Partager
Économie

Ces 4 pistes pour que Hollande renverse la tendance d'ici 2017

Face à la perspective décourageante de ces deux années perdues, Challenges a demandé à quatre économistes référents quelles sont les priorités économiques du chef de l'Etat d'ici la fin de son mandat.
réagir
424 Economistes Arthus et Cahuc
Patrick Arthus / Pierre Cahuc
Challenges

Dans un entretien exclusif à Challenges, François Hollande a fait passer un message. C'est la croissance espérée en 2016 et 2017 qui sauvera les caisses de l'Etat, et exonérera le gouvernement d'économies supplémentaires. Après les analyses des éditorialistes, c'est au tour de quatre économistes de faire des propositions pour que le chef de l'Etat inverse la tendance d'ici la fin de son mandat en 2017.

Patrick Artus : Stop au gâchis de la formation professionnelle !

D’ici à 2017, François Hollande ne pourra éviter de désamorcer deux bombes financières : l’Unédic, dont la dette, culminant à 25 milliards d’euros, imposera une renégociation rapide des règles d’indemnisation du chômage ; et l’Agirc-Arrco, dont les réserves seront siphonnées d’ici cinq ans, à moins de revoir encore les règles des retraites complémentaires.

Mais au-delà de l’urgence, la réforme de fond que le chef de l’Etat devrait mener pour retrouver la croissance est celle de la formation. Face à la mondialisation, l’économie française doit impérativement monter en gamme, et ne le peut pas sans un relèvement du niveau des connaissances de sa population active. Or les résultats de l’enquête OCDE d’évaluation des compétences des adultes (PIAAC) sont alarmants : la France fait partie des pays décrocheurs, avec un adulte sur cinq faible en lecture et en calcul. Si l’on ne parvient pas à améliorer les compétences des travailleurs pour accompagner le processus d’innovation, les gains de productivité resteront faibles et la croissance atone.

Jusqu’à présent, le gouvernement est resté trop inerte. Les crédits à l’apprentissage, d’abord coupés, ont été rétablis, mais le nombre d’apprentis reste faible, alors que les modèles allemand et suisse montrent l’efficacité de ce système. L’alternance devrait aussi être bien plus encouragée. Surtout, il faut s’attaquer à la formation professionnelle, tragiquement inadaptée, un gâchis à 32 milliards par an. La récente réforme s’est préoccupée de la portabilité des droits à la formation, mais pas du fond du problème, le contenu des formations. Il faut créer des instituts de formation décentralisés, au niveau des bassins d’emploi, supervisés par les communautés d’agglomération, capables de monter des programmes adaptés aux profils d’emplois locaux et de les faire évoluer rapidement selon la demande. On en est très loin. Et on peut craindre l’immobilisme, car cette réforme est sensible : remettre en cause le système de formation, c’est s’attaquer aux syndicats qui le gèrent dans la plus grande opacité.

Pierre Cahuc : Baisser les charges et simplifier les licenciements

Réduire le chômage est possible. Nombre de pays voisins y sont parvenus. Premièrement, il faut maîtriser le coût du travail au niveau des bas salaires. Ceci suppose de cibler la totalité du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) et des allégements de cotisations patronales au voisinage du smic. Les allégements au-delà d’1,5 smic n’ont pas d’effet significatif sur l’emploi. Tout simplement parce que ces salariés ont un taux de chômage faible, qui avoisine 5%. On peut ainsi créer des centaines de milliers d’emplois et gagner des points de croissance à coût budgétaire nul. Mais pour y parvenir, il faut affronter les lobbys de secteurs qui versent des salaires élevés et profitent de l’étalement du CICE et des baisses de charges.

Deuxièmement, il faut simplifier la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. C’est indispensable pour faciliter l’accès des jeunes à l’emploi et la croissance. Mais il faut éviter de créer un nouveau contrat alambiqué qui ajouterait une couche de complexité au Code du travail. Il faut, au contraire, le simplifier et modifier la définition du motif économique pour que le juge apprécie la légalité du licenciement, non pas au regard de la santé économique de l’entreprise, qu’il est incapable d’apprécier, mais simplement de la réalité de sa réorganisation, comme dans les pays voisins.

Il faut aussi supprimer les obligations de reclassement dans l’entreprise en éliminant l’article L. 1233-4 du Code du travail qui dispose que "le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient". C’est au service public de l’emploi qu’elles doivent incomber !

Michel Pébereau : Retarder les départs à la retraite pour réduire la dépense publique

Un de nos objectifs prioritaires devrait être de démontrer que nous sommes capables de réduire nos dépenses publiques par des réformes structurelles. Avec une dette approchant 100% du PIB, il faut éviter que les investisseurs qui la financent et nos partenaires européens se mettent à douter de notre capacité de réduire notre déficit ; ou que les Français anticipent un choc fiscal, ce qui freinerait investissements et achats de logements, donc la croissance économique.

"Nous devons être capables de faire mieux en dépensant moins", a dit le président de la République. Didier Migaud, président de la Cour des comptes, souligne qu’un effort massif est indispensable, que des marges importantes existent sans porter atteinte à la qualité du service public. Pourtant, à 56,5% du PIB, notre dépense dépasse celle de l’Allemagne de 12 points et la moyenne de la zone euro de 7. Sommes-nous capables de réduire structurellement notre dépense publique ? Un observateur objectif peut en douter.

La nécessité et l’urgence d’une réforme des retraites complémentaires du secteur privé donnent l’opportunité de le démontrer. Ces régimes sont en déficit et vivent sur leurs réserves, qui vont un jour s’épuiser. Pour les sauver, il faut les réformer. Mais est-il équitable de le faire sans traiter les régimes qui dépendent de l’Etat ? La problématique est simple. Augmenter les cotisations n’est pas concevable : à 13,8% du PIB, la France dépasse de 4 points la moyenne de la zone euro.

Réduire les prestations est inacceptable pour les retraités, et elle porterait atteinte à la solidarité entre générations, fondement de notre système de répartition. Il est possible de réduire les dépenses tout en augmentant les recettes par le retard de l’âge de la retraite et l’augmentation du nombre d’annuités y ouvrant droit, selon un échéancier à préciser. C’est ce qu’ont fait tous nos partenaires européens. La décision n’est pas facile. Mais elle démontrerait au monde entier que notre pays a la capacité et la volonté, par la réforme, de réduire ses dépenses. 

Christian Saint-Étienne : Moduler la fiscalité en faveur de l’investissement productif

Avec le crédit d’impôt compétitivité emploi, les allégements de charges du pacte de responsabilité, François Hollande a impulsé une politique de soutien aux entreprises. Mais elle reste incomplète et mal lisible. Et aujourd’hui, échaudé par le ras-le-bol fiscal, l’exécutif ne veut plus toucher à rien. Pourtant, deux réformes fiscales, justifiables politiquement et supportables économiquement, permettraient de conforter la compétitivité des entreprises, de mieux se positionner dans la concurrence fiscale européenne et d’adresser aux décideurs mondiaux un vrai message "probusiness".

Première mesure : abaisser et moduler le taux d’impôt sur les sociétés (IS, aujourd’hui à 34,4%) à 30% pour les profits redistribués en dividendes et à 20% pour les bénéfices réinvestis. Cette modulation inciterait les entreprises à augmenter leurs fonds propres et à développer leurs investissements. Elle faisait d’ailleurs partie des engagements de campagne de Hollande. Sous réserve d’un ménage dans certaines niches de l’IS, le coût serait limité. Surtout, la France se rapprocherait ainsi des taux standards européens.

Seconde mesure : instaurer une taxation des revenus de l’épargne de 30% tout compris. Il est impératif de favoriser l’épargne de long terme dans des placements à risque. L’innovation a besoin d’argent et si les start-up se créent en France sans souci, les étapes suivantes, l’industrialisation, l’internationalisation, doivent être aussi financées dans l’Hexagone. Il faut donc attirer les investisseurs, et aussi les talents, en arrêtant d’appliquer une fiscalité punitive sur les stock-options et participations en capital.

Certes, pour le gouvernement, ce serait revenir en arrière par rapport à l’alignement des revenus du travail et du capital, mais le réaménagement à la suite de la révolte des pigeons montre qu’il y a des marges de manœuvre. Et ça ne coûte rien, si l’on rogne parallèlement les avantages de l’assurance-vie. Et là aussi, cela nous ferait rentrer dans le rang européen. 

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications