Pourquoi les médecins ne nous disent pas tout

Selon une enquête que nous dévoilons, 43 % des praticiens français avouent cacher une partie de la vérité à leurs patients. Pour mieux les aider...

Pourquoi les médecins ne nous disent pas tout

    « C'est grave, docteur ? » Qui n'a jamais eu cette question en tête, face à ceux à qui l'on vient confier nos corps, et avec cette immense angoisse de ne pas forcément repartir léger d'une simple ordonnance et d'un rassurant : « ce n'est presque rien ». Et eux, que font-ils de cet instant ? Disent-ils toujours vrai, jusqu'où ? Pour l'évaluer, le site d'information médicale Medscape, destiné au corps médical, a posé la question en ligne à ses adhérents, qui exercent dans 49 pays. Plus de 21 500 y ont répondu, majoritairement aux Etats-Unis, pays d'origine du site, mais aussi en France. Nous avons pu, en exclusivité, découvrir cette enquête, qui dessine les contours de l'éthique médicale en France aujourd'hui.

    Aux Etats-Unis, la religion de la vérité

    Malgré la loi Kouchner, qui, depuis 2002, pose la transparence aux malades comme un dû, le médecin français n'a pas la religion absolue de la vérité. Quarante-trois pour cent des répondants (dont un tiers exercent en cabinet) disent pudiquement relativiser les risques d'une opération ou d'un traitement au patient... pour mieux obtenir son adhésion au traitement. Aux Etats-Unis, ils ne sont que 10 %.

    Rien de surprenant, juge Sylvie Fainzang, anthropologue spécialisée dans la maladie, qui analyse cet écart à l'aune d'une différence culturelle majeure : le monde anglo-saxon, protestant, réprouve fortement le mensonge. S'y ajoute la crainte des recours juridiques, si le médecin est pris en défaut pour ne pas avoir tout dit de sa maladie et du traitement à son patient. Le tout bardé de pourcentages sur la possibilité de s'en sortir, avec ou sans séquelles. Autant de statistiques offrant un rempart bien pragmatique.

    Un bouclier mathématique que les médecins que nous avons interrogés réprouvent. « Un pronostic statistique n'est jamais vrai qu'après coup », martèle la psychiatre Anne-Marie Merle-Béral qui dénonce la cruauté de la  transparence absolue. Même à l'heure d'Internet et de l'information médicale pléthorique en ligne, ce ne sont pas des vérités mathématiques que nous venons chercher dans ce colloque singulier avec le médecin. « Prétendre tout comprendre de sa maladie via le Net, c'est comme imaginer pouvoir conduire un Boeing dont on aurait lu la notice en ligne », ironise le chirurgien Maurice Mimoun. « Quand bien même les patients auraient tout lu la veille, témoigne le neuroradiologue Jean-Yves Gauvrit, c'est de ma bouche qu'ils veulent entendre les mots. » Vrais, mais choisis.

    >> Lire l'intégralité de notre enquête dans l'édition de ce jour du Parisien-Aujourd'hui en France