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France

Le Maghreb doit-il craindre une percée de l'État islamique ?

Pour l'ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la DST, Louis Caprioli, la Tunisie a tout à craindre de l'expansion de Daech.
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Daech
Hayat Boumeddiene, la compagne d'Amedy Coulibaly, le 9 janvier 2015 aux côtés de Daech.
AY-COLLECTION/SIPA

Deux mois après la vague d'attentats qui s'est abattue sur la France, Louis Caprioli, ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST), revient pour Challenges sur la lutte contre le terrorisme.

Presque deux mois jour pour jour après l’attentat de Charlie Hebdo, le gouvernement a-t-il pris les bonnes mesures pour lutter contre le terrorisme ?

Il faut déjà dire qu’il avait pris conscience de cette menace avec la loi de novembre 2014 qui crée notamment une interdiction de sortie du territoire pour entraver les départs de candidats au djihad en Syrie. La législation est adaptée. Les annonces de Manuel Valls fin janvier vont évidemment dans le bon sens avec la création de 2.680 emplois supplémentaires pour lutter contre le terrorisme au cours des trois prochaines années. Mais elles sont clairement insuffisantes. Il faudrait créer ces postes tout de suite, dans trois ans ce sera trop tard. Il faut aussi recruter beaucoup plus de personnes pour surveiller et enquêter sur ces filières djihadistes. Le gouvernement dit que les services antiterroristes français doivent surveiller 3.000 personnes. Personnellement, je pense que la fourchette est plutôt comprise entre 3.500 et 4.500, mais toutes ces personnes sont en contacts avec tout un tas d’autres individus, c’est donc un boulot titanesque. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui emploie 3.300 personnes n’est pas assez armée pour cela.

Je suis également partisan de créer une task force qui regrouperait les différents services de lutte contre le terrorisme. La création d’un service d’interception qui relèverait du gouvernement et non d’un service, comme l’ont fait les Anglais, permettrait aussi de gagner en efficacité. Il n’est par exemple pas normal que les Américains aient pu intercepter des communications de Mohammed Merah et plus récemment des frères Kouachi.

Comment faire face aux recrutements sur les réseaux sociaux de ces futurs djihadistes ?

C’est mission impossible. Dès que Twitter ferme un compte, il y en a dix qui réapparaissent. Sur Facebook, c’est également très difficile d’intervenir même si les services français font beaucoup de veille. L’Etat islamique, par exemple, a une communication époustouflante de gravité. Les vidéos ressemblent à des blockbusters et sont dans toutes les langues. Elles arrivent à faire prendre conscience aux djihadistes qu’ils font partie d’une même communauté. Le succès est en tout cas au rendez-vous, puisque rien qu’en France, le nombre de personnes engagées dans les filières djihadistes ne cesse d’augmenter (elles sont environ 1.400 selon le gouvernement contre 555 un an plus tôt, NDLR).

Vous conseillez la société de sécurité privée GEOS présente en Algérie. Le Maghreb peut-il craindre une percée de Daech ?

La présence de l’État islamique en Libye est extrêmement préoccupante. A terme ils peuvent balayer toutes les organisations djihadistes car ils ont les combattants, la puissance financière et aussi le discours le plus brillant, le plus structuré. En Libye, il n’y a pas de forces qui peuvent s’opposer à Daech. Les islamistes de Misrata par exemple ne font pas le poids. En Algérie, il y a peu de choses à craindre. L’armée algérienne est forte, bien formée et dispose de moyens considérables. Depuis 20 ans le pays est confronté aux groupes djihadistes et il ne s’est pas laissé déstabiliser. En décembre l’armée algérienne a par exemple tué le chef de Daech en Algérie, Khaled Abou Slaymen.

Le vrai danger est en réalité en Tunisie. Les djihadistes sont très présents autour du mont Chaambi et l’armée tunisienne n’est pas l’armée algérienne. Peut-elle lutter contre Daech ? On ne se sait pas trop. Mais il n’y a pas que le Maghreb. Je suis par exemple assez inquiet de la situation au Niger avec l’hypothèse d’un soutien des différentes katibas du sud à Daech. Ce n’est pas inenvisageable et dans ce cas le Niger pourrait être balayé.

 

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