Polémique : du requin dans nos crèmes de beauté

 

Polémique : du requin dans nos crèmes de beauté

    L'enquête diffusée mercredi soir sur Canal Plus, «Les requins de la colère», a suscité une grande émotion. Ce documentaire aux images spectaculaires prend la défense des squales, mal-aimés et massacrés. Subjugués par les scènes sous-marines montrant les majestueux requins dans leur environnent naturel, les téléspectateurs ont été dans le même temps sidérés devant les massacres liés à la surpêche pour satisfaire la demande de poisson et, phénomène méconnu, celui de l'industrie cosmétique.

    «On compare souvent les requins à des poissons, mais il serait plus juste de les voir comme des dinosaures. Ces animaux ont évolué avec succès pendant 400 000 millions d'années, pour se diversifier en 400 espèces différentes. En moins de 50 ans, 90 % de la population de requins a été décimée, avec à la clé une catastrophe écologique» se désole Claire Nouvian, la directrice de Bloom, la plus grosse association européenne contre la surpêche.

    Médiatiser les pratiques illicites pour faire bouger les comportements

    L'ONG vient de tester 72 crèmes pour la peau comportant la mention «squalane» sur leurs étiquettes. Cette mention ne précise pas si cette substance hydratante, couramment utilisée en cosmétique, est d'origine animale (huile de foie de requin) ou végétale (olive ou canne à sucre). Les résultats sont formels : pour 62 de ces crèmes, 1 sur 5 contient du squalane de requin.

    En Asie, plus de la moitié des 15 crèmes testées se révèle positive au  test. Aux Ã?tats-Unis, un seul échantillon - celui de la marque Bliss - sur les 14 analysés présente du squalane animal dans sa composition. En Europe, trois marques sur les 32 testées utilisent du squalane de requin : IOMA, Méthode Swiss beauty care et Topicrem.

    Requins des profondeurs en danger

    «On estime à trois millions le nombre de requins profonds (Corail, Chagrin ou Pailona commun) tués chaque année pour répondre spécifiquement à la demande internationale en squalane. Pour certains d'entre eux, c'est près de 95% de la population qui a été décimée !», décrypte Claire Nouvian.

    En utilisant une crème pour rendre la peau douce, le consommateur ne se doute pas qu'il peut contribuer silencieusement au massacre des requins. «Method Swiss beauty care affirme, par exemple, que " Tous ses produits proviennent de la richesse des ressources naturelles des Alpes Suisses",  alors que leur crème contient du squalane de requin» relève l'association.

    De même, IOMA véhicule une image haute-gamme et technologique, avec des slogans comme celui-ci : «IOMA propose un nouveau lien à la technologie, un lien émotionnel et sensible». Sur son site, le détaillant Marionnaud présente l'enseigne comme « une marque pionnière, respectueuse et rigoureuse, dédiée au bien-être de chaque femme».

    Bonne nouvelle pourtant. En 2012, Bloom avait déjà publié une étude révélant l'omniprésence d'huile de foie de requin dans les cosmétiques. Suite à cette enquête, les acteurs ont réagi. Aujourd'hui, la plupart des crèmes occidentales ont été reformulées pour éliminer le squalane animal. Même Topicrem vient de modifier la composition de sa crème, pour exclure toute forme de squalane.

    L'enquête de 2012 a crée un sursaut citoyen en Europe et aux Etats-Unis. Les technologies récentes, qui rendaient l'extraction du squalane végétale plus cher que celui provenant du requin, ont été améliorées. Aujourd'hui, les coût sont quasi équivalents» affirme Claire Nouvian.

    Un pas de géant qui nourrit de l'espoir.