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Election contestéeL'armée détient la clé d'une accalmie au Burundi

L'armée est dans une position de «désamorçage du conflit» au Burundi.

Depuis dimanche à Bujumbura, les manifestants opposés à un troisième mandat du président burundais Pierre Nkurunziza louent l'armée, jugée plus neutre qu'une police déterminée à tuer dans l'œuf la contestation. Le comportement qu'adopteront les militaires si la situation dégénère est pourtant incertain, selon les analystes.

Dans les quartiers périphériques de la capitale, où la police cantonne les manifestants pour les empêcher de faire une démonstration de force au centre-ville, la même scène se rejoue depuis que Pierre Nkurunziza a été désigné par son parti (Cndd-FDD) candidat à la présidentielle du 26 juin.

Un face-à-face se tend entre policiers prêts à tirer à balles réelles et manifestants prêts à répliquer à coup de pierres. Mais l'armée, vigilante à proximité, s'interpose.

«L'armée a réaffirmé son rôle de neutralité et veut jouer ce rôle à 100%», résume un diplomate. «Elle collabore pour maintenir l'ordre mais le fait d'une façon qui évite le dérapage».

«Désamorçage du conflit»

L'armée, qui a tout de même perdu un soldat jeudi dans les affrontements, est dans une position de «désamorçage du conflit», renchérit Christian Thibon, spécialiste du pays à l'Université française de Pau (sud-ouest).

Au sortir de la guerre civile qui a opposé l'ex-armée tutsi à des rébellions hutu et fait quelque 300'000 morts entre 1993 et 2006, armée et police ont été recomposées.

Aux termes de l'accord d'Arusha (2000) qui avait ouvert la voie à la fin du conflit, chacune est censée respecter une parité ethnique dans ses rangs, dans un pays très majoritairement peuplé de Hutu.

L'armée qui passe pour mieux respecter cette contrainte, a hérité, à l'inverse d'une police reconstruite de toutes pièces, de la structure et du professionnalisme de l'ancien corps.

Cela explique en partie la perception de neutralité et de professionnalisme qu'en a la population. La police, elle, est accusée de mélanger les genres en utilisant les jeunes du parti au pouvoir, les «Imbonerakure», qualifiés de «milice» par l'ONU.

Une image renforcée

L'image de l'armée a aussi été renforcée grâce aux formations dispensées notamment pour intégrer des missions internationales de maintien de la paix.

Mais se rangerait-elle forcément du côté de la population si la situation dégénérait?

«Pas aussi simple», tranche le diplomate.

Pour Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group (ICG), «deux conceptions de la neutralité politique traversent l'armée»: «L'une signifie que les militaires n'ont pas à discuter les ordres du pouvoir politique. L'autre que les militaires ne doivent pas s'impliquer dans des combats politiques».

«Nous allons voir laquelle de ces conceptions va l'emporter», poursuit-il.

L'armée est aussi divisée suivant des lignes «politiques et ethniques», dit le diplomate.

«Les commandants et leurs adjoints sont rarement de la même ethnie et encore moins de la même obédience politique», notait aussi l'ICG au sujet de l'armée et de la police dans un récent rapport. «Cela entraîne aussi des allégeances hors hiérarchie, fondées sur des affiliations du temps de la guerre civile, qui induisent une certaine fragmentation des institutions».

Le chef d'état-major actuel, Prime Niyongabo, issu de la rébellion hutu qu'était le Cndd-FDD pendant la guerre, est un fidèle de Pierre Nkurunziza, d'ailleurs soutenu par plusieurs hauts gradés qu'il a promus et qui ont tout à perdre d'un changement de régime.

Mais d'autres généraux, même issus du Cndd-FDD comme l'ex-chef d'état-major et ex-chef des services de renseignements Godefroid Nyombare, limogé pour avoir déconseillé au président de se représenter, sont en dissidence.

Composantes hutu et tutsi

Étant donné sa composition, l'armée, faite d'ex-officiers de l'armée tutsi et d'ex-chefs rebelles hutu, ne peut pas bouger, estiment des hauts gradés burundais.

«Les deux ennemis d'hier travaillent en harmonie, mais les différences sont encore là, ils ne se font pas suffisamment confiance pour se mettre ensemble pour un coup d'Etat», analyse un ex-responsable du corps, ajoutant que la composante tutsi ne bougera jamais seule, de peur de représailles contre les civils tutsi.

Pour Christian Thibon, l'armée ne peut effectivement «plus se permettre les révolutions de palais» qu'elle s'autorisait quand un président perdait sa légitimité.

L'histoire post-coloniale burundaise est jalonnée de coups d'Etat. Mais, relève-t-il, l'armée est désormais «prisonnière de la logique de réconciliation» et doit respecter «a minima des acquis démocratiques».

Pour l'analyste, elle pourrait intervenir si «l'instabilité» s'aggravait drastiquement et si les militaires étaient légitimés à agir, par exemple si la communauté internationale le leur demandait.

Surtout, peut-être, si cette communauté internationale les menaçait de les priver de la manne financière des missions internationales.

AFP