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Les nouveaux chiffres de la radicalisation

Selon les informations que s’est procurées « Le Monde », 40 % des radicalisés signalés sont des convertis.

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Publié le 26 mars 2015 à 14h07, modifié le 19 août 2019 à 13h01

Temps de Lecture 3 min.

Nota bene : Certaines personnes ayant été signalées deux fois, le nombre de signalements diffère légèrement du nombre de signalés.

Lancé dans l’urgence par le ministère de l’intérieur en avril 2014 pour endiguer la multiplication des départs en Syrie, le plan national de lutte contre la radicalisation a atteint son rythme de croisière. Articulé autour d’une plate-forme téléphonique et des préfectures de département, ce dispositif permet aux services de l’Etat de faire remonter des situations ayant échappé aux services de renseignement.

Les données recueillies depuis près d’un an ont permis aux autorités d’affiner leur perception du radicalisme. Un concept que le ministère définit, dans un manuel de formation destiné aux agents de l’Etat, comme « tout discours utilisant des préceptes religieux présentés comme musulmans pour mener un jeune à l’autoexclusion et à l’exclusion de tous ceux qui ne sont pas comme lui ».

Selon les derniers chiffres officiels, que Le Monde a pu consulter, 3 142 personnes ont été signalées par leurs proches ou les services publics ces onze derniers mois, dont 9 % avaient déjà rejoint la Syrie. Tous les départements sont touchés, à l’exception de la Creuse. Un quart des signalements concerne des mineurs, 35 % des femmes et 40 % des convertis. Plus les individus sont jeunes, plus la proportion de femmes et de convertis augmente.

Nota bene : Certaines personnes ayant été signalées deux fois, le nombre de signalements diffère légèrement du nombre de signalés.

La grande variété de ces profils a conduit le gouvernement à structurer son diagnostic autour d’un constat : quelle que soit l’origine culturelle et sociale des personnes signalées, toutes ont en commun d’être en perte de repères et en rupture avec leur environnement. Le suivi des intéressés s’est donc articulé autour d’un accompagnement social et psychologique. Une réponse qui évacue la dimension religieuse, par ailleurs délicate à traiter par les institutions d’un Etat laïc.

 

Lire le décryptage : Qui sont les Français sur la piste du djihad ?

« Prothèse identitaire »

« Le phénomène de radicalisation n’a rien à voir avec la religion, insiste le préfet Pierre N’Gahane, chargé du volet prévention du dispositif. Il ne s’agit pas de conversions à l’islam, mais au radicalisme, même pour les musulmans. La plupart des radicalisés ont en commun une situation d’échec, de rupture, une quête de sens ou d’identité. Ils auraient pu s’accrocher à n’importe quelle branche : une secte, le suicide ou la drogue. La force du discours djihadiste est qu’il donne réponse à tout. Il s’agit d’un kit de solutions. Il nous revient de leur proposer une solution alternative. »

Cette grille de lecture centrée sur la vulnérabilité des personnes signalées est confortée par le fait que près d’un quart sont des adolescents. « Le discours djihadiste sépare le pur de l’impur, la vérité du complot, autant de notions qui apparaissent comme structurantes dans les crises d’adolescence aiguës, abonde le psychiatre Serge Hefez, qui a suivi une dizaine de familles d’adolescents radicalisés. L’islam radical fournit une prothèse identitaire. »

La majorité des signalements, et c’est encore plus vrai pour les affaires qui font l’objet d’une procédure judiciaire, concerne des jeunes relégués issus des quartiers sensibles. Là encore, selon l’analyse du gouvernement, la « prothèse identitaire » du discours djihadiste viendrait combler une faille identitaire bien plus qu’un désir de religion. « Une partie de la jeunesse vit une véritable frustration, le sentiment de ne pas appartenir à la communauté nationale, explique Pierre N’Gahane. Certains portent barbe et vêtements religieux uniquement pour sortir de l’anonymat. L’Etat islamique leur propose une terre où ils pourront se reconstruire et auront l’impression d’être considérés. On leur vend l’idée qu’ils pourront refaire communauté. »

Le voyage vers le Cham – un territoire qui couvre la Syrie et plusieurs pays limitrophes – agirait comme une revalorisation narcissique en ceci qu’il propose de suivre, par mimétisme, le parcours du prophète Mahomet. D’après le Coran, ce dernier, issu d’un milieu modeste, connut la révélation, puis l’humiliation, la rupture, et enfin l’émigration qui précéda la conquête et son retour en vainqueur. Un parcours chaotique et fantasmé qui, associé à la lecture complotiste de la propagande djihadiste, permet de donner sens à des situations d’échec.

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