"Génocide" arménien : la Turquie rappelle son ambassadeur au Vatican pour consultations

"La déclaration du pape, qui est loin de la réalité légale et historique, ne peut pas être acceptée", a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères.

Source AFP

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, en mars 2015.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, en mars 2015. © Mario Guzman/EPA/MAXPPP

Temps de lecture : 4 min

Alors que le pape a pour la première fois utilisé le terme "génocide" pour parler du massacre des Arméniens il y a cent ans, la Turquie proteste. Le Premier ministre turc a qualifié les propos du pape sur le génocide arménien de "partiaux" et "inappropriés". Le pays a également annoncé dimanche qu'il rappelait pour consultations son ambassadeur au Vatican, après les déclarations du souverain pontife.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

"Notre ambassadeur au Vatican, Mr Mehmet Pacaci, est rappelé en Turquie pour consultations", a annoncé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

"Loin de la réalité légale et historique"

Un peu plus tôt, la Turquie avait convoqué le représentant du Vatican à Ankara afin qu'il s'explique sur la position du pape François. Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a en effet jugé "sans fondement" l'utilisation de ce terme. "La déclaration du pape, qui est loin de la réalité légale et historique, ne peut pas être acceptée", a tranché le ministre sur son compte Twitter.

Le pape François a employé dimanche, pour la première fois, le terme de "génocide" à propos des massacres des Arméniens il y a 100 ans, déclaration jugée inacceptable par la Turquie qui a convoqué le représentant du Vatican à Ankara. "Au siècle dernier, notre famille humaine a traversé trois tragédies massives et sans précédent. La première, qui est largement considérée comme le premier génocide du XXe siècle, a frappé votre peuple arménien", a déclaré le pontife en citant un document signé en 2001 par le pape Jean-Paul II et le patriarche arménien. Il a ensuite évoqué les tragédies perpétrées "par le nazisme et par le stalinisme" puis cité les "exterminations de masse" au Cambodge, au Rwanda, au Burundi et en Bosnie. Le pape s'exprimait à l'ouverture d'une messe pour les fidèles de rite catholique arménien, concélébrée avec le patriarche arménien Nerses Bedros XIX Tarmouni à l'occasion du centenaire des massacres de 1915-1917, et en présence du président arménien, Serge Sarkissian.

"Grande déception"

Dimanche, en citant un écrit de son prédécesseur, François s'est employé à ne pas utiliser directement le terme de "génocide". Mais l'essentiel reste : le mot a pour la première fois résonné de la bouche d'un pape dans le cadre solennel de la basilique Saint-Pierre de Rome.

Le ministère turc des Affaires étrangères a ainsi très vite réagi en convoquant le représentant du Vatican à Ankara. Ensuite, dans un communiqué, le ministère a exprimé sa "grande déception et tristesse" et a reproché au chef des catholiques romains de "prendre parti" en ignorant la souffrance des musulmans et d'autres groupes religieux à la même époque. "Je pense que c'était très courageux" de la part de François, a déclaré à l'AFP le vaticaniste Marco Tosatti. "Avant de devenir pape, Jorge Bergoglio avait déclaré clairement plusieurs fois que c'était un génocide. En citant Jean-Paul II, il a renforcé la position de l'Église en indiquant clairement son point de vue sur le sujet."

Se souvenir est "un devoir"

Évoquant les innombrables victimes, majoritairement chrétiennes, d'une "effroyable et folle extermination", le pape a insisté : "Se souvenir d'eux est nécessaire, plus encore, c'est un devoir, parce que là où il n'y a plus de mémoire, cela signifie que le mal tient encore la blessure ouverte."

Les Arméniens estiment que 1,5 million des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l'Empire ottoman. Nombre d'historiens et plus d'une vingtaine de pays, dont la France, l'Italie et la Russie, ont reconnu un génocide. La Turquie affirme pour sa part qu'il s'agissait d'une guerre civile, doublée d'une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort. En 2014, le président turc islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, avait présenté pour la première fois des condoléances aux Arméniens, sans pour autant cesser de contester toute volonté d'extermination.

Un dialogue de sourds en novembre dernier

La déclaration du pape risque de compliquer encore un peu ses relations avec la Turquie, où sa visite en novembre avait été marquée par un dialogue de sourds, le pape se faisant l'avocat d'une alliance des religions contre le terrorisme tandis que les autorités d'Ankara restaient arc-boutées sur une dénonciation de l'islamophobie. Au cours de la messe de dimanche, François a aussi proclamé "docteur de l'Église" saint Grégoire de Narek, moine mystique arménien du Xe siècle.

Comme il l'a fait à de nombreuses reprises et avec force ces dernières semaines, le pontife argentin a en outre évoqué les violences qui frappent les chrétiens à travers le monde, en particulier au Moyen-Orient. "Aujourd'hui encore, nous sommes en train de vivre une sorte de génocide causée par l'indifférence générale et collective", a-t-il insisté.

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (19)

  • JDECLEF

    (Il y a eut d'autres génocides dans le monde c'est une des tares de l’être humain il faut déjà l'admettre, ce sera déjà un grand pas de fait pour qu'il n'y en ait plus !)

    La suite logique après la réaction du pape par la Turquie, car toute vérité n'est pas bonne à dire et à entendre par les turcs même si avérée !

    On peut comparer cela à la Shoah durant la dernière guerre sur une moindre échelle mais c'est bien la destruction du peuple arménien (hommes femmes enfants) qui ont été organisé par les autorités turques de l'époque !

    Lé négationnisme ou la mauvaise foi de la Turquie actuelle n'apporte rien à ce pays qui devrait admettre ce fait horrible avéré de l'histoire commune de deux peuples antagonistes et tourner cette page douloureuse !

    La Turquie en niant la vérité évidente ne fait que ce mettre sur le banc des barbares intolérants et ne pourra s’intégrer dans un monde démocratique européen comme elle le voulait, çà c'est un fait et de toute façon la démocratie turque et la liberté s'étiole petit à petit sous le gouvernement actuel du président Erdogan qui prône le nationalisme avec un couche d'islamisme plus radical !

  • Odalie

    Oui, on commémore chaque évènement monstrueux perpétré par les nazis, depuis plus de soixante ans et consciencieusement ce génocide nous est rappelé, alors que d'autres sont commis en toute impunité, comme celui des arméniens ou des chrétiens actuellement, et les pires atrocités ont été et sont commises dans l'indifférence générale.
    Les allemands et Merkel en particulier sont sans aucun doute anéantis d'avoir eu un tel bourreau à leur tête pendant la deuxième guerre mondiale, mais ont reconnu, aux yeux de la terre entière, la barbarie de hitler, ce qui est extrêmement courageux.
    Ce pape aussi est courageux, réagit comme il le peut, mais certainement pas comme il aimerait le faire.
    Merci à lui.

  • Firetiger

    Pour la Turquie d'appeler un chat un chat ! Et pourtant c'est un génocide... Merci à Sarkozy de s'être opposé à l'entrée de ce pays dans L'UE...