JO 2024 : le casse-tête d'Anne Hidalgo
Les décideurs de Paris 2024 se demandent quand et comment consulter la population sur la candidature.
Une formalité. Lundi, le Conseil de Paris a dit oui à la candidature de la ville aux JO 2024, selon le vœu formulé par Anne Hidalgo. Dix-neuf arrondissements sur vingt y sont favorables. Seuls les écologistes et l'unique conseillère du Parti de gauche ont voté contre. Le consensus politique trouvé, reste à approfondir les modalités de la candidature. Mercredi, pour la première des réunions mensuelles de l'Association de candidature présidée par Bernard Lapasset, trois chantiers seront abordés : l'affinement du dossier technique, la gouvernance et l'implication populaire.
Ce dernier volet est celui qui nourrit le plus de débats. Surtout depuis qu'Anne Hidalgo a annoncé une "grande consultation en 2016 ". Pourquoi attendre 2016 alors que Paris aura déposé sa lettre de requérante auprès du CIO, en septembre 2015? Sous quelle forme consulter? Questions d'autant moins neutres que la campagne d'attribution des JO d'hiver 2022 regorge de candidatures torpillées par le manque d'adhésion. Les projets de Saint-Moritz et de Munich ont ainsi été désavoués par des référendums locaux en 2013, avant le dépôt de dossier. Puis Cracovie et Oslo ont jeté l'éponge l'an dernier, en pleine campagne. Denver avait fait plus fort : après avoir obtenu les Jeux d'hiver 1976, la ville du Colorado avait dû les refuser sous la pression de ses habitants.
Le CIO, qui intègre ses propres sondages dans ses évaluations des candidats, se méfie de plus en plus des ruades locales. Et les villes tiennent tant à se "couvrir" qu'elles érigent désormais la consultation en figure imposée. Dans ce contexte, Paris a choisi de prendre son temps. Adjoint aux sports, Jean-François Martins estime qu'interroger les Parisiens d'ici septembre serait "prématuré". "Pour qu'ils puissent s'exprimer, il faut leur présenter un dossier concret, sur les équipements, leur localisation, le financement. On n'en est pas encore là."
"La démocratie n'est jamais un danger"
La réflexion porte aussi sur la forme juridique que prendra la consultation annoncée : Un référendum local, qui oblige les élus à se conformer au résultat du scrutin? Une votation citoyenne ou une consultation communale, sans valeur couperet? La question simple et directe ("pour ou contre les Jeux à Paris?") "n'est pas exclue mais surtout pas restrictive", prévient-on prudemment dans l'entourage d'Hidalgo, où on envisage plutôt de demander à la population d'exprimer ses souhaits ou priorités, sur le modèle du budget participatif en 2014. "L'idée est que les gens ne soient plus spectateurs d'un projet pondu par des consultants, complète un des acteurs du dossier. Et qu'ils se déterminent sur autre chose que le logo ou la mascotte."
Le référendum, souhaité par 72% des Parisiens selon un sondage du JDD, se heurte à la réticence quasi-générale des décideurs. Les politiques ont même fait passer le message au mouvement sportif : dans un référendum, les "anti" se mobilisent souvent davantage que les "pro". Sans compter le risque d'un vote sur une politique globale plutôt qu'une réponse à une question. La crainte d'un vote anti-Hidalgo? "La démocratie n'est jamais un danger", répond Martins.
Hambourg et Boston rejetés?
Membre du CIO et tête de pont du projet, Tony Estanguet ne voit pas le référendum comme une fin en soi. "Ce n'est pas un "oui" à un référendum qui nous donnera les Jeux. Les critères de vote des membres du CIO ne sont pas tous les mêmes. C'est le projet à l'international qui fera la différence." Dans les couloirs de l'Hôtel de Ville, on se dit même qu'un "oui à 60% (chiffre qui correspond à l'état actuel de l'opinion) serait contre-productif ; cela voudra dire que 40% des Parisiens ne veulent pas des JO. Autre problème : consulter uniquement les Parisiens n'a pas de sens car la candidature dépasse le périphérique." Il est donc question de sonder les populations des villes de Seine-Saint-Denis qui accueilleraient le village des athlètes ou le centre des médias.
Pour trancher, il convient enfin de guetter la stratégie des concurrents. Hambourg, préférée à Munich en raison de sondages plus encourageants, a choisi un référendum dès septembre. Si la forme n'est pas définie, Boston a prévu un dispositif similaire en novembre 2016, juste avant la remise des dossiers techniques au CIO. "S'ils se sont imposé ces contraintes, c'est qu'ils n'avaient guère d'autre choix, estime Estanguet. Il ne faut pas copier les Allemands ou les Américains juste parce qu'ils sont face à nous. Ne nous mettons pas dans des situations compliquées à résoudre." En creux affleure surtout l'idée que Paris, qui doit aussi composer avec Rome, pourrait tirer profit des processus adverses. Un rejet par les populations de Hambourg puis de Boston, et ce serait un boulevard qui finirait par s'ouvrir.
Source: JDD papier
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