Jadis attrayante pour les jihadistes, la Bosnie en "exporte" aujourd'hui

Une Bosniaque musulmane, survivante du massacre de la ville de Prijedor de 1992, se recueille sur les cercueils de proches dans le village de Kozarac, le 19 juillet 2014
Une Bosniaque musulmane, survivante du massacre de la ville de Prijedor de 1992, se recueille sur les cercueils de proches dans le village de Kozarac, le 19 juillet 2014 © AFP/Archives - Elvis Barukcic

Temps de lecture : 4 min

La Bosnie, qui attirait les jihadistes pendant la guerre des années 1990, fournit aujourd'hui des combattants pour des groupes islamistes en Syrie ou en Irak, un mouvement qui représente un défi sécuritaire pour les Balkans.

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Des centaines de musulmans de Bosnie - communauté majoritaire (40%) et essentiellement modérée dans cette ex-république yougoslave de 3,8 millions d'habitants -, ont adopté une interprétation rigoriste de l'islam, inspirée par le wahhabisme saoudien, importée dans le pays par des étrangers et des organisations "humanitaires" au cours du conflit.

La plupart de ces combattants étrangers, qui épaulaient les forces musulmanes, ont quitté la Bosnie dans l'après-guerre. Mais le grain du radicalisme avait été semé. Vingt ans plus tard, les prêcheurs salafistes en Bosnie ne sont plus des étrangers, mais des ressortissants bosniens.

Ils recrutent leurs adeptes et parmi eux les candidats au jihad dans des lieux de prière qui échappent au contrôle de la communauté musulmane officielle.

"Il n'y a aucun doute que le processus de recrutement est possible grâce à l'existence d'un réseau dans ces lieux de prière" salafistes, assure Esad Hecimovic, journaliste bosnien spécialise de la question.

A son avis, la mise en place d'un "califat", à savoir une "patrie islamique", est la principale motivation de ces jeunes jihadistes.

"Le danger s'est transformé au cours des années. Pendant les conflits dans les Balkans, on avait sur place des combattants étrangers. Maintenant, nous avons des combattants de Bosnie et des Balkans qui participent aux conflits ailleurs" dans le monde, fait-il valoir.

La communauté wahhabite en Bosnie serait toujours très minoritaire - estimée par les autorités à 3.000 membres- , mais elle sert de base pour recruter des jihadistes.

Quelque 200 ressortissants bosniens ont rejoint les rangs du groupe Etat islamique. Une trentaine ont été tués et une quarantaine sont rentrés en Bosnie, selon des estimations des renseignements locaux.

"Ceux qui reviennent dans le pays sont très dangereux. Pas seulement parce qu'ils combattaient là-bas, mais aussi parce qu'après une telle expérience, ce ne sont plus les mêmes personnes", met en garde Jasmin Ahic, professeur à la Faculté de criminologie de Sarajevo.

- Défi sécuritaire pour les Balkans -

"Ils sont bien sûr observés (par les agences sécuritaires), mais le danger est qu'ils se mettent à recruter d'autres candidats" pour le jihad, ajoute ce spécialiste du terrorisme.

Pour empêcher leur départ, les autorités ont modifié la législation. Les jihadistes et leurs recruteurs encourent désormais des peines allant jusqu'à vingt ans de prison.

Depuis septembre, la police a arrêté une trentaine de suspects, mais la plupart ont été remis en liberté. Des faits qui restent difficiles à prouver, estiment des spécialistes.

Le procès de l'un des prêcheurs salafistes, Husein Bosnic, dit Bilal, 42 ans, s'est ouvert en janvier devant un tribunal de Sarajevo.

Ancien membre d'une unité des moudjahidines pendant la guerre de Bosnie, qui était composée aussi d'étrangers, il s'est imposé comme leader de la mouvance wahhabite locale après le départ en Syrie fin 2013 de son "prédécesseur" Nusret Imamovic.

Imamovic, dont le nom figure sur une liste de "terroristes étrangers" à l'échelle mondiale publiée en septembre 2014 par le Département d'État américain, serait aujourd'hui, selon des renseignements bosniens, le numéro trois du Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda.

L'imam de Buzim (nord-ouest), Husein Bosnic, père de 17 enfants et qui vit dans une union avec quatre femmes - bien que la polygamie soit interdite en Bosnie -, est inculpé d'"incitation publique à des activités terroristes" et de "recrutement" de jihadistes.

Des Bosniaques musulmans, survivants du massacre de Srebrenica en 1995, se recueillent sur les cercueils de proches dans le village de Potocarion le 10 juillet 2013 © Elvis Barukcic AFP/Archives
Des Bosniaques musulmans, survivants du massacre de Srebrenica en 1995, se recueillent sur les cercueils de proches dans le village de Potocarion le 10 juillet 2013 © Elvis Barukcic AFP/Archives

"Il recevait de l'argent en provenance de certaines personnes des pays arabes. Il s'agit de montants importants", a affirmé pendant le procès le Procureur Dubravko Campara.

Quatre autre personnes, deux jihadistes et deux recruteurs, ont également été inculpés début avril à Sarajevo.

Le phénomène touche la plupart des pays des Balkans, notamment la Serbie, le Kosovo et l'Albanie où des procès similaires se sont ouverts ses dernières semaines et dont les autorités ont également durci la législation.

On estime à environ 600 le nombre total de djihadistes recrutés dans ces pays par des groupes en Syrie et en Irak.

18/04/2015 12:40:23 - Sarajevo (AFP) - Par Rusmir SMAJILHODZIC - © 2015 AFP