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Internet congestionné d’ici à 2023 ? Pas si vite !

Les prévisions alarmistes de certains universitaires prévoyant la fin du Net sont largement exagérées, selon de nombreux experts du secteur.

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Publié le 11 mai 2015 à 20h47, modifié le 08 octobre 2019 à 10h55

Temps de Lecture 4 min.

« La fin d’Internet, c’est pour bientôt. » Et pour cause, le réseau des réseaux serait « au bord de l’effondrement », voire carrément « menacé d’explosion » à « l’horizon 2023 », à croire certains titres de la presse ces derniers jours.

La raison ? Avec l’essor des smartphones, l’avènement de la télévision numérique et la multiplication des vidéos de chats mignons, les tuyaux seraient menacés d’engorgement, la quantité de données échangées serait en telle augmentation que leur transport menacerait de devenir impossible et la consommation électrique associée insoutenable.

Ce vent de panique s’est levé du côté de l’équivalent britannique de l’Académie des sciences, la prestigieuse Royal Society. Cette dernière a organisé les 11 et 12 mai un symposium scientifique où des chercheurs vont se pencher sur le « capacity crunch » (la crise de capacité) d’Internet.

Le chercheur qui chapeaute ce rassemblement, Andrew Ellis, de l’université Aston de Birmingham, a multiplié les interviews dans la presse anglaise. « La demande rattrape l’offre. On s’en est très bien sorti pendant des années, mais on arrive au point où on ne peut pas continuer pour toujours », expliquait-il dans le Daily Mail. Il craint que la pose de nouveaux matériels, les innovations en termes de transmission de données ne suffisent pas à repousser certaines limites techniques actuelles (capacité de stockage, vitesse de transmission…).

La prédiction fait sourire les techniciens du réseau. « Le mythe de l’effondrement d’Internet, on l’a vu cent cinquante fois. J’ai confiance dans les chercheurs chez les équipementiers », estime un consultant réseau, bon connaisseur du dossier.

Depuis sa naissance, Internet était en effet censé mourir plusieurs fois : en 1996, lors du bug de l’an 2000, en 2004, avec l’arrivée des pays émergents sur le réseau, ou en 2012, avec l’accélération de l’Internet mobile. Il a survécu à chaque fois.

« Techniquement, il est exact que le débit augmente et que, si on ne fait rien, ça atteindra une limite, explique Stéphane Bortzmeyer, ingénieur réseau et spécialiste de l’architecture d’Internet. Mais les opérateurs ne restent pas inactifs. Je ne vois aucune raison de faire du sensationnalisme pessimiste. »

« On joue sur l’alarmisme », abonde Clément Cavadore, consultant et membre du conseil d’administration de France IX, le principal nœud de l’Internet français – où fournisseurs d’accès et de contenus connectent leur réseau. « Je ne dis pas que les besoins en bande passante ne vont pas augmenter. Mais cette prédiction sert à dire qu’on ne gagne pas assez d’argent, qu’il faut des investissements. » Selon lui, même l’avènement des objets connectés n’entraînera pas de déluge de données : « La technologie s’adapte et les usages ne vont pas continuer à croître comme ils l’ont fait ces dix dernières années. Mon frigo ne m’enverra pas une vidéo en haute définition de l’intérieur de sa porte ! »

Même ton rassurant du côté de Henk Steenman, le directeur technique d’AMS-IX, le nœud d’échange Internet d’Amsterdam, un des plus fréquentés du monde : « Un effondrement d’Internet au niveau mondial sera évité en hébergeant les données qui représentent la majeure partie de la bande passante plus près de l’utilisateur final. » Les innovations technologiques permettront sans problème, selon lui, d’augmenter les capacités d’Internet par « bien plus qu’un facteur de 10 dans les prochaines années ».

Internet devrait survivre à l'explosion de données liée à l'augmentation des usages.

L’autre danger que pointent les chercheurs qui craignent un capacity crunch, c’est l’augmentation spectaculaire des besoins en électricité par les infrastructures d’Internet. Dans le cas des datacenters, ces ordinateurs géants où sont stockées une grande partie des données qui circulent sur le Web, cela représente souvent leur principal poste de dépense.

Avec l’augmentation des données échangées sur Internet, démultipliée par l’émergence du cloud computing, qui consiste à héberger une part croissante de ses données (photos, courriels, documents…) sur des ordinateurs distants, le nombre de datacenters a explosé.

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Selon une note publiée en avril par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France, certaines zones de la région parisienne, notamment autour de Plaine Commune, seraient « au bord de la saturation » en termes de consommation électrique. Et, selon la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie, 25 % de l’augmentation des besoins en énergie liée au Grand Paris seront imputables aux datacenters. Andrew Ellis, toujours dans le Daily Mail, tire la sonnette d’alarme : « Nous allons arriver à court d’énergie dans une quinzaine d’années. »

Cette prédiction est « basée sur des chiffres alarmistes », nuance Laurent Lefevre, chercheur à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) qui travaille sur la consommation énergétique liée à Internet. Selon les estimations de Greentouch, un consortium d’industriels et d’universitaires auquel participe l’Inria, les marges de manœuvre de l’industrie en matière d’économies d’énergie sont considérables : « Nos travaux montrent qu’il est possible de diminuer par un facteur 1 000 la consommation électrique d’Internet tout en garantissant la qualité du service. Autrement dit, on pourrait avoir en 2020 un réseau qui consomme 90 % de moins qu’en 2010, même avec l’explosion du trafic. »

Les clés de cette maîtrise de la gourmandise énergétique d’Internet sont nombreuses : diminution de la consommation des appareils, organisation plus décentralisée du réseau, mais aussi optimisation des logiciels et des applications qui fonctionnent sur les appareils.

« Le mouvement est déjà engagé », juge M. Lefevre, citant par exemple de nouvelles méthodes de refroidissement des datacenters. « Oui, les réseaux consomment » et le trafic augmente. Mais, pour lui, cela ne va pas se traduire par l’effondrement d’Internet. En revanche, précise-t-il, « cette augmentation du trafic doit nous inciter à être écoraisonnable ».

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