Nomination à la présidence de France Télévisions : le CSA reste dans l’opacité jusqu’au bout

A l’heure où la liste restreinte des prétendants est toujours gardée confidentielle, seuls deux candidats sont désormais connus avec certitude : points forts et points faibles de Rémy Pflimlin et de Nathalie Collin.

Par Service télévision

Publié le 16 avril 2015 à 18h50

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h35

Qui sera le nouveau patron de France Télévisions ? La partie de cache-cache organisée par le CSA continue de plus belle. Après avoir reçu trente-trois dossiers de candidature, le CSA a fait le ménage et élaboré une liste restreinte de finalistes. Combien sont-ils exactement ? Qui sont-ils ? Mystère. Le CSA impose depuis le début une procédure confidentielle, et jusqu'au bout les noms des candidats sélectionnés doivent rester secrets. Tout juste sait-on que le nom du lauréat devrait sortir du chapeau à la fin de la semaine prochaine.

Pourquoi tant d'opacité ? Officiellement pour protéger l'anonymat des candidats et permettre à des pointures du public, mais surtout du privé, de postuler sans être fragilisées dans leur fonction. Compréhensible jusqu'à un certain point, aujourd'hui dépassé. Avec la crise à Radio France, dont Mathieu Gallet, nommé il y a un an par le CSA, sort essoré et délégitimé, on a avant tout besoin de transparence. Ce n'est pas du futur patron de L'Oréal ou de Sanofi dont on parle, mais du président des chaînes publiques, pour lesquelles les Français payent la redevance. Il est légitime qu'à ce stade les citoyens-téléspectateurs aient le droit de savoir qui sont les candidats retenus par le CSA, quels sont leur profil et surtout leur projet. L'audition des candidats devrait être publique et retransmise à la télévision et sur Internet.

Au lieu de quoi tout se tiendra dans le plus grand secret et, en l'état, on en est réduit à quelques certitudes :

– Parmi les candidats retenus dans la short list figurent à coup sûr le président sortant de France Télévisions, Rémy Pflimlin, et Nathalie Collin, directrice générale adjointe du groupe La Poste en charge du numérique et de la communication.

– Cinq autres personnalités feraient également partie de cette liste : Cyrille du Peloux (ex-TF1), un des dirigeants actuels de Veolia ; Christophe Beaux, président de la Monnaie de Paris ; Pascal Josèphe (ex-TF1, France 2, France 3), vieux baroudeur de la télévision ; Robin Leproux (ex-M6, RTL, PSG) et Delphine Ernotte,  directrice générale d'Orange.

– Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (France 24, RFI), et Didier Quillot, ex-patron de Lagardère Active et d'Orange, n'ont pas été sélectionnés par le CSA. La première figurait pourtant à juste titre parmi les favoris ; quant au second, son CV rend difficilement compréhensible son élimination à ce stade, surtout au vu des candidats qui seraient finalement retenus.

– Emmanuel Hoog (ex-INA), patron de l'AFP, a toujours gardé un silence total sur son éventuelle candidature. S'il était effectivement candidat et que son nom n'ait pas été retenu dans la short list, ce serait un camouflet pour lui et une bourde magistrale de la part du CSA, tant son parcours et sa stature le qualifiaient à l'évidence parmi la liste restreinte des candidats.

De cette première manche reste au final une impression de nouveau rendez-vous raté de la part du CSA. L'opacité qui prévaut à cette nomination est la porte ouverte à tous les réseaux d'influence, qui ne font pas bon ménage avec la démocratie et ne sont en rien garants de la désignation d'un bon président.

Atouts et handicaps des deux candidats dont nous avons la certitude qu'ils figurent sur la short list :

Rémy Pflimlin

61 ans, président de France Télévisions

Parcours professionnel

Il est partagé entre la presse et l'audiovisuel. Il a commencé par l'écrit, d'abord à Jours de France, puis sur ses terres natales, où il occupera différentes fonctions de direction au quotidien Les Dernières Nouvelles d'Alsace, avant d'aller présider L'Alsace. En 1999, sa carrière change de trajectoire, il prend pour six ans la direction générale de France 3. Principaux faits d'armes : le lancement de Plus belle la vie et du magazine Pièces à conviction. Après un nouveau détour de quatre ans à la direction de Presstalis (ex-NMPP), il est nommé président de France Télévisions par Nicolas Sarkozy le 5 juillet 2010.


Atouts

Il est le candidat de la continuité. Avant la crise à Radio France, Rémy Pflimlin n'avait aucune chance, la longueur et la dureté du conflit lui en redonnent une, même si elle est mince. Au côté d'un Mathieu Gallet apparu soudain bien fragile et maladroit dans la fonction, Pflimlin incarne une forme de solidité sans génie, mais de solidité quand même. Sa connaissance du job, sa capacité à encaisser et son respect naturel de l'autorité de l'Etat peuvent apparaître comme une forme d'assurance tous risques contre une nouvelle crise dans l'audiovisuel public. Bienvenu dans le contexte actuel. Si les voix du CSA s'éparpillent lors des premiers tours entre les candidats, il pourrait devenir l'homme du compromis. Compromis par défaut, mais seul le résultat compte. Rémy Pflimlin le sait bien, lui qui avait été finalement choisi en 2010 face à l'ultra-favori du moment, Alexandre Bompard.

Handicaps

Il est le candidat de la continuité. Difficile de faire oublier qu'il a été nommé par Nicolas Sarkozy. Si son bilan était vraiment solide, il aurait pu avoir une petite chance, même si, à ce jour, aucun président de France Télévisions n'a effectué deux mandats consécutifs. Ce n'est pas le cas, malgré des réussites dans le numérique et l'information. Le changement devrait donc prévaloir, d'autant que le CSA ne l'a guère épargné depuis sa nomination, jusqu'à l'ultime rapport très critique sur son bilan publié en décembre dernier.

Nathalie Collin

50 ans, directrice générale adjointe en charge de la communication du groupe La Poste

Parcours professionnel

Au tournant des années 2000, elle roule sa bosse dans l’industrie de la musique, d’abord chez Virgin, puis chez EMI, dont elle prend la direction. En 2009, après avoir passé douze ans dans le sérail, elle quitte une zone de turbulences pour une autre : elle devient présidente du directoire de Libération, avant de rejoindre L'Obs deux ans plus tard. Au cours de son passage aux manettes de l’hebdomadaire, elle supervise le rachat de Rue89 et pilote, au nom des grands titres de presse, les négociations avec Google (qui déboucheront sur la création d’un fonds dédié aux projets numériques). Depuis avril 2014, elle est directrice de la communication et directrice générale adjointe du groupe La Poste.

Atouts

Habituée à jongler avec les casquettes siglées (Syndicat national de l’édition phonographique, Société civile des producteurs phonographiques, Association de la presse d’information publique et générale), elle connaît les difficultés des industries en mutation et sait négocier avec les pouvoirs publics. Portée sur la chose numérique, elle a su aller chercher des compétences qui lui manquaient : elle est candidate en tandem avec un des meilleurs faiseurs de programmes de télévision, Vincent Meslet, le numéro 2 d’Arte, et peut aussi compter sur les conseils de Catherine Smadja, qui a œuvré à la réforme de la BBC.

Handicaps

Son ticket avec Vincent Meslet trahit une carence préjudiciable : elle n’a jamais travaillé dans l’audiovisuel, et n’est spécialiste ni des grilles ni des programmes (ce qui est le cas d'autres candidats). Dans le sprint final, elle pourrait aussi manquer d’entregent, puisqu’elle se lance en indépendante, sans lobbyistes ni cabinets de conseil. Sa proximité avec le codirecteur de la rédaction de Libération, Laurent Joffrin, doté d'un épais carnet d'adresses dans le monde politique, pourrait en revanche lui être utile.

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