), lourdes de 200 à 300 kg, qui se succèdent selon un ordre précis, alphabétique, celui des différents marbres utilisés par l'artiste comme autant de couleurs. Le blanc est toujours le même, celui du marbre «Blanc Thasos» (Grèce). On commence donc par l'«Arabesco T» (Italie) au blanc marbré de gris. Puis, on passe au «Black Cosmic» (Brésil) au noir légèrement pailleté. Puis au «Forest Green» (Inde) dont les veinures semblent végétales. Puis à la «Pierre de Jérusalem», beige rosé comme la Ville Sainte. Le même marbre peut donner deux aspects différents, comme le «Noir Zimbabwe», tantôt poli, tantôt laisssé mat, d'où son aspect de cuir. Comme dans chaque intervention de Buren, il y a aussi le miroir qui sert de contraste lisse au marbre blanc.

Labyrinthe de couleurs

«On fait un voyage autour du monde, on passe du Brésil à l'Inde, de l'Italie à la Grèce puis retour à l'Amérique du Sud», explique Buren, théoricien de son œuvre. Ce n'est pas la première fois qu'il utilise le marbre, mais celui des colonnes du Palais-Royal disparaît visuellement sous l'impact dominant du macadam. Sous l'intervention de Buren, la grande salle de la galerie est méconnaissable, agrandie par un jeu de modules en marbre qu'un miroir rend monumental. Ces modules déclinent les couleurs des marbres précédents et sont posés en quinconce sur des carrés dessinés au graphite sur les murs. Ces «Travaux situés» sont adaptables à tout autre lieu et architecture, selon la logique imparable de l'artiste qui a transformé le Grand Palais en labyrinthe de couleurs pour «Monumenta 2012».

Pour l'avoir vérifié au Centre Pompidou-Metz («Échos», 2011) comme chez des collectionneurs à Paris, on sait combien cet architecte de l'art est capable de tirer parti d'un endroit sans grâce particulière, de faire naître un mirage sur un toit platement fonctionnel, dans un vestibule, un couloir, voire un cul-de-sac. Parce qu'il avait exposé en 1983 à cette adresse, alors la galerie Éric Fabre, Buren a «réactivé» une pièce de l'époque. Auparavant est une alternance de bandes miroir posées de part et d'autre de la vitrine, comme le sas d'un magicien. Poussez la porte… Et tous les murs sont différents d'hier et de demain. Comme le monde inversé d'Alice, inventé par le mathématicien Lewis Carroll.

Daniel Buren. Galerie Kamel Mennour. 6, rue du Pont-de-Lodi (VIe). Tél.: 01 56 24 03 63. Horaires: du mar. au sam, de 11 h à 19 h. Jusqu'au21 mars.

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