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Le Kenya pleure ses enfants

Comment blesser davantage le Kenya dans ses fibres les plus profondes, comment le toucher plus au cœur qu’en s’en prenant à ses enfants ? Dans cette attaque, tout a été conçu pour susciter l’effroi, la peine et la colère.

Par  (Johannesburg, correspondant régional)

Publié le 05 avril 2015 à 13h25, modifié le 19 août 2019 à 12h54

Temps de Lecture 6 min.

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Des étudiants de l'université de Garissa, attendent d'être évacués, le 3 avril.

Un pays, le Kenya, a été meurtri dans sa chair : 148 personnes, dont 142 étudiants, ont été assassinées en quelques heures par un commando djihadiste, jeudi, à Garissa, dans la province nord-est du pays. Comment blesser davantage le Kenya dans ses fibres les plus profondes, comment le toucher plus au cœur qu’en s’en prenant à ses enfants ? L’université de Garissa a été visée pour ces raisons. Tout a été conçu pour susciter, dans un second temps, l’effroi, la peine et la colère : des étudiants surpris dans leur sommeil, chassés impitoyablement, triés en fonction de leur religion avant d’être abattus (les chrétiens) ou épargnés (les musulmans ou ceux en mesure de réciter une sourate du Coran), le tout assorti de propos provocateurs dont les assaillants se doutaient bien qu’ils seraient rapportés par les survivants, souhaitant notamment aux étudiants « de bonnes vacances de Pâques », comme le transmet l’Agence France-Presse, avant de décider qui achever, qui laisser vivre.

La peine, incommensurable, se trouve encore renforcée par le fait que le Kenya est un pays tout entier tourné vers l’éducation. Les parents s’y privent de tout pour payer les études de leurs enfants. Le plat national, le sukuma wiki, est aussi l’aliment le moins cher du pays. Ce chou bon marché (qui, du reste, est de la même famille que le kale) est sur toutes les tables le soir. Son nom en swahili signifie : « pousser la semaine » (jusqu’à son terme), indiquant par là qu’en s’en contentant, on a plus de chances d’avoir assez d’argent pour tenir, et même de faire quelques économies, notamment pour envoyer les enfants à école. Parfois, c’est tout un quartier, toute une communauté, qui met ses moyens en commun (lors de harambee, cérémonie de cotisations collectives pour « tirer en avant », littéralement, une action) afin qu’un enfant prometteur soit envoyé à l’université.

Les Chabab espèrent des représailles

Ce désir d’apprendre, de s’élever socialement, de vivre mieux, c’est aussi ce que les assaillants ont frappé. Et d’espérer, sans doute, que dans l’émotion des violences éclatent : violences interreligieuses, violences contre les Somalis (ethnie kényane) ou contre des Somaliens réfugiés au Kenya. Le massacre a été revendiqué par le groupe somalien Al-Chabab (Harakat Al-Chabab Al-Moudjahidin, « mouvement de la jeunesse des moudjahidin »). Pourtant, les exécutants s’exprimaient en swahili (une langue méprisée par de nombreux Somaliens). Ils peuvent venir de cellules de la côte kényane – l’un serait même tanzanien – ou appartenir à une formation comme les Muhajiroun, l’une des filiales kényanes des Chabab. L’enquête le dira peut-être. L’homme qui a conçu l’opération, selon les responsables kényans, serait Mohamed Kuno « Gamadheere », encore appelé cheikh Dulayadin, un Kényan somali, ancien enseignant de madrassa à Garissa, qui a rejoint les insurgés somaliens au début des années 2000 et a occupé des fonctions dans l’administration de la région frontalière du Jubaland, en Somalie, lorsque celle-ci était sous contrôle chabab.

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