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Billet de blog 23 avril 2015

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Mis en demeure par le PSG pour un tweet sur la liberté d'expression

Après avoir chassé du Parc des Princes Yoann Seddik le 5 mars, pour avoir lancé un chant contestataire durant un match de Coupe de France, le PSG cherche plus que jamais à faire taire toute opposition, y compris sur les réseaux sociaux.

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Après avoir chassé du Parc des Princes Yoann Seddik le 5 mars, pour avoir lancé un chant contestataire durant un match de Coupe de France, le PSG cherche plus que jamais à faire taire toute opposition, y compris sur les réseaux sociaux.

Le 5 mars dernier, le Paris Saint-Germain reçoit l'AS Monaco lors d'un match de Coupe de France. En plein milieu de la seconde mi-temps, Yoann Seddik, un abonné depuis deux saisons, lance un chant visant à contester la politique tarifaire du club de la capitale pour la saison prochaine, à savoir « Abonnements trop chers, supporters en colère ». Ce chant, qui dénonce une hausse des prix jusqu'à 25%, est immédiatement repris par une très grande majorité du stade mais il ne faut qu'une poignée de secondes pour que six stewards au physique imposant s'empressent dans le virage Boulogne pour chasser manu militari ce Franco-Marocain de 27 ans, pourtant connu pour un passé sans contentieux avec la direction parisienne. Il ne faudrait surtout pas que ce brouhaha vienne parasiter la retransmission sur France Télévisions à une heure de grande écoute... On peut consommer PSG mais le club refuse le service après-vente et la relation avec ses clients...

Pour avoir assisté à cette scène surréaliste durant le match, je décide, comme souvent, d'interpeller sur Twitter l'état-major du PSG. Comme à chaque fois, je ne suis pas persuadé qu'ils me liront et je suis intiment convaincu que mon avis 2.0 a tout pour laisser baigner ces gens d'un autre monde dans leur océan d'indifférence.

Je décide alors de détourner une campagne « Prédateurs de l'information » réalisée par BETC Paris pour le compte de Reporters Sans Frontières en 2013 en m'emparant de l'affiche de Vladimir Poutine où il adresse un doigt d'honneur en toute sobriété pour lui greffer la tête de Nasser Al-Khelaïfi. Dans ce tweet, je me demande si le PSG de QSI, par l'intermédiaire de son représentant, est bel et bien Charlie. Je me contente de faire une allusion au sinistrement célèbre « Je suis Charlie » pour reprocher l'absence de liberté d'expression autour du PSG, que ce soit dans une enceinte sportive ou derrière un écran d'ordinateur.

Quelle ne fut pas ma surprise quand je me suis rendu au bureau de Poste pour y récupérer un Accusé-Réception envoyé par le Paris Saint-Germain et signé par la plus belle plume de Jean-Claude Blanc. Le directeur général délégué me met en demeure pour que je retire de mon compte Twitter le fameux tweet à l'encontre de Nasser Al-Khelaïfi, son supérieur hiérarchique. Dans un premier temps, on me reproche des actes de contrefaçons et d'atteinte aux marques de renommée du PSG. Mais n'est-ce pas tout le principe même de la satire d'utiliser tous les codes afin de détourner le message initial et le tourner en ridicule ?

Depuis le drame du mois de janvier 2015 au sein de la rédaction de Charlie Hebdo, le Paris Saint-Germain assure à de nombreuses reprises défendre le message fédérateur « Je suis Charlie », verbatim qui prône d'abord cet amour pour la liberté d'expression. Dans son courrier, les Rouge & Bleu me reprochent de présenter Nasser Al-Khelaïfi au travers un geste obscène, sans même prendre en compte qu'il s'agisse d'un détournement de la campagne RSF, et que je laisserais entendre son indifférence aux attentats terroristes. Je conduirais les internautes à croire que Nasser Al-Khelaïfi rejoindrait dans une certaine mesure le point de vue des terroristes ayant perpétrés des attentats meurtriers. Cette interprétation de leur part sur la portée de mon message est bien évidement honteusement erronée : je revendique tout simplement que l'on ne peut plus s'exprimer librement quand il s'agit d'évoquer le PSG dans une enceinte sportive ou sur Internet.

En aucun cas je ne souhaite ouvrir un débat sur la place du Qatar dans le monde, ni-même commenter sa politique internationale, que ce soit en Afrique, au Proche-Orient ou partout ailleurs sur la planète. J'ai bien évidemment un avis sur ces sujets, mais je me réserve bien de le garder pour moi car je n'ai pas cette légitimité pour commenter les affaires internationales : d'autres experts sont plus aptes pour traiter ces questions... Néanmoins, je m'étonne que Vladimir Poutine ne m'ait pas mis en demeure de retirer cette photo où j'appose le visage de Nasser Al-Khelaïfi sur son corps d'Apollon...

Par ailleurs, le PSG me reproche d'avoir utilisé un hashtag #HonteAuPSG pour illustrer mon message. Je ne savais pas que l'utilisation de ce hashtag pourrait m'envoyer devant un tribunal. J'ai beau faire une analyse sémantique dans tous les sens, de demander l'avis à de nombreux amis et même à un conseil juridique : personne ne voit de termes racistes, sexistes, homophobes, injurieux, diffamants, méprisants. Je me rends compte que je n'ai peut-être pas les bonnes relations pour m'expliquer le poids des mots même si je comprends le choc des photos. Je n'ai peut-être pas les capacités intellectuelles pour comprendre les subtilités de ma langue maternelle.

Depuis des semaines, j'accuse le PSG de ne pas respecter la liberté d'expression. Et comble du cynisme, le Paris Saint-Germain me met en demeure pour supprimer certains tweets afin de taire ma liberté de parole, ma liberté de penser. En me mettant en demeure, on exerce sur moi une forme de chantage : j'ai huit jours pour me plier à leur chantage ou prendre le risque d'aller dans une chambre du tribunal de grande instance de Paris. Je pourrais opter pour la première option mais je suis ce pot de terre contre le pot de fer. J'ai donc huit jours pour accepter l'idée de manger mon vomi et ravaler ma fierté.

Je vais profiter de ces huit jours pour quand même faire durer ce plaisir un peu plus longtemps. Ca ne sert à rien pour moi de jouer contre les Qataris : je n'ai pas leur puissance financière et je suis déjà bien placé qu'une procédure de ce genre prend beaucoup de temps et un peu d'argent. Sans parler de la pression familiale qui voudrait que je rentre dans le moule du « Sois sage, baisse les yeux et tais-toi »... A quelques jours de la journée mondiale de la liberté de la presse (3 mai), c'est vraiment un comble de demander à un blogueur d'arrêter de tweeter. Et quand on voit aujourd'hui un nouvel arrêté de la part du ministère de l'Intérieur rendant légal pour le Paris Saint-Germain son black-listing jusque-là interdit par la CNIL grâce à son fichier STADE, il y a vraiment de quoi avoir peur dans cette France en 2015. En attendant, les terroristes passent nos frontières sans trop de problèmes et le chômage reste toujours très fort...

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