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Un soja OGM « sain » : la nouvelle idée de Monsanto et DuPont

Les deux géants de l'agrochimie lancent une graine modifiée exempte d'acides gras trans et riche en acides oléiques. Et souhaitent l'exporter en Europe.

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Publié le 13 décembre 2013 à 17h27, modifié le 14 décembre 2013 à 11h06

Temps de Lecture 4 min.

Du soja génétiquement modifié, aux Etats-Unis.

Les OGM peuvent-ils être bons pour la santé ? Le débat est relancé alors que le groupe américain d'agrochimie Pioneer, filiale du géant DuPont, est en train de lancer, sur le marché américain et peut-être bientôt en Europe, une graine de soja génétiquement modifiée et « saine », de marque Plenish. Son rival, Monsanto, développe de son côté un produit similaire, Vistive Gold.

« On travaille depuis dix ans sur le Plenish. Il s'agit de la première huile de soja qui présente des bénéfices sanitaires pour le consommateur : elle est en effet riche en acides oléiques, ce qui en fait un produit qui vaut presque l'huile d'olive, assure Michael Keller, porte-parole de DuPont Pioneer. Surtout, elle est exempte d'acides gras trans. » Mêmes propriétés du côté du Vistive Gold, créé pour supprimer ces mauvaises graisses.

SUPPRESSION DES ACIDES GRAS TRANS

L'annonce tombe à pic alors que l'Agence des produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA) américaine veut bannir les acides gras trans de l'alimentation des Américains. Une réduction de la consommation de ces graisses hydrogénées artificielles pourrait éviter 20 000 crises cardiaques et 7 000 morts chaque année. La décision définitive doit être rendue après une consultation publique de soixante jours – jusqu'à mi-janvier – pour déterminer notamment le temps nécessaire au secteur agroalimentaire pour se plier à cette nouvelle règle.

Or l'huile de soja contient des acides gras trans. Cette huile a pour particularité de rancir assez rapidement, ce qui limite la durée de conservation des aliments qui en contiennent et exige des restaurants de changer leur huile de friture fréquemment. Pour la faire durer plus longtemps, et également la solidifier afin de l'utiliser dans des produits alimentaires industriels, l'huile peut être traitée avec de l'hydrogène gazeux. Mais ce processus, l'hydrogénation partielle, crée également des acides gras trans. En modifiant les gènes de certains enzymes du soja, Monsanto et DuPont ont donc changé la composition de cette huile. 

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ATTENTE D'AUTORISATION EN EUROPE

Un champ de soja dans le Mato Grosso, au Brésil, en janvier 2011.

Avec cette nouvelle graine, les deux groupes espèrent relancer un marché de l'huile de soja comestible en baisse depuis quelques années aux Etats-Unis. La consommation de cette huile – qui représente 60 % du marché des huiles végétales, loin devant le colza, la palme ou le maïs, selon le ministère de l'agriculture – est tombée à 5,6 millions de tonnes l'an dernier, contre 7 millions en 2005, selon la United Soybean Board. Et la décision de la FDA pourrait encore accélérer cette diminution.

Le Plenish a été approuvé aux Etats-Unis, où 93 % du soja est transgénique, mais aussi dans 94 % des marchés d'exportation américains. Son lancement commercial est prévu en 2014 : DuPont espère planter de 100 000 à 300 000 hectares de soja, principalement dans l'Indiana et dans l'Ohio.

La seule exception majeure à ce développement est l'Union européenne – qui importe environ 30 millions de tonnes de tourteaux de soja chaque année pour son bétail mais ne consomme presque pas d'OGM pour l'alimentation humaine. DuPont a déposé une demande d'autorisation de mise sur le marché pour l'alimentation humaine et animale. « L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit donner son avis très bientôt, explique Michael Keller. On espère une décision finale des Etats membres à la mi-2014. »

Le Vistive Gold, de son côté, a été autorisé à la culture aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique, où il est planté en « quantités limitées », et attend également une autorisation pour être exporté en Chine et dans l'Union européenne.

REDORER L'IMAGE DES BIOTECHNOLOGIES

« Ce soja pourrait se voir autorisé en Europe. En présentant l'OGM comme un produit présentant un intérêt pour le consommateur, éventuellement appuyé par des labels, les industriels changent la problématique et peuvent toucher une frange de la population qui était jusque-là hostile aux produits transgéniques », analyse Christophe Noisette, chargé de mission pour l'association Inf'OGM.

Car jusqu'à présent pratiquement toutes les cultures OGM introduites aux Etats-Unis, de même qu'en Europe, visaient à aider les agriculteurs à contrôler les mauvaises herbes et les insectes au lieu de profiter aux consommateurs en termes d'amélioration des valeurs nutrionnelles ou du goût. Ces nouvelles graines de soja pourraient redorer l'image quelque peu ternie de l'industrie des biotechnologies.

UN OGM SAIN ?

Reste la question des risques sanitaires que peut entraîner la manipulation du vivant. « En modifiant certains composants de l'aliment, on peut déséquilibrer sa composition chimique dans son ensemble, prévient Christophe Noisette. Il faut donc procéder à des évaluations scientifiques extrêmement sérieuses des OGM, ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui. L'affaire Séralini l'a montré : les études des autorités sanitaires et des industriels ne sont pas suffisantes en termes de durée des tests, de puissance statistique ou de méthode d'analyse. »

« Il n'y a pas de raison pour que les OGM ne soient pas sains, mais ces substances posent encore beaucoup de questions, confirme Laurent Chevallier, médecin-nutritionniste au CHU de Montpellier. Surtout, il y a un risque à vouloir breveter tout le vivant et créer sans cesse de nouveaux produits dont nous n'avons dans le fond pas besoin. Les consommateurs ont ainsi déjà accès à une grande variété d'huiles, comme l'huile d'olive ou de noix, qui présentent de larges vertus nutritionnelles et très peu d'acides gras trans. On peut se contenter de ce qui existe. »

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