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La Chine décidée à casser le monopole du FMI et de la Banque mondiale

•Contre l'avis de Washington, quatre pays européens rejoignent une banque de financement multilatéral créée par Pékin.•Un symbole de la nouvelle force de frappe financière du pays, qui remet en cause la domination occidentale.

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Par Gabriel Grésillon

Publié le 20 mars 2015 à 01:01

Le basculement du monde est en cours, et les Etats-Unis n'y peuvent rien. Au moment où le projet chinois d'une Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB) vient de rallier à lui quatre pays européens, les autorités chinoises peinent à cacher leur jubilation devant un mouvement qui illustre avec éclat l'émergence de la Chine en tant que puissance de premier plan - et le déclin corrélatif des Etats-Unis. Le mécontentement de Washington n'y a rien fait : le Royaume-Uni d'abord, puis les gouvernements allemand, italien et français ont décidé de s'ajouter à la liste des pays fondateurs de l'AIIB, une banque de développement dont l'acte de naissance a été signé, à Pékin, en octobre dernier, en présence d'une vingtaine de nations. Le porte-parole de la diplomatie chinoise, Hong Lei, s'est sobrement contenté d'un message de « bienvenue » à ces quatre pays du G7. Grand prince, et faussement naïf, le vice-ministre chinois des Finances, Shi Yaobin, s'est quant à lui déclaré prêt à accueillir les Etats-Unis au sein de l'institution.

Mais dans les médias chinois, la fierté est beaucoup plus perceptible. « Le Quotidien du Peuple » ne fait pas de mystère sur le fait que Washington a tenté par tous les moyens de bloquer ce projet. Du coup, l'agence officielle Xinhua juge les Etats-Unis « irascibles et cyniques », mais aussi « isolés et hypocrites ». Le « Wuhan soir » parle d'un « échec total » de la diplomatie américaine. Le « Global Times », jamais avare de sarcasmes vis-à-vis des Occidentaux, juge que c'est, au plan symbolique, la victoire de « l'harmonie chinoise » contre « l'agressivité américaine ».

Le monopole occidental en danger

C'est, en tout cas, un coup dur pour les Etats-Unis. Au-delà de leur incapacité à empêcher des nations européennes de rejoindre l'AIIB, se profile surtout la remise en cause d'une architecture financière mondiale dominée par Washington. Pékin multiplie les déclarations apaisantes au sujet d'une banque qui dit vouloir collaborer avec les institutions multilatérales existantes et apprendre des meilleures pratiques en cours.

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La réalité est plus complexe. Non seulement parce que les méthodes chinoises, en matière d'aide au développement, n'ont pas brillé, jusqu'à présent, par leur exemplarité (lire ci-dessous). Mais surtout parce que les institutions nées des accords de Bretton Woods - la Banque mondiale et le Fonds monétaire international -, en 1944, en ressortent fragilisées. Quoi qu'elle en dise, la Chine est bien en train de s'employer à casser le monopole de ces institutions sous domination occidentale. Le mouvement est manifeste depuis un an : au-delà des presque 50 milliards de dollars qu'elle va mobiliser pour l'AIIB, elle va allouer 40 milliards à un fonds pour la « nouvelle route de la soie », destiné à asseoir son influence dans les pays de son pourtour via des chantiers d'infrastructures. Il faut y ajouter 10 milliards au sein d'une nouvelle banque créée par les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et 41 milliards pour un fonds d'urgence lancé par les mêmes pays pour prévenir les risques de crise. Près de 150 milliards de dollars au total.

Outre-Atlantique, l'heure est à la remise en cause d'une stratégie d'endiguement qui montre subitement ses limites. Jack Lew, le secrétaire au Trésor américain, exhorte le Congrès à changer d'attitude vis-à-vis de la réforme des droits de vote au FMI. Actée en 2010, et donnant plus de poids aux émergents, elle n'a toujours pas été votée à Washington. « Notre crédibilité internationale et notre influence sont menacées », prévient-il. Faute d'avoir su lâcher leur mainmise sur les institutions de Bretton Woods, les Américains - et les Européens par ricochet - risquent de devoir se résoudre à accepter, à brève échéance, le fait qu'elles sont devenues partiellement obsolètes.

Correspondant à Pékin Gabriel Grésillon

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