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Le street art n’est plus à la rue

Réputés conservateurs, les collectionneurs s’entichent des artistes urbains. Les œuvres des plus renommés dépassent déjà le million de dollars.

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Publié le 26 mars 2015 à 12h10, modifié le 19 août 2019 à 13h01

Temps de Lecture 3 min.

« Dark Continent of Kings », de Dondi White, récemment vendu 101 000 euros chez Artcurial.

Qui l’eût cru ? Le street art est désormais considéré comme un art à part entière. Il a ses entrées chez le puissant marchand parisien ­Emmanuel Perrotin, qui représente le célèbre artiste français JR. Même le président François Hollande s’est fait tirer le portrait par lui, et il a visité l’atelier d’Ernest ­Pignon-Ernest, pionnier du genre.

Cet emballement étonne, alors que les collectionneurs sont réputés conservateurs, peu enclins à laisser entrer dans leur demeure le bruit et la fureur de la rue. Pour Stéphane Corréard, responsable de l’art contemporain à la maison de ventes Cornette de Saint Cyr, le paradoxe n’est qu’apparent. « Le street art n’est pas tant contestataire que populaire, estime-t-il. Ses créateurs étaient désireux de s’adresser au plus grand nombre. Or, dans l’explosion exponentielle de ses acteurs, le marché est largement structuré autour d’un milieu de gamme occupé par des acheteurs qui n’ont pas de réelle formation, ni même de connaissances en histoire de l’art. Comme la plupart des autodidactes, ils arrivent à l’art par les arts populaires, bande dessinée ou, aujourd’hui, street art. »

La maison de ventes Artcurial en a fait l’un de ses chevaux de bataille en organisant une grosse vente annuelle. Chez Cornette de Saint Cyr, les vacations traditionnelles d’art contemporain se dotent de plus en plus d’une section street art. Sauf que vendre de l’art urbain semble un contresens complet, dans la mesure où ce mouvement tire son suc et son sel de la rue.

L’impact visuel, clé du succès

«Les artistes urbains sont de véritables artistes qui utilisent l’espace extérieur, les murs, pour s’exprimer et développer leur talent artistique. Il ne faut pas oublier qu’ils ont en parallèle une véritable démarche d’atelier sur toile, qu’ils développent depuis assez longtemps pour certains. C’est un aller-retour incessant entre la rue et l’atelier, les murs et l’institution », explique ­Arnaud Oliveux, responsable de l’art urbain chez Artcurial.

Le street art a beau naître dans la rue, pour Stéphane Corréard, il n’est pas voué à y rester. «Lorsque l’on achète des disques de rap ou même de slam, on n’est pas condamnés à ne devoir en écouter qu’en bas des barres d’immeubles, ou dans des arrière-salles de café », défend-il.

Sauf que, bien souvent, le passage du macadam aux lambris des appartements parisiens ne pardonne pas… Que reste-t-il vraiment de corrosif dans cet art qui glisse de plus en plus vers la peinture de salon ?

Comme pour le reste de l’art contemporain, le marché a ses ténors. Deux artistes jouissent d’un fétichisme particulier, Banksy, dont les œuvres peuvent dépasser le million de dollars, et JR. La raison de leur succès tient en deux mots : l’impact visuel. « Les projets qu’ils mènent dans l’espace public sont particulièrement frappants et efficaces », insiste Arnaud Oliveux. Quand Banksy dénonce l’hypocrisie sociale ou politique, JR joue sur une veine plus documentaire.

« Œcuménisme »

«Leur production se situe au carrefour de l’art urbain et du post-Pop, ajoute Stéphane Corréard. Ils présentent le grand avantage de toucher à des thèmes forts, engageants, comme les relations avec l’autorité, les religions, les conflits ou la mort, traditionnellement associés au “grand art”, très prisés de collectionneurs influents, qui y voient la garantie d’une continuité dans l’histoire.Banksy et JR traitent ces thèmes avec œcuménisme, pour ne pas dire opportunisme. C’est un peu le syndrome “la guerre, c’est moche”, “le racisme, c’est mal”, qu’on raille par ailleurs chez certains people… »

Moins opportuniste, Invader voit aussi ses prix progresser, pour atteindre les 20 000 euros désormais. Un intérêt particulier pour le graffiti historique se fait jour. Une œuvre de l’Américain Dondi White (1961-1998), Dark Continent of Kings, a atteint 101 000 euros chez Artcurial en février, un record pour l’artiste. Dans la même vente, une toile de son compatriote JonOne est partie pour 71 240 euros. Tous les vétérans ne sont pas ainsi plébiscités. Les œuvres d’un pionnier comme ­Gérard Zlotykamien ne s’échangent que pour quelques milliers d’euros. Le marché du street art n’en est qu’à ses prémices…

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