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Agriculture

Stéphane Le Foll recule devant les agriculteurs bio et rétablit les aides

Le ministre de l’Agriculture a annoncé ce matin le maintien des aides - supprimées quelques jours auparavant. L’indignation suscitée par cette suppression a été efficace. Dans plusieurs villes, les agriculteurs bio organisaient ce mardi des rassemblements contre le coup de massue initial du gouvernement.

-  Actualisation - Mercredi 18 mars, 8 h

Stéphane le Foll débloque le déblocage de moyens supplémentaires

Face à la mobilisation des paysans et des groupements d’agriculteurs, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a annoncé ce matin la mise en place d’une aide de maintien complémentaire. Une décision aussi inattendue que l’arrêté du 7 mars, qui avait réduit ces aides de 25 % sans que soient prévenus ni les exploitants agricoles, ni les associations d’agriculteurs.

« Tous auront bien 100 % de leurs aides », a posté le ministre Stéphane Le Foll sur Twitter, juste avant le début des manifestations prévues sur tout le territoire. Le ministre avait publié dans la nuit un communiqué concrétisant ce revirement.

L’enveloppe européenne de 103 millions d’euros de la politique agricole commune sera donc complétée à hauteur de 14 millions par le gouvernement français. Les agriculteurs toucheront la totalité des aides promises pour 2014, pour un total de 117 millions d’euros.

Ces aides seront néanmoins versées « dans le courant de l’été » selon le communiqué du ministère, soit six mois après la date initialement prévue. Pierre-Nicolas Grisel, du Groupement d’agriculteurs biologiques d’Ile-de-France, indique à Reporterre que cette annonce et la mobilisation nationale sont satisfaisantes.

Il met néanmoins en garde quant à l’interprétation de ces aides complémentaires : « Il manque 25 % d’aides pour 2014, mais le communiqué parle juste de moyens complémentaires. Il faut donc une interprétation claire de cette nouvelle décision du gouvernement, car nous ne voulons pas d’une annonce au rabais ».


-  Mardi 17 mars, matin

Après le choc de l’arrêté du 7 mars, réduisant de 25 % les aides au maintien pour l’agriculture biologique, la Fédération nationale d’agriculture biologique des régions de France (FNAB) a appelé à la mobilisation nationale. Après la région Midi-Pyrénées lundi 16 mars, les militants de toute la France se réuniront le 17 mars devant les préfectures de leurs régions.

Au téléphone, Angélique Piteau, chargée des relations presse pour le Groupement des Agriculteurs Biologiques (GAB) d’Ile-de-France, explique les raisons de la mobilisation : « Cette baisse des aides agricoles dénote un mépris de la part du gouvernement. Si l’agriculture biologique était accompagnée comme elle devrait l’être, selon les objectifs affichés, on ne devrait pas recourir à ce genre de mesure. »

Qui gère les aides de l’agriculture biologique ?

Les aides à la conversion et au maintien découlent de la politique agricole commune (PAC). Elles soutiennent les agriculteurs qui s’engagent à développer des cultures biologiques sur leurs exploitations. Depuis quelques années, ces aides sont gérées au niveau national et dépendent du premier pilier de la PAC, qui finance les aides directes aux agriculteurs sur la base de la production.

En 2015, la gestion de ces aides doit changer, pour passer sous le second pilier, dédié à des actions plus spécifiques comme le développement rural. Les aides de conversion et de maintien seront donc gérées au niveau régional. Pour Pierre-Nicolas Grisel, chargé du suivi des aides au Groupement des agriculteurs biologiques (GAB) d’Ile-de-France, ce changement de pilier est une chance pour l’agriculture bio : « Avec une gestion régionale, le dialogue entre les autorités et les groupes d’exploitants agricoles sera permanent et facilité. On pourra donc éviter d’avoir des mauvaises surprises, comme l’arrêté du 7 mars ». Mais pour l’instant, c’est l’ancienne règle qui s’applique, avec la possibilité d’un coup de massue, comme celui que vient de donner Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture.

À quoi servent les aides ?

Les paysans conventionnels qui passent au bio reçoivent des aides à la conversion pendant cinq ans, puis des aides au maintien pendant cinq nouvelles années. Ces aides leur permettent de pallier les écarts économiques liés à des accidents météorologiques ou climatiques. En 2014, les secteurs les plus concernés étaient le maraîchage et l’arboriculture, à raison de 900 € par hectare en période de conversion et 600 € pour le maintien.

Selon la Fédération régionale des agriculteurs biologiques du Midi-Pyrénées (FRAB), ces aides doivent rétribuer l’apport de l’agriculture bio à « l’intérêt général, de la protection de l’environnement à la création d’emplois. » Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de récompenser la conversion au bio, mais aussi de reconnaitre les bénéfices qu’apporte à la société ce type d’agriculture.

Une politique incohérente avec les volontés affichées par le gouvernement

Tout était clair, donc, et fin février, les agriculteurs bio ont reçu une lettre leur indiquant qu’ils allaient percevoir l’intégralité des aides au maintien prévues pour 2014. Mais, coup de théâtre le 7 mars : un arrêté ministériel, aussi brutal qu’inattendu, a annoncé une coupe de 25 % des aides au maintien, sans qu’aucune organisation professionnelle en ait été préalablement informée. Cette annonce tardive pénalise particulièrement les agriculteurs, qui ont déjà planifié leur budget et leur plan d’endettement sur ces aides.

De plus, cette mesure vient en contradiction avec les objectifs du gouvernement, qui prévoit un doublement des surfaces bio d’ici fin 2017.

Comme l’indique à Reporterre Etienne Gangneron, agriculteur et président de l’Agence Bio, cette coupe de 25 % dans les aides va entraîner « une baisse de 5 à 10 % des revenus selon les types de production et les modes de calcul. Presque un mois de salaire pour certains exploitants. »

Ainsi pénalisés, les agriculteurs pourront moins répondre à la demande de produits bios, qui croit rapidement. Selon une étude menée par l’Agence Bio et le CSA, 62 % des Français auraient régulièrement consommé des produits bios en 2014, contre 49 % en 2013. A défaut de production suffisante en France, la demande se tournera vers l’importation.

Un frein au développement

Enfin, le gouvernement affaiblit un dispositif incitatif qu’il a lui-même construit. Des signaux négatifs comme celui du 7 mars pourraient avoir, à long terme, une répercussion sur les futurs agriculteurs. Ceux qui réfléchissent à une conversion pourraient se rétracter, craignant que les aides promises ne leur soient pas versées. En comprimant de 25 % les aides au maintien pour 2014, le ministère ampute les chances du bio de se développer.

Angélique Piteau, chargée des relations presse pour le Groupement des Agriculteurs Biologiques (GAB) d’Ile-de-France, espère encore : « La partie n’est pas finie ! J’ose espérer que la décision du ministre n’est pas définitive. » Le rendez-vous est donc donné devant les préfectures des régions, pour défendre les aides et le futur de l’agriculture biologique.

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